Ne rentrons pas dans une logique binaire sur le respect ou non de la France en matière du droit au logement. Disons que malgré des efforts, y compris ceux faits par les bailleurs, la France ne respecte pas suffisamment ce droit et demandons-nous plutôt quelles améliorations apporter. Chaque année, les rapports de la fondation Abbé Pierre expliquent bien le déficit structurel en logements, qui complique les choses à plusieurs niveaux.
L'hébergement citoyen n'entre pas dans mon champ de compétence, mais nous en recueillons quelques échos. Son intérêt principal réside dans le symbole très fort que représente pour les réfugiés le fait d'être accueilli dans un foyer français, et non plus dans des dispositifs. Et, pour rebondir sur les propos de M. Morel, l'hébergement citoyen offre de grands avantages sur le plan linguistique mais aussi pour l'apprentissage des codes sociaux. Enfin, pour les moins de 25 ans et les personnes isolées, c'est une solution pour combler les vides posés par le déficit de logements.
Concernant la politique du « zéro point de fixation », je ne dispose pas d'étude précise mais il apparaît cependant clairement que ces démantèlements cachent une tentative d'invisibilisation, qui n'est à la hauteur ni des enjeux posés par la question du logement et de l'hébergement ni de notre République.
Je rejoins M. Morel sur la question de l'interministérialité. Comme vous le soulignez, le sujet est tellement large qu'on ne peut travailler de manière cloisonnée. M. Brasseur rappelait que l'accès au logement est étroitement lié à la politique du logement en France, et aux types de logements créés. Trop peu de logements HLM qui sont créés sont des logements très sociaux. Ils ne permettent qu'une mobilité, en réalité restreinte, de personnes quittant les logements sociaux les plus précaires. Lors de notre dernier comité de pilotage avec le groupe HER, nous avons noté un taux de rotation inférieur à 5 %, voire 2 %. Par conséquent, il faut créer beaucoup de logements très sociaux, en réfléchissant à leur typologie.
Je rejoins mes collègues sur les efforts de politique publique accomplis ces dernières années. Depuis 2016-2017, des groupes de travail réguliers ont été organisés avec la DGEF dans une démarche de co-construction avec les acteurs territoriaux et nationaux de l'accueil et de l'intégration. Des places supplémentaires à l'intégration ont été créées. Ici, je souhaite différencier le paradigme de l'accueil et de l'urgence, de celui de l'intégration. Depuis des décennies, la France a une véritable difficulté à assumer une politique d'intégration. A ce titre, la nomination de M. Alain Régnier sur les questions d'accueil et d'intégration en 2018 est symbolique. Cela n'apparaît pas seulement sur le plan sémantique, mais aussi sur le plan quantitatif. Le DNA, dispositif national d'accueil, autrefois appelé dispositif national d'asile, n'inclut pas le terme d'intégration. En 2019, 92 % des places du DNA sont réservées à l'urgence et à l'accueil, et seulement 8 % à l'intégration. Ce dispositif conçu en entonnoir entraîne un embouteillage à l'intégration. Faute de places suffisantes, les personnes ne peuvent en sortir et restent dans les dispositifs d'urgence sans accéder à un logement pérenne. L'entrée pour les nouveaux arrivants est bouchée. Pour environ 150 000 demandes d'asile par an, on disposait en 2019 de 108 000 places à l'hébergement d'urgence et l'accueil : 42 000 places manquent. Seule la moitié des demandeurs d'asile pourront effectivement postuler à ces 108 000 places, comme l'a évoqué le dernier plaidoyer de la FAS, le reste n'y accèdera pas. Environ 40 000 des 150 000 demandes d'asile sont acceptées. Les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire ne disposent que de 8 710 places en CPH soit un manque de 30 000 places. Et ces 8 710 places officielles ne sont disponibles que si le taux de rotation de chacun de ces dispositifs le permet. Or, en moyenne, comme l'a rappelé Didier Leschi en 2020, le taux de rotation d'un CPH est de quinze mois. Ces 8 000 places ne sont donc pas disponibles en réalité, et le système est encore plus bouché.
Il faut donc créer davantage de places à la sortie et aussi dans la logique du logement d'abord, pour éviter que le parc ne reste statique, et que les personnes qui en sortent n'émargent sur des dispositifs de droit commun, comme le DALO, créant de nouveaux problèmes de fluidification. Il faut dépasser la logique de l'urgence et envisager une forme de plan d'apurement, dans une approche interministérielle, afin de créer les bonnes places et les logements adéquats pour les 40 000 nouvelles personnes réfugiées chaque année.