À travers la question de l'accès au droit au logement, nous en venons à interroger le paradigme de l'intégration et la manière dont la France s'en saisit, en termes de sens, de mode opératoire et d'évaluation des différents dispositifs. Le sujet des migrations est fortement instrumentalisé et doit être rationalisé : au-delà de toute idéologie politique, les migrations ont toujours constitué un fait social et historique. Aujourd'hui, il est nécessaire de se doter d'une politique d'intégration à la hauteur des enjeux que les migrations soulèvent.
L'association Elia existe depuis 2004. À la demande de l'État, nous avons progressivement centré notre action d'accueil et de l'intégration des personnes migrantes sur les réfugiés politiques. Notre champ de compétence et d'expertise concerne donc avant tout cette population spécifique même si nos constats peuvent s'appliquer à toutes les populations en précarité.
Notre structure est fondée sur l'idée que tout être humain a besoin d'un logement pérenne pour trouver une place stable dans une société et pour bénéficier de la disponibilité intérieure et intellectuelle nécessaire à son processus d'intégration. Quand une personne occupe un logement temporaire, elle sait qu'elle devra le quitter sous peu et ne dépose jamais ses valises, ni symboliquement ni matériellement. Elle a par conséquent de grandes difficultés à apprendre la langue ou chercher un emploi, et à s'inscrire dans un processus d'intégration.
Nous travaillons donc à l'accès des personnes réfugiées au logement et à leur maintien dans le logement sans assistance sur le long terme. À ce titre, notre association pratique le bail glissant de manière intégrale. Nous ne proposons pas de logement temporaire. Nous captons des logements allant du T1 au T6 dans les parcs privés et publics. Nous nous assurons de la dignité de ces logements, en les rafraîchissant si nécessaire. Nous les attribuons enfin aux personnes réfugiées selon un processus de co-construction, lequel nous permet d'obtenir un taux de refus inférieur à 2 %.
En une quinzaine d'années, nous avons permis à 700 ménages de devenir locataires, soit environ 1 700 personnes. Notre accompagnement social global intensif permet l'accession au statut de locataire en une durée moyenne de neuf mois. Nous accompagnons 200 à 300 personnes chaque année.
Nous nous appuyons pour cela sur trois dispositifs : premièrement, l'intermédiation locative (IML) qui dépend de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) assure 150 places. Deuxièmement, nous gérons des centres provisoires d'hébergement (CPH), principal vecteur d'intégration officiel pour les réfugiés, créés par l'État et financés par la direction générale des réfugiés en France (DGEF). Troisièmement, nous accueillons des réfugiés réinstallés dans le cadre de programmes internationaux avec le fonds d'asile migration intégration (FAMI) européen, codirigé par la DGEF. Il s'agit de personnes réfugiées en attente dans des camps en Jordanie, en Turquie, ou au Liban par exemple, qui arrivent sur le territoire français par voie aérienne, et sont placées immédiatement dans un logement autonome avec un accompagnement intensif. Après un an, ces personnes deviennent locataires de leur logement, et sont ainsi épargnées des ruptures de parcours ou des déménagements successifs. Le taux d'encadrement des besoins de ces personnes réfugiées est très élevé, nécessitant une ligne d'astreinte jour et nuit. Cet accompagnement intensif est nécessaire aux personnes qui arrivent dans un nouveau pays, et il renforce aussi la sécurisation des bailleurs qui nous proposent des logements.
Depuis la signature d'une convention avec le groupe HLM Habitat en région (HER) il y a presque un an, nous disposons de 70 nouveaux logements pérennes chaque année. Étant donné que les personnes deviennent locataires, notre parc n'est pas statique et nous devons trouver de nouveaux logements chaque année. Nous avons donc besoin de partenariats conséquents.
Le droit au logement est devenu en 2007 un droit fondamental. Il est accessible à toute personne en résidence stable et régulière en France. Nos dispositifs sont organisés selon deux grands principes.
Les premiers sont les dispositifs d'urgence et d'accueil. Il s'agit de logements temporaires permettant d'accueillir des demandeurs d'asile pendant l'instruction de leur demande : des hébergements d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA), des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) ou des hôtels. Il s'agit de logements en diffus, collectifs, requérant ou non une participation financière.
D'autre part, un certain nombre de dispositifs d'intégration existent pour les réfugiés. La plateforme de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement des personnes sans-abri ou mal-logées (DIHAL) propose des logements aux bénéficiaires du statut déjà logés dans le parc du Dispositif National d'Accueil (DNA). Cependant, le DNA n'accueille environ que 50 % de l'ensemble des demandeurs d'asile. Les chiffres d'avant la crise du covid qui sont plus fiables montrent que 150 000 personnes environ demandent l'asile chaque année et que 40 000 personnes l'obtiennent. La plateforme DIHAL ne propose des logements qu'aux personnes déjà hébergées dans le DNA ; la moitié des personnes hébergées se retrouve donc à la rue. Les demandes de HLM et le recours DALO peuvent permettre l'accès au logement. Nous mettons pour notre part en œuvre l'intermédiation locative et l'accueil dans les centres provisoires d'hébergement (CPH). Enfin, Action Logement permet l'accès au logement privé, et nous avons évoqué la possibilité d'hébergement citoyen.