Intervention de Sylvain Mathieu

Réunion du jeudi 23 septembre 2021 à 10h15
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Sylvain Mathieu, délégué interministériel :

La DIHAL a été créée en 2010. Elle était alors composée de cinq à sept personnes et centrée sur la mise en œuvre et le pilotage des politiques d'hébergement et d'accès au logement. De nouvelles missions lui ont été confiées par la suite : la commission interministérielle pour le logement des populations immigrées – CILPI -, l'accès au logement des réfugiés et à l'hébergement des personnes en situation de migration. Désormais, la DIHAL compte plus de cinquante personnes travaillant à cinq missions : l'hébergement, l'accompagnement, l'accès au logement, la CILPI et la résorption des campements et des bidonvilles.

Les différents champs d'action de la DIHAL rejoignent les préoccupations de votre commission d'enquête. Il s'agit d'un point clé de notre action. Vous évoquiez le caractère interministériel de la DIHAL. Son approche est effectivement profondément transversale et interministérielle. Si la DIHAL dépend du Premier ministre, je suis également mis à disposition, dans les mêmes termes, de la ministre chargée du logement et du ministre de l'Intérieur. Même si en réalité, j'ai davantage de références avec la ministre du logement, pour autant, nous sommes totalement impliqués dans les actions menées par le ministère de l'intérieur impliquant le logement.

La stratégie prioritaire de la DIHAL porte sur le plan « le logement d'abord » lancé en 2017 par le président de la République. Ce plan s'appuie sur des actions lancées en 2010, dont la création de la DIHAL par Benoist Apparu. Le plan « le logement d'abord » vise l'accès le plus rapide possible à un logement pour les personnes en difficulté. Il s'agit d'éviter un passage par l'hébergement, autant que faire se peut, et de penser un accompagnement adapté aux besoins.

Le « service public de la rue au logement » a été mis en place le 1er janvier 2021. Il est le cadre d'action de la mise en œuvre du plan « le logement d'abord », qui repose sur un plan quinquennal. De ce point de vue, notre sujet est donc bien l'hébergement, l'insertion et l'accès au logement des personnes vulnérables. Par conséquent, les migrants et les réfugiés font partie des publics visés.

Dans le cadre du « service public de la rue au logement », la DIHAL a récupéré les financements et les compétences correspondants au programme 177 doté de 2,9 milliards d'euros en 2021. En effet, la création de la DIHAL visait à bâtir un pont administratif entre la direction générale de la cohésion sociale et la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages. Une démarche de projets très cohérente est ainsi rassemblée au sein de la DIHAL.

Je tiens à préciser que la DIHAL n'est pas organisée comme une administration « classique ». Elle ne compte ni directeur, ni directeur adjoint, ni chef de bureau. Elle fonctionne de manière resserrée, le travail est partagé et cette organisation nous permet d'être plus réactifs. Cela explique que nous soyons aujourd'hui trois personnes auditionnées.

Cette réactivité s'est très clairement manifestée dans la gestion de la crise migratoire dès 2015. En l'absence de « pôle migrants » au sein de la DIHAL, nous avons pris l'initiative de créer une plateforme nationale de relogement des réfugiés. L'objectif était de lister l'ensemble des logements proposés par les collectivités territoriales après la mort d'Alan Kurdi et d'organiser leur appareillement c'est-à-dire la correspondance entre un logement et les familles. Le fonctionnement s'est progressivement élargi, y compris en 2017, par l'expérimentation de « l'hébergement citoyen » à des bénéficiaires d'une protection internationale (BPI).

Selon nous, l'accompagnement social était essentiel au vu de notre expérience de propositions ne correspondant pas aux besoins, d'une part, et pour nous assurer de la qualité des offres, d'autre part. L'accompagnement social est d'autant plus important que le mécanisme administratif français est complexe pour une personne étrangère rencontrant des difficultés à parler la langue. Il ne devait donc pas être reporté sur la famille d'accueil, dont le rôle est de se concentrer sur l'accueil et le relationnel pour permettre d'accélérer l'insertion des personnes.

Sur le logement des réfugiés, nous agissons donc désormais selon les principes suivants :

- l'équilibre territorial. Nous recherchons la meilleure péréquation possible des efforts en matière d'accueil des réfugiés. En effet, certaines zones sont extrêmement tendues du point de vue de l'accès au logement et de l'hébergement ;

- la non-concurrence entre les publics vulnérables. Paradoxalement, l'accès au logement des réfugiés s'est ajouté à d'autres « segments » du public de la DIHAL et a augmenté l'offre. Nous n'avons donc pas constaté de concurrence au sens où des personnes issues de la rue verraient leur offre d'accès au logement réduite ;

- la mobilisation de logements adaptés à des besoins diversifiés (personnes isolées, de moins de 25 ans, familles monoparentales, familles nombreuses, personnes en situation de handicap).

- l'accompagnement social. Son absence retarde l'accès d'un ménage à l'emploi, la scolarité et la santé. Une enveloppe spécifique de 11 millions d'euros au sein du programme 177 a donc été mise à disposition pour faire levier sur des actions dans les territoires. Le budget total de 2,9 milliards d'euros comprend également des dispositifs d'accompagnement de droit commun.

En termes de bilan, entre 2018 et juin 2021, la DIHAL a directement contribué à l'accès au logement de 70 000 réfugiés. Avant 2018, il n'existait pas réellement de politique d'accès au logement complètement coordonnée. Le rythme mensuel de logements mobilisés était alors de l'ordre de 300 à 400 contre plus de 1 000 désormais.

Nos dispositifs d'accompagnement ont également permis de susciter des dispositifs sur le terrain. Nous estimons que l'enveloppe de 11 millions d'euros permet l'accompagnement de près de 8 000 réfugiés. Il s'agit toutefois uniquement de la partie visible, car les bénéficiaires ne sont pas tracés.

Nous recherchons une approche globale, ce qui recoupe le sujet de l'interministérialité. La DIHAL est profondément interministérielle ; elle est composée d'agents provenant de nombreux ministères (intérieur, santé, travail et éducation nationale). De fait, ses politiques publiques sont coordonnées du mieux possible avec les autres ministères.

En termes d'articulation avec la direction générale des étrangers en France (DGEF), avec la délégation interministérielle à l'accueil et à l'intégration des réfugiés (DIAIR) ou la direction de l'asile, la DIHAL est intégrée à l'ensemble des discussions. Elle les intègre également dans ses actions.

Vous recevrez par la suite mon prédécesseur, Alain Régnier. Nous nous connaissons bien et vous pourrez comprendre les synergies à l'œuvre. Lors de la création de la DIAIR, nous avons acté que la DIHAL assurait le volet logement pour les réfugiés. D'autres sujets relevant de la DIAIR, en lien avec les collectivités territoriales, comme les contrats territoriaux d'accueil et d'intégration des réfugiés (CTAIR), font l'objet d'une coordination. La DIHAL reste toutefois en charge du volet logement.

Nous ne sommes pas toujours en accord, mais nous disposons de programmes communs. Des crédits ont été redirigés pour permettre une approche globale. Pour exemple, le programme « Agir contre le sans-abrisme » est cofinancé par la DIHAL. La plateforme nationale de logement des réfugiés gérée par le groupement d'intérêt public habitat et interventions sociales (GIP HIS) l'est également via la DGEF.

Pourrions-nous développer encore l'interministérialité ? La question de la capacité à réaliser des accompagnements d'approche globale sur le terrain se pose. Dès le début, nous avons acté que les accompagnements financés ne devraient pas simplement s'assurer de la bonne gestion du logement. Il s'agit paradoxalement de l'élément nous intéressant le moins. A contrario, les questions d'accès à la scolarité, de santé et d'emploi sont centrales.

Des programmes tels que ceux « engagés pour la mobilité et l'insertion par le logement et l'emploi » (EMILE) ont donc été développés. Leur but est d'accompagner des personnes des personnes vivant en Île-de-France, en difficulté d'insertion professionnelle et mal-logées, vers une nouvelle vie, dans des territoires présentant de forts besoins en main d'œuvre et disposant de logements vacants. Si le programme EMILE semble être évident, il est très compliqué à mettre en œuvre en raison du travail interministériel conséquent qu'il suppose et des nombreuses actions à mener avec les collectivités territoriales. Par conséquent, la DIHAL joue un rôle d'intégrateur des différentes compétences.

Il faut ajouter que des freins périphériques existent en termes d'insertion et d'intégration des bénéficiaires de la protection internationale (BPI).

Premièrement, les délais relatifs à un certain nombre de démarches d'état civil, d'ouvertures de droits, etc. sont un réel sujet. Outre un gain pour l'insertion, une amélioration des délais éviterait certains coûts. De fait, les bénéficiaires restent en partie soutenus financièrement par les différents pouvoirs publics.

Deuxièmement, il reste difficile de mobiliser des logements en dehors du contingent préfectoral. Bien que le logement soit une compétence partagée, les collectivités territoriales ne sont pas assez impliquées dans la mise à disposition de ces logements. Alain Régnier y travaille avec les CTAIR. Malheureusement, l'ampleur n'est pas celle que nous attendions. Pour 2021, nous avons fixé un objectif de mise à disposition de 14 000 logements à des BPI, après un objectif de10 000 logements en 2020. À date, l'objectif est atteint à 50 %.

Troisièmement, la question de la maîtrise du français se pose. Son apprentissage doit démarrer le plus tôt possible, au même titre que les démarches. Sans qu'elles soient explicitement financées, des initiatives existent dans des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA). Si le traitement des demandes d'asiles est évidemment trop long, nous souhaiterions au moins que ce temps soit optimisé pour préparer la sortie des personnes de ce parcours.

S'agissant des pistes de progrès, nous souhaitons travailler à l'intégration de l'ensemble des dispositifs permettant l'insertion. Le programme « Agir contre le sans-abrisme » débutera en 2022 et nous étudierons son fonctionnement. Nous constatons souvent un éclatement des compétences alors que les besoins des réfugiés sont multiples.

Enfin, ce que nous réalisons pour les réfugiés constitue un élément assez fort pour faire réfléchir à l'ensemble des questions d'intégration et d'insertion. Des débats existent, y compris au sein des publics de la DIHAL, sur l'action particulière à destination des BPI. Ma réponse est systématiquement que les avancées en termes de simplification des démarches, de meilleure articulation des dispositifs, d'amélioration de l'accès au logement profitent à tous.

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