Intervention de Emmanuel Brasseur

Réunion du mercredi 22 septembre 2021 à 14h30
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Emmanuel Brasseur, directeur de l'hébergement et du logement accompagné de l'association Coallia :

L'association Coallia fêtera ses 60 ans l'an prochain. Notre association, laïque et apolitique, s'appuie sur les valeurs de l'humanisme, de la solidarité, et de la non-discrimination. Nous œuvrons dans le secteur des activités sociales et médico-sociales. Nous avons commencé, à notre création par la formation et le logement des travailleurs migrants. Dans les années 1970, le secteur s'est ouvert à la demande d'asile et à l'intégration des réfugiés, puis s'est généralisé sur les thèmes de l'hébergement et du logement. Nous opérons aujourd'hui de la rue jusqu'au logement de populations fragilisées et migrantes, tout en garantissant un accompagnement social pour les mener à l'autonomie et leur permettre de devenir des locataires de droit commun. Nous intervenons dans la politique du logement d'abord au travers de l'IML et dans la nouvelle politique du logement, parfois en parallèle des dispositifs d'hébergement.

L'association compte environ 4 000 salariés et 800 établissements et services sociaux sur toute la France. Nous gérons environ 18 000 logements en France au sein de résidences sociales, de foyers de travailleurs migrants (FTM), de foyers de jeunes travailleurs (FJT), qui constituent des logements à vocation très sociale. Nous accueillons également des migrants au sein de dispositifs d'hébergement sociaux généralistes, via le 115, ou des demandeurs d'asile dans les structures spécifiques de premier accueil du DNA, dans des CADA, HUDA, ou centres d'accueil et d'examen des situations (CAES).

Le droit au logement est consacré dans le droit international. L'article 21 de la convention de Genève stipule que « en ce qui concerne le logement, les États contractants accorderont aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire un traitement aussi favorable que possible ». Ce droit au logement s'inscrit pour les réfugiés dans le droit commun : tout résident en France y a accès.

La population migrante que nous accompagnons se divise en deux catégories. La première comprend les personnes qui n'ont pas droit au séjour. Il s'agit de déboutés du droit d'asile qui peuvent continuer à se retrouver sur le territoire national. A la question de l'hébergement s'ajoute donc pour eux celle de l'accès au logement et de la régularisation. Parmi ceux qui ont un droit au séjour, on distingue les demandeurs d'asile en cours de procédure et les réfugiés auxquels la France a accordé sa protection, qui bénéficient chacun de droits spécifiques.

Nous sommes conscients de la volonté de la politique publique d'améliorer l'accès au logement des migrants. Le droit au logement opposable est inscrit dans le droit français, et une série de lois renforce les dispositifs d'accès au logement pour les migrants. Dans le cadre de la politique du logement d'abord, les programmes de réinstallation identifient des familles vulnérables dans des camps de réfugiés aux abords de la Syrie, ou en Afrique subsaharienne. Ils leur évitent des parcours d'exil dangereux et complexes. En France, des associations prennent en charge leur accompagnement social, leur accès à un logement pérenne et les aident à trouver une autonomie financière et dans l'habitat. Nous travaillons en détail ces projets d'intégration dans des territoires, que le gouvernement cherche à situer davantage en région qu'en Île-de-France que dans les grandes métropoles du fait de la tension sur le logement.

Cependant, malgré ces lois, règlements, programmes, et politiques publiques d'augmentation de la production de logements, des difficultés persistent. En premier lieu, la moitié seulement des 100 000 demandeurs d'asile environ qui arrivent en France chaque année se voit offrir une possibilité d'hébergement. L'autre moitié continue d'être domiciliée dans les services de premier accueil, ce qui pose la question de l'équité du traitement des demandeurs d'asile envers l'ensemble desquels la France a pourtant un devoir de protection et d'hébergement.

Concernant les réfugiés, les difficultés ont une dimension territoriale : prenons l'exemple des délais d'accès au logement social, dans lequel les personnes migrantes, en raison de leur situation financière notamment, sont davantage locataires que les Français. Ces délais peuvent aller d'un à dix entre une région sous-tension et une région hors tension : dans une région en sous-tension, il faut trois mois pour accéder à un logement social, contre plus de trois ans pour des régions en surtension. La tension du marché du logement constitue une question fondamentale pour la capacité à proposer un logement stable à ces personnes.

Nous ne pouvons nier les améliorations des politiques publiques, et constatons la volonté de la ministre du logement d'augmenter la production de logements, et celle du ministère de l'intérieur d'augmenter les dispositifs d'intégration des réfugiés. Mais des difficultés demeurent. La première concerne la production de logements. Nos publics vont majoritairement vers le logement dit social ou à vocation sociale. Or l'offre de logement social reste très souvent limitée à des typologies dites familiales, T3 et T4. De plus en plus de réfugiés sont des personnes isolées, souvent jeunes, en grande précarité économique. L'offre de logement doit être en adéquation avec leurs moyens et leur capacité à habiter dans le logement. Les résidences sociales ont notamment fait leurs preuves sur ce point.

De plus, les lois et les règlements ne sont pas toujours appliqués de la même façon sur l'ensemble du territoire, ce qui s'explique notamment par un déficit d'information des différentes administrations. Un des enjeux de la politique de l'hébergement et du logement est de réduire les délais afin de garantir une intégration correcte des réfugiés mais aussi de réaliser des économies sur la politique publique.

Enfin, la politique du logement ne peut se concevoir qu'en parallèle de la politique d'intégration. L'accès au logement est conditionné par une autonomie de vie, qui passe par des ressources, et donc par l'insertion professionnelle et l'accès aux droits ainsi que de questions de santé physique et mentale. Une prise en charge globale de ces questions d'intégration est nécessaire pour dépasser les freins à l'accès au logement de ces populations.

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