La réunion

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La réunion débute à onze heures trente.

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Nous reprenons avec l'audition de du préfet Alain Régnier, délégué interministériel à l'accueil et à l'intégration des réfugiés.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Alain Régnier prête serment.)

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Vous nous éclairerez sur la délégation interministérielle à l'accueil et à l'intégration des réfugiés (DIAIR) et sur vos fonctions, mais nous souhaiterions aussi vous entendre sur la question de la représentation des migrants qui reste un sujet véritablement important.

Je rappelle que avez également exercé la fonction de délégué au sein de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL). Cous connaissez donc le fonctionnement de ces délégations. Il convient de nous en préciser les articulations.

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Alain Régnier, préfet - délégué interministériel à l'accueil et à l'intégration des réfugiés

La DIAIR a été créée en janvier 2018. La création d'un poste de délégué ou de haut-commissaire avait été envisagée dès l'été 2017 à la suite d'un discours du Président de la République, à Orléans, qui précisait sa vision des questions de migration et d'intégration. Le poste de DIAIR est juridiquement rattaché au ministre de l'intérieur. J'avais précédemment assuré la création de la DIHAL sous l'autorité du ministre chargé du logement.

La création de la DIAIR a été suivie d'une réunion interministérielle actant la création d'une équipe ainsi que de quatre postes budgétaires relevant du ministère de l'intérieur et de quatre autres relevant des ministères de l'éducation nationale, des solidarités et de la santé, de la transition écologique, et du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Les postes budgétaires en lien avec le projet numérique « réfugiés.info » de la DIAIR se sont ajoutés par la suite. Ils font l'objet d'un marché conclu avec la coopérative nationale des acteurs de la médiation numérique (MedNum).

En accord avec Sylvain Mathieu, la thématique du logement pour les réfugiés est portée par le ministre chargé du logement via le DIHAL. Georges Bos, directeur du pôle migrants - accès au logement des réfugiés à la DIHAL, est également mon conseiller logement. Il participe mensuellement aux réunions d'équipe de la DIAIR. Il s'agit d'assurer une articulation du fonctionnement quotidien de l'équipe projet avec le ministère chargé du logement, dont le rôle a été important durant la crise syrienne de 2015 et 2016.

J'ai omis de préciser que je suis uniquement responsable des personnes bénéficiant d'une protection internationale. Je ne suis en charge ni des demandes d'asile ni des dispositifs pour mineurs non accompagnés.

Outre les moyens budgétaires portés par les ministères précédemment cités, les moyens d'intervention propres à la DIAIR sont inscrits au budget du ministère de l'intérieur (4 à 5 millions d'euros). Près de 80 % de ces crédits servent à financer des contrats territoriaux d'accueil et d'intégration des réfugiés. J'avais opéré ce choix en accord avec la lettre de mission du Premier ministre de l'époque, l'actuel Premier ministre ne l'ayant pas modifiée.

Je considère que les délégations interministérielles n'ont pas vocation à se transformer en une nouvelle couche d'administrations spécialisées. Leur mission est d'animer et mettre en œuvre un projet. Il doit ensuite être décidé de le poursuivre avec une animation interministérielle ou de l'intégrer dans le droit commun.

Avant mon départ de la DIHAL, une mission d'évaluation conjointe de l'Assemblée nationale et de la Cour des comptes avait été menée. Après la refondation des politiques d'hébergement et d'accès au logement, il ne me paraissait pas utile de maintenir cette délégation. En début de carrière, j'ai été secrétaire général de la délégation interministérielle à la ville, qui a très rapidement atteint plus d'une centaine de personnes. J'avais déjà mesuré que l'objectif de ces organisations devait être de fonctionner en mode projet, l'essentiel se jouant dans les territoires. Il s'agit de transformer les manières de faire, pas de se substituer.

Je conserve cette approche qui répond à la commande du Président de la République : fournir un catalyseur de transformation. Il s'agit évidemment de s'appuyer sur le ministère de l'intérieur qui porte la politique d'intégration principalement depuis 2007, mais également sur les territoires et les personnes.

Nous abordons alors la question de la participation. En tant que DIHAL, j'avais créé le comité consultatif des personnes accueillies (CCPA). Il a ensuite été régionalisé et son développement s'est poursuivi. Au-delà de la loi de 2002 fixant la base de la participation des usagers dans le secteur médicosocial, je reste convaincu que la loi était inégalement appliquée.

Par conséquent, il était nécessaire de transformer l'approche publique française, qui considère souvent le bénéficiaire comme un sujet alors qu'il faut le placer en position d'acteur afin qu'il contribue à la construction des politiques publiques et à leur évaluation. Personne mieux qu'un bénéficiaire ne peut apprécier le bienfondé de décisions prises pour son compte. Pour exemple, l'outil numérique réfugiés.info laisse une part aux utilisateurs dans la construction du site. Une académie pour la participation des réfugiés a été créée. Il est ainsi possible de tester cette valorisation.

Je souhaite modestement contribuer à un changement de regard sur les questions de migration afin de les réhumaniser. Dans la société française, ces questions sont souvent l'objet de propos clivants et de déraison.

La crise sanitaire a évidemment impacté l'activité de la DIAIR. Ma mission reste toutefois de rencontrer les acteurs dans les territoires, d'organiser et de valoriser les initiatives dans une démarche de co-construction. Après ma nomination et la publication du rapport de M. Taché proposant soixante-douze mesures, un comité interministériel en a retenu quarante-neuf. Nous travaillons à leur mise en œuvre. Je dois convaincre les collectivités, entreprises et opérateurs de créer les conditions pour passer d'une politique artisanale à une politique industrielle « faisant dans la dentelle ».

Sur l'ensemble des réfugiés, il est plus facile de rencontrer des primoréfugiés ou des personnes présentes depuis moins de cinq ans. La difficulté est de rencontrer les personnes non francophones restant chez elles ou plus anciennement présentes sur le territoire national. Leur statut relevant du droit commun, il n'existe pas de fichier des réfugiés. Nous ignorons donc comment les contacter et cela nous prive de moyens pour engager une relation avec eux.

J'ai donc essayé de mettre en place un mode projet mobilisant les territoires, les réfugiés, et les jeunes via le service civique. Le programme « Volont'R » a mobilisé plus de dix-mille jeunes en trois ans sur des missions d'accompagnement des réfugiés, ainsi que mille réfugiés volontaires en service civique.

Nous essayons ainsi de contribuer à une dynamique interministérielle qui ne va pas nécessairement de soi. Avec une première expérience de six ans, j'ai essayé de construire un partenariat intelligent et de valoriser le travail de chaque ministère. J'ai rencontré chaque ministre en charge du sujet dans l'année suivant ma nomination, afin d'engager une relation avec chaque service.

Cette dynamique s'est construite progressivement avec une équipe de projet très mobilisée ayant un sens aigu du service public. Nous essayons d'être utiles en mesurant bien les limites posées par certains cadres.

En tant que directeur de cabinet de la ministre en charge de l'intégration en 2004, j'ai participé à la mise en œuvre et au suivi du premier contrat d'accueil et d'intégration (CAI) et des premières décisions du gouvernement Raffarin sous l'impulsion du Président Jacques Chirac. Après l'élection présidentielle de 2002, la politique d'intégration a connu un renouveau. J'ai également vécu le plan de cohésion sociale avec M. Borloo. Par conséquent, je bénéficie d'un recul sur ces sujets. Ma conviction est que le processus doit être approfondi au-delà des seuls réfugiés.

En conclusion, la question de l'intégration concerne l'ensemble de la société, c'est-à-dire aussi les Français. Je l'ai dit au Président de la République. Nous devons nous interroger sur la manière de vivre ensemble. L'intégration doit être un projet plus global.

Aujourd'hui, je travaille dans le cadre de la mission qui m'a été confiée. Puisque vous y réfléchissez, je crois qu'il nous faut aller plus loin, en confiance et en co-construction avec les territoires – la France étant de plus en plus décentralisée – dans le sens des responsabilités de chacun et de l'intérêt général.

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Vous évoquiez la participation de mille réfugiés dans le cadre d'un service civique. Disposez-vous d'une cartographie de répartition ?

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Alain Régnier, préfet - délégué interministériel à l'accueil et à l'intégration des réfugiés

Je l'ignore, mais nous disposons de chiffres ainsi que d'éléments qualitatifs (niveau de formation, secteur d'activité).

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Merci. Il est très important d'exploiter votre vision interministérielle, grâce à votre expérience au sein de différentes administrations.

Nous aimerions soutenir le développement de la médiation culturelle. L'une de nos recommandations ira dans ce sens afin d'accompagner les personnes dès leur arrivée. Il s'agira notamment de leur permettre de bénéficier de cours de français accélérés. Nous souhaitons aller plus loin que le rapport de M. Taché. Après l'audition d'organismes de formation, nous disposons d'un retour d'expérience sur les mesures à conserver ou non. D'autres s'appuieront sur les compétences des réfugiés.

Le directeur de la DIHAL expliquait que les réfugiés peinent à comprendre que tout ne passe pas à Paris. Qu'est-il fait pour expliquer à un réfugié qu'il n'est pas obligé de se rendre à Paris ? Lui est-il expliqué qu'il pourrait avoir une vie plutôt meilleure ailleurs ? Quelles recommandations formuleriez-vous ?

Vous avez insisté sur un fonctionnement en mode projet, ce qui nous satisfait. Il implique des résultats, un comité de pilotage, un fonctionnement horizontal plus efficace et des retours d'expérience. Quels échecs et quelles réussites en avez-vous tirés ? Quels indicateurs utilisez-vous pour mesurer la réussite de l'intégration ?

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Alain Régnier, préfet - délégué interministériel à l'accueil et à l'intégration des réfugiés

Avec l'accord du directeur général des étrangers en France, nous avons intégré des réfugiés dans les comités stratégiques de la demande d'asile et dans l'évaluation du suivi du comité interministériel à l'intégration (C2I) de juin 2018. Des réfugiés participent ainsi depuis plus d'un an à des comités centraux.

La complexité vient de leur niveau de formation. En effet, participer à des comités administratifs suppose que les personnes soient formées afin de comprendre le jargon, la comitologie, etc. Avec l'académie pour la participation des réfugiés, nous travaillons donc à fournir des outils pour que les participants soient acteurs de ces instances.

Les contrats territoriaux intègrent l'association de réfugiés aux instances de fonctionnement. J'ai beaucoup insisté sur leur présence et sur leur formation. La participation pose évidemment la question de la représentativité des personnes. La méthode actuelle est relativement empirique et ne relève pas d'une approche scientifique.

L'académie pour la participation des réfugiés a reçu 230 candidatures pour 12 places disponibles. Des auditions ont donc été menées. Ce processus n'est pas véritablement démocratique. In fine, les personnes déjà les plus formées s'inscriront dans la démarche de participation. Selon moi, cela a plutôt bien fonctionné avec La grande exclusion. Ces formules ont débouché sur la création d'un collège supplémentaire au sein du conseil national de lutte contre l'exclusion (CNLE).

Outre des éléments objectifs et rationnels d'évaluation des politiques publiques, l'immatériel doit également être pris en compte. Il s'agit de considérer l'économie réalisée par la société française grâce à une meilleure vie ensemble. Alors que l'époque demande une approche comptable, il est difficile à apprécier face à un déficit structurel depuis une trentaine d'années.

Nous essayons évidemment de répondre à la demande de chiffrage, mais les politiques touchant à l'humain produisent également des résultats non comptables. Le temps de l'intégration n'est pas identique à celui d'un budget public établi pour un an. Il s'agit d'un processus.

Le travail mené par l'OCDE sur une dizaine de pays membres, dont la France, montre que les contrats territoriaux engagés depuis trois ans changent la donne relationnelle entre l'État et les territoires sur les questions des migrants. On apprend à se parler et à discuter autrement de ce qui fait la vie et la responsabilité des élus locaux. La relation avec l'État s'en trouve transformée. Cette dimension est difficilement objectivable en tant qu'indicateur. Je considère pourtant qu'elle fait partie de la transformation publique.

À ce jour, onze contrats territoriaux ont déjà été signés et sept sont en cours de signature. Ils portent sur la plupart des plus grandes villes de France, à quelques exceptions près, qui sont dans une démarche de co-construction avec l'État.

J'ai eu du mal à faire prévaloir mon point de vue, car la stratégie nationale prévoit sept axes d'intervention. J'ai proposé aux collectivités non-signataires de travailler à un diagnostic territorial pour savoir quels axes engager pour améliorer les politiques d'intégration dans les territoires. L'objectif est de s'appuyer sur la responsabilité partagée des acteurs locaux. Il n'existe pas de modèle type de contractualisation.

L'État, via la DIAIR, fournit des crédits à l'échelon local. Ensuite, l'action se déroule sur la base de besoins complémentaires au droit commun identifiés sur les territoires. La crise sanitaire ayant empêché beaucoup d'actions concrètes, je vous transmettrai les résultats de l'année 2019. L'évaluation sommaire fait état près de deux cent cinquante projets et de plusieurs milliers de bénéficiaires.

Nous essayons de répondre à la commande. Nous y répondons sur l'emploi avec le plan d'investissement dans les compétences (PIC) avec des résultats objectifs et sans précédent. Pour le logement, j'imagine que M. Mathieu a présenté l'effort considérable qui a été réalisé. Nous commençons à disposer d'une batterie d'indicateurs. Pour autant, pour être intellectuellement honnête, je ne suis aujourd'hui pas en capacité de prouver le bien-fondé de mes actions et de démontrer qu'elles ont changé les choses.

Si je m'en réfère à la sensibilité de l'opinion publique, cela n'a visiblement pas transformé le regard porté sur les questions d'intégration. À l'inverse, si vous interrogez les élus des territoires, la qualité du travail réalisé avec la DIAIR est reconnue. Le nécessaire développement des approches de co-construction dans les territoires a été rappelé dans une récente lettre de France Urbaine adressée au Premier ministre.

Bien que je ne sois pas en charge de la demande d'asile, je peux donner un point de vue personnel. Nous avons réalisé des progrès considérables en termes quantitatifs et d'approche. Depuis le 1er janvier 2021, dès le dépôt du dossier de demande d'asile, nous essayons d'orienter les personnes à l'échelle nationale. A priori, cette expérimentation fonctionne plutôt bien.

Pour autant, nous constatons que des personnes souhaitent absolument vivre en région parisienne. Bien qu'elles aient objectivement plus de chance d'une vie meilleure ailleurs en France, l'existence de réseaux personnels font qu'elles souhaitent rejoindre l'Île-de-France. En tant qu'acteurs publics, nous devons prêter attention à répartir la demande d'asile intelligemment sur le territoire, tout en nous trouvant face à des personnes inscrites dans des relations communautaires, ne souhaitant pas être isolées, mais basées dans un département précis.

Entre mai et juillet 2021, la France a accueilli 623 Afghans travaillant pour son ambassade de Kaboul. J'ai eu la charge de la phase aval en France. Une famille au sein de laquelle plusieurs frères travaillaient pour l'ambassade souhaitait rester ensemble. Le pari a été de trouver un territoire où organiser l'accueil de quatre familles comptant cinq enfants chacune. Qui plus est, elles souhaitaient s'implanter à Strasbourg, car des proches résidaient en Allemagne. La seule solution trouvée se situait dans l'Eure. Ils en sont finalement ravis.

Ces personnes arrivent après des situations dramatiques et ont beaucoup d'appréhension par rapport à l'avenir. Je compte trente-cinq ans de vie professionnelle et j'ai choisi d'être au service de l'État pour aider les gens. La difficulté que nous rencontrons dans les politiques publiques est que ce n'est pas aux personnes de s'adapter à une case, mais à nous de faire en sorte qu'elles trouvent une réponse dans notre système.

Depuis des décennies, je me heurte à cette incapacité de l'État, mais également des acteurs publics locaux, à sortir d'un fonctionnement bureaucratique. Le terme n'est pas péjoratif, car des gens formidables effectuent un travail formidable. Selon moi, nous devons partir du besoin des personnes pour essayer de leur apporter les meilleures réponses qui soient. C'est tout l'objet d'une politique en mode projet.

Le problème du système français est de beaucoup parler d'évaluation des politiques publiques, mais d'en faire peu. À l'inverse, les colloques sur le sujet sont nombreux. Au regard de la situation du pays, nous ne sommes pas très bons, car nous passons beaucoup plus de temps à travailler a priori qu' a posteriori. Le temps perdu en amont est considérable et ne laisse plus de temps pour la suite.

Surtout, on ne fait pas confiance aux Français. Nous sommes dans un système public où tout porteur d'idée ou de projet est forcément suspect. Au lieu de l'accompagner dans son projet, qu'il soit professionnel, culturel ou de vie, le système essaie en permanence de comprendre la raison de ce projet.

Excusez-moi de m'étendre sur le sujet, mais depuis toutes ces années je suis passionné par nos dysfonctionnements. Dans mon poste actuel, j'essaie donc d'apporter cette idée qui est de partir du potentiel des personnes plutôt que d'être dans une approche de méfiance. Elle fait perdre beaucoup d'énergie et, finalement, le système en est déprimé, car les projets ne peuvent se réaliser.

Je voudrais que les réfugiés ne soient pas déclassés et puissent avoir, en France, un projet correspondant à leurs aspirations. Au quotidien, avec mes moyens et dans le cadre du contrat que m'a donné le gouvernement, j'essaie de travailler sur cet angle.

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Avec l'hystérisation politico-médiatique du sujet des migrations, comment arrivez-vous à être toujours aussi calme et déterminé ?

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J'apprécie beaucoup votre franchise. Comment pourrions-nous mieux prendre en compte les diplômes des réfugiés ? Comment avancer afin qu'ils puissent intégrer la fonction publique ? Ce n'est actuellement pas possible et je ne le comprends pas. Ce pourrait être une proposition intéressante.

En tant que famille d'accueil, nous accueillons un réfugié très motivé pour être naturalisé, mais les démarches sont complexes. Il ne parvient pas à obtenir de rendez-vous avec la préfecture des Hauts-de-Seine. Comment accompagnez-vous ces demandes de naturalisation ? S'agit-il de demandes récurrentes ?

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Alain Régnier, préfet - délégué interministériel à l'accueil et à l'intégration des réfugiés

Mon calme n'est qu'apparent. On se réveille chaque matin en se disant qu'il existe un « concours Lépine de la bonne idée ». En tant que citoyen, j'ai du mal à comprendre que mon pays - que j'aime - soit dans une telle hypersensibilité sur ces sujets. Il appartient à chacun d'entre nous de porter les valeurs de ce que je crois être la France, avec ses traditions d'accueil et d'intégration, non pas d'assimilation. L'intégration est un processus.

Nous sommes dans une période très régressive, de remise en cause du droit international tel qu'il a été imaginé après la Seconde guerre mondiale. Pour mémoire, il n'avait pas pu aboutir après la Première guerre mondiale, car les Etats-Unis avaient refusé d'intégrer la Société des nations. Ce grand progrès qu'est la convention de Genève reste fragile : on entend nombre de personnes demander de la suspendre ou de ne plus l'appliquer en totalité.

En tant qu'agent public, je dois appliquer la loi. Cette dernière est française, mais également internationale. Face à cette régression ambiante, chacun doit résister comme il le peut, comme il le veut. De mon vivant, je continuerai. J'ai une ligne conductrice professionnelle et je ne pense pas avoir changé.

A contrario, le monde a profondément changé et, de fait, mon positionnement devient plutôt minoritaire. Je continue à penser que nous restons un pays démocratique. J'aimerais donc que les échanges sur la question des réfugiés ne se fassent pas « avec les tripes », mais qu'ils soient intellectuels sur les enjeux du XXIe siècle. Ces échanges doivent aussi porter sur la manière dont la France, l'Europe et le monde peuvent s'inscrire dans le cadre du pacte mondial pour les migrations. Ce document est non prescriptif, mais questionne sur la manière d'organiser de façon raisonnée les migrations. Il est dommage qu'une majorité de pays de l'Union européenne aient refusé de le signer.

J'ai fait face à la problématique de reconnaissance des diplômes durant ma vie professionnelle. À nouveau, dans le système français, il est nécessaire d'avoir en main la bonne carte. Les diplômes sont extrêmement protégés. Nous avons ouvert la validation des acquis de l'expérience (VAE) aux réfugiés, mais dans la réalité, elle se heurte à des rigidités et à des corporatismes.

Les médecins afghans ne peuvent pas travailler en France, car leur diplôme n'est pas reconnu. À l'inverse, les médecins syriens bénéficient d'une reconnaissance. Indépendamment de son origine, un infirmier ne verra pas son diplôme reconnu. Le système français est historiquement très verrouillé.

En dépit des efforts du ministère de l'éducation nationale et du ministère en charge du travail de très nombreux changements sont à opérer pour qu'un diplôme étranger bénéficie d'une reconnaissance ou, a minima, d'une équivalence universitaire. Les propositions ne sont pas à la hauteur de ce qui est souhaitable. Pour autant, je reconnais qu'il est très difficile pour un citoyen français de procéder à une VAE, le système étant très figé.

Sur l'accès à la fonction publique, le problème est législatif : il faut être français ou d'un pays européen. Si je vous donnais un point de vue personnel, je sortirais de mon rôle.

Le Parlement a durci les règles de naturalisation ces dernières années et il ne m'appartient pas de porter un jugement sur ses choix. En revanche, l'immense majorité des personnes bénéficiant d'une protection internationale souhaitent devenir françaises et le deviennent. Elles déposent une demande lorsqu'elles répondent aux critères. C'est le cas de l'un de mes collaborateurs : il est arrivé en France en 2015, à 22 ans, en provenance de Syrie et est devenu français en août 2021.

Lorsque je réalisais des visites de terrain, je rencontrais des réfugiés. Ils me disaient systématiquement qu'ils étaient là pour leurs enfants et qu'ils voulaient devenir français. Cette dynamique existe et ces personnes sont aussi l'avenir de la France. Notre système exige qu'un certain nombre de critères soient remplis pour déposer un dossier de naturalisation. Néanmoins, on entend à nouveau certaines propositions dans le débat public qui interrogent sur le choix d'être français et sur d'éventuelles conséquences telles que le retrait de la nationalité par la suite. Je n'irai pas plus loin.

Je vous rejoins toutefois sur les difficultés relatives aux prises de rendez-vous. Les raisons sont en partie pratiques et de management. Il n'y a aucune stratégie consistant à empêcher les réfugiés d'accéder aux guichets. On s'emploie à essayer d'y répondre. La crise sanitaire a également beaucoup impacté le fonctionnement des services.

Certains départements tels que ceux de l'Île-de-France font face à des difficultés telles qu'elles peuvent faire perdre une opportunité professionnelle. Par exemple, en l'absence de rendez-vous pour le renouvellement du titre de séjour dans les temps impartis, l'employeur est contraint de mettre fin à un contrat de travail. Avec le directeur général des étrangers en France, nous essayons de répondre à ces difficultés sans les nier.

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J'ai récemment lu En finir avec les idées fausses sur les migrations. Cette lecture, très intéressante, rejoint certains de vos propos sur les visas, les moyens, les frontières. Il rejoint mon point de vue sur l'immigration aujourd'hui et présente des solutions claires et précises. Ne rien proposer reviendrait à créer notre propre délinquance, ce qui coûterait. S'en tenir à une logique d'indicateurs ferait que nous serions perdants.

J'ai donc apprécié votre propos selon lequel, malgré l'opinion publique, vous estimez faire votre travail au mieux, avec des réussites. Je voudrais ainsi partager le message qui m'a été adressé par un journaliste turc en juin dernier : « En 2016, je suis venu en France pour trouver refuge en tant que journaliste turc. En 2018, j'étais réfugié. Aujourd'hui, je suis citoyen français. Cela fait un mois et demi. Je viens de voter. Je suis trop fier. Vive la République et vive la France ».

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Alain Régnier, préfet - délégué interministériel à l'accueil et à l'intégration des réfugiés

Ce poste est le premier durant lequel, à chaque déplacement, on me remercie. Ces retours de personnes remerciant la France me permettent aussi de rester calme.

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Merci beaucoup. Nous avons eu grand intérêt et plaisir à vous accueillir.

La réunion s'achève à douze heures trente.