Intervention de Alain Régnier

Réunion du jeudi 23 septembre 2021 à 11h30
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Alain Régnier, préfet - délégué interministériel à l'accueil et à l'intégration des réfugiés :

La DIAIR a été créée en janvier 2018. La création d'un poste de délégué ou de haut-commissaire avait été envisagée dès l'été 2017 à la suite d'un discours du Président de la République, à Orléans, qui précisait sa vision des questions de migration et d'intégration. Le poste de DIAIR est juridiquement rattaché au ministre de l'intérieur. J'avais précédemment assuré la création de la DIHAL sous l'autorité du ministre chargé du logement.

La création de la DIAIR a été suivie d'une réunion interministérielle actant la création d'une équipe ainsi que de quatre postes budgétaires relevant du ministère de l'intérieur et de quatre autres relevant des ministères de l'éducation nationale, des solidarités et de la santé, de la transition écologique, et du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Les postes budgétaires en lien avec le projet numérique « réfugiés.info » de la DIAIR se sont ajoutés par la suite. Ils font l'objet d'un marché conclu avec la coopérative nationale des acteurs de la médiation numérique (MedNum).

En accord avec Sylvain Mathieu, la thématique du logement pour les réfugiés est portée par le ministre chargé du logement via le DIHAL. Georges Bos, directeur du pôle migrants - accès au logement des réfugiés à la DIHAL, est également mon conseiller logement. Il participe mensuellement aux réunions d'équipe de la DIAIR. Il s'agit d'assurer une articulation du fonctionnement quotidien de l'équipe projet avec le ministère chargé du logement, dont le rôle a été important durant la crise syrienne de 2015 et 2016.

J'ai omis de préciser que je suis uniquement responsable des personnes bénéficiant d'une protection internationale. Je ne suis en charge ni des demandes d'asile ni des dispositifs pour mineurs non accompagnés.

Outre les moyens budgétaires portés par les ministères précédemment cités, les moyens d'intervention propres à la DIAIR sont inscrits au budget du ministère de l'intérieur (4 à 5 millions d'euros). Près de 80 % de ces crédits servent à financer des contrats territoriaux d'accueil et d'intégration des réfugiés. J'avais opéré ce choix en accord avec la lettre de mission du Premier ministre de l'époque, l'actuel Premier ministre ne l'ayant pas modifiée.

Je considère que les délégations interministérielles n'ont pas vocation à se transformer en une nouvelle couche d'administrations spécialisées. Leur mission est d'animer et mettre en œuvre un projet. Il doit ensuite être décidé de le poursuivre avec une animation interministérielle ou de l'intégrer dans le droit commun.

Avant mon départ de la DIHAL, une mission d'évaluation conjointe de l'Assemblée nationale et de la Cour des comptes avait été menée. Après la refondation des politiques d'hébergement et d'accès au logement, il ne me paraissait pas utile de maintenir cette délégation. En début de carrière, j'ai été secrétaire général de la délégation interministérielle à la ville, qui a très rapidement atteint plus d'une centaine de personnes. J'avais déjà mesuré que l'objectif de ces organisations devait être de fonctionner en mode projet, l'essentiel se jouant dans les territoires. Il s'agit de transformer les manières de faire, pas de se substituer.

Je conserve cette approche qui répond à la commande du Président de la République : fournir un catalyseur de transformation. Il s'agit évidemment de s'appuyer sur le ministère de l'intérieur qui porte la politique d'intégration principalement depuis 2007, mais également sur les territoires et les personnes.

Nous abordons alors la question de la participation. En tant que DIHAL, j'avais créé le comité consultatif des personnes accueillies (CCPA). Il a ensuite été régionalisé et son développement s'est poursuivi. Au-delà de la loi de 2002 fixant la base de la participation des usagers dans le secteur médicosocial, je reste convaincu que la loi était inégalement appliquée.

Par conséquent, il était nécessaire de transformer l'approche publique française, qui considère souvent le bénéficiaire comme un sujet alors qu'il faut le placer en position d'acteur afin qu'il contribue à la construction des politiques publiques et à leur évaluation. Personne mieux qu'un bénéficiaire ne peut apprécier le bienfondé de décisions prises pour son compte. Pour exemple, l'outil numérique réfugiés.info laisse une part aux utilisateurs dans la construction du site. Une académie pour la participation des réfugiés a été créée. Il est ainsi possible de tester cette valorisation.

Je souhaite modestement contribuer à un changement de regard sur les questions de migration afin de les réhumaniser. Dans la société française, ces questions sont souvent l'objet de propos clivants et de déraison.

La crise sanitaire a évidemment impacté l'activité de la DIAIR. Ma mission reste toutefois de rencontrer les acteurs dans les territoires, d'organiser et de valoriser les initiatives dans une démarche de co-construction. Après ma nomination et la publication du rapport de M. Taché proposant soixante-douze mesures, un comité interministériel en a retenu quarante-neuf. Nous travaillons à leur mise en œuvre. Je dois convaincre les collectivités, entreprises et opérateurs de créer les conditions pour passer d'une politique artisanale à une politique industrielle « faisant dans la dentelle ».

Sur l'ensemble des réfugiés, il est plus facile de rencontrer des primoréfugiés ou des personnes présentes depuis moins de cinq ans. La difficulté est de rencontrer les personnes non francophones restant chez elles ou plus anciennement présentes sur le territoire national. Leur statut relevant du droit commun, il n'existe pas de fichier des réfugiés. Nous ignorons donc comment les contacter et cela nous prive de moyens pour engager une relation avec eux.

J'ai donc essayé de mettre en place un mode projet mobilisant les territoires, les réfugiés, et les jeunes via le service civique. Le programme « Volont'R » a mobilisé plus de dix-mille jeunes en trois ans sur des missions d'accompagnement des réfugiés, ainsi que mille réfugiés volontaires en service civique.

Nous essayons ainsi de contribuer à une dynamique interministérielle qui ne va pas nécessairement de soi. Avec une première expérience de six ans, j'ai essayé de construire un partenariat intelligent et de valoriser le travail de chaque ministère. J'ai rencontré chaque ministre en charge du sujet dans l'année suivant ma nomination, afin d'engager une relation avec chaque service.

Cette dynamique s'est construite progressivement avec une équipe de projet très mobilisée ayant un sens aigu du service public. Nous essayons d'être utiles en mesurant bien les limites posées par certains cadres.

En tant que directeur de cabinet de la ministre en charge de l'intégration en 2004, j'ai participé à la mise en œuvre et au suivi du premier contrat d'accueil et d'intégration (CAI) et des premières décisions du gouvernement Raffarin sous l'impulsion du Président Jacques Chirac. Après l'élection présidentielle de 2002, la politique d'intégration a connu un renouveau. J'ai également vécu le plan de cohésion sociale avec M. Borloo. Par conséquent, je bénéficie d'un recul sur ces sujets. Ma conviction est que le processus doit être approfondi au-delà des seuls réfugiés.

En conclusion, la question de l'intégration concerne l'ensemble de la société, c'est-à-dire aussi les Français. Je l'ai dit au Président de la République. Nous devons nous interroger sur la manière de vivre ensemble. L'intégration doit être un projet plus global.

Aujourd'hui, je travaille dans le cadre de la mission qui m'a été confiée. Puisque vous y réfléchissez, je crois qu'il nous faut aller plus loin, en confiance et en co-construction avec les territoires – la France étant de plus en plus décentralisée – dans le sens des responsabilités de chacun et de l'intérêt général.

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