Intervention de Bérangère Taxil

Réunion du mercredi 22 septembre 2021 à 17h00
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Bérangère Taxil, professeure d'université en droit public et directrice de Master 2 en droit international et européen, Centre Jean Bodin de l'Université d'Angers :

Je vous remercie pour votre empathie à l'égard de la société universitaire. Je remercie aussi la région Pays de la Loire qui a financé une partie de nos recherches. Nous travaillons de manière collective et pluridisciplinaire. Sur la question de l'asile et de l'immigration, les juristes sont rares. Ils sont utiles mais loin du terrain. Par conséquent, il nous est indispensable de travailler avec des chercheurs issus d'autres disciplines, comme la géographie ou la sociologie. Il faut décloisonner le monde universitaire et travailler davantage avec des acteurs de terrain. Quand nous disposons des moyens suffisants, nous effectuons des missions de terrain, et sommes par exemple allés au Canada et en Grèce.

Les visas OFII-OFPRA correspondent à ce visa au titre de l'asile sans fondement juridique, aussi appelé visa humanitaire. Il existe un fondement juridique dans le code communautaire à la délivrance de visas pour des motifs humanitaires, mais pour des visas de moins de trois mois. Les juges de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de justice de l'Union européenne ont déclaré que ces visas de court séjour Schengen ne sont pas des fondements juridiques pertinents pour demander l'asile ou pour des motifs de détresse humanitaire. Ces visas sont délivrés en nombre restreint et de manière opaque. Le ministère de l'intérieur a publié les chiffres suivants le 15 juin 2021 : en 2016, 17 visas ont été délivrés ; 36 en 2017, 402 en 2018, 1 372 en 2019. Le chiffre augmente. Mais 58 visas ont été délivrés en 2011, et 229 en 2013. Ces chiffres sont variables, et infimes rapportés à la totalité des visas octroyés chaque année par la France. Ces visas humanitaires suivent une catégorisation « réfugiés et apatrides » et « asile territorial et protection », inconnue des juristes, car elle n'apparaît ni dans le CESEDA ni dans le code communautaire Schengen.

Concernant les frontières, je vous remercie de me donner l'occasion de souligner à quel point le droit d'asile est maltraité en outre-mer. Dans notre rapport d'expert, nous avions souligné que le droit français de l'asile outre-mer est totalement dérogatoire et insatisfaisant. Dans ce silence du droit ou dans ces failles juridiques se logent des pratiques qui, faute de moyens, sont régulièrement sanctionnées par la Cour européenne des droits de l'homme. La France a encore été condamnée cet été par cette dernière pour ses pratiques migratoires à Mayotte.

Les zones d'attente sac à dos sont un exemple des difficultés posées par ces zones frontières. Depuis 2011-2013, les préfets peuvent décider d'établir des zones d'attente ponctuelles, sur les plages ou dans les ports, en cas d'afflux massif de migrants, soit plus de 10 personnes. Ils considèrent que ces migrants ne sont pas entrés sur le territoire français, ce qui est une pure fiction juridique. Ces derniers seront par conséquent soumis à des procédures accélérées, pour ne pas dire expéditives, soumises à des règles de droit moins protectrices. Depuis deux ou trois ans, ces zones s'élargissent géographiquement, et il existe des îles françaises où la zone d'attente est passée d'un à dix kilomètres, et qui sont presque entièrement soumises à une extraterritorialité.

Ces difficultés vont de pair avec des pratiques connues en Europe visant à retenir les migrants, sans nécessairement les empêcher de déposer une demande d'asile, sauf en Hongrie. Ces pratiques s'appuient sur une série de techniques afin de renvoyer les demandeurs d'asile le plus rapidement, sans pour autant parler de refoulement, car cela entraverait des engagements extrêmement importants en droit international et européen.

Sur les couloirs universitaires, il s'agit d'une initiative débutante. La logique est de permettre une arrivée régulière, sous une forme de parrainage, à l'instar de ce qui se fait au Canada. Dans ce pays, le parrainage permet de s'assurer qu'une personne puisse venir sur le territoire, tout en ayant un travail ou une inscription universitaire, et les moyens financiers de vivre pendant le temps nécessaire à son autonomisation. La directive Accueil de l'Union européenne mentionne bien qu'il s'agit de mener migrants et demandeurs d'asile à une autonomisation, par le travail ou les études.

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) identifie donc des étudiants qui ont quitté leur pays d'origine et trouvé refuge dans un premier pays d'accueil, puis les font venir dans un autre pays. Ce n'est pas de la réinstallation, car il ne s'agit pas d'identifier une catégorisation juridique de réfugiés. Ils n'émettent pas une nouvelle demande d'asile à l'OFPRA. Au Canada, nous avons rencontré des étudiants réfugiés pris en charge par ces programmes de parrainage.

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