Le droit de vote des étrangers aux élections locales est une mesure importante symboliquement. Au-delà de la reconnaissance du droit, la question est celle de l'accompagnement de la citoyenneté accordée. En France, le taux de participation des ressortissants européens aux élections municipales est très faible.
Le débat existe en France depuis les années 80. Je considère qu'il s'est clos sous la présidence de François Hollande. Selon moi, la question du droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales a été portée de manière très partisane et, par conséquent, contreproductive. Les positions ont été très marquées sur ce que signifie « être Français » et comment le devenir. Malgré les chiffres et les conditions de naturalisation, le mythe selon lequel il est aisé de devenir Français persiste. En comparaison d'autres pays, les conditions de naturalisation sont assez strictes, particulièrement s'agissant de la maîtrise de la langue française.
Au début des années 2000, de nombreuses villes « de gauche » comme Paris, Nantes, Strasbourg ou Grenoble, ont porté cette question par la voie de la création de conseils consultatifs d'étrangers non communautaires. Ces derniers ont eu un impact assez limité en termes de participation. In fine, la question de l'écoute et des moyens alloués à ces conseils se pose. À mon sens, l'erreur a été d'en faire un « outil de plaidoyer » pour le droit de vote au niveau local comme s'il s'agissait d'une étape. Les élections municipales de 2004 ont vu la droite remporter de nombreuses grandes villes et ces conseils ont été mis de côté car considérés comme un instrument partisan.
Le programme du candidat François Hollande posait à nouveau la question du droit de vote des étrangers non européens, mais un obstacle constitutionnel est rapidement apparu. En effet, une majorité des trois cinquièmes est nécessaire à une réforme constitutionnelle. Les municipalités ont donc continué à mettre de côté les conseils consultatifs.
De nombreuses collectivités ont poursuivi une démarche de démocratie participative avec des budgets dédiés ouverts à tous sans condition de nationalité, voire sans condition de régularité de séjour. Pour autant, il est constaté que les personnes y participant sont déjà très impliquées dans la vie citoyenne et sont celles qui votent. Les personnes les plus éloignées de la citoyenneté participent donc très peu à ces instances parfois mises en place de manière peu inclusive. Il est donc nécessaire d'aller vers les personnes concernées.
Les échanges avec les réfugiés ou les migrants montrent que le droit de vote aux élections locales serait une forme de reconnaissance. Ainsi, ils se sentiraient pleinement citoyens de leur nouvelle société. Il ne s'agit toutefois pas d'une fin en soi et d'autres moyens permettent de les impliquer dans une citoyenneté française et une démocratie participative. Néanmoins, cette démocratie doit s'attacher à être véritablement inclusive.
Après les élections municipales de 2020, de nombreuses villes ont voulu prendre en considération la question de la participation des personnes exilées. Un réseau d'élus, principalement dans le cadre de l'association nationale des villes et territoires accueillants (ANVITA), a mis en place une réflexion relativement poussée et technique à laquelle Sophie Bilong participe. Cette réflexion porte sur l'organisation de la participation, la révision du fonctionnement des conseils consultatifs et l'évaluation d'autres formes de participation.
À l'échelle des collectivités territoriales, notamment des grandes villes à la population diversifiée, nous ressentons un intérêt à savoir atteindre les habitants, qu'ils bénéficient du droit de vote ou non. Pour avoir beaucoup travaillé sur la question de l'intégration des réfugiés en milieu rural, je sens également une volonté de la population et des élus de s'assurer que l'accueil soit convenable. La proximité fait que les échanges sont parfois informels et souvent efficaces. La volonté est de créer une communauté, au sens local, dans laquelle de nouveaux arrivants étrangers, y compris réfugiés, puissent se sentir chez eux.