Avec l'accord du directeur général des étrangers en France, nous avons intégré des réfugiés dans les comités stratégiques de la demande d'asile et dans l'évaluation du suivi du comité interministériel à l'intégration (C2I) de juin 2018. Des réfugiés participent ainsi depuis plus d'un an à des comités centraux.
La complexité vient de leur niveau de formation. En effet, participer à des comités administratifs suppose que les personnes soient formées afin de comprendre le jargon, la comitologie, etc. Avec l'académie pour la participation des réfugiés, nous travaillons donc à fournir des outils pour que les participants soient acteurs de ces instances.
Les contrats territoriaux intègrent l'association de réfugiés aux instances de fonctionnement. J'ai beaucoup insisté sur leur présence et sur leur formation. La participation pose évidemment la question de la représentativité des personnes. La méthode actuelle est relativement empirique et ne relève pas d'une approche scientifique.
L'académie pour la participation des réfugiés a reçu 230 candidatures pour 12 places disponibles. Des auditions ont donc été menées. Ce processus n'est pas véritablement démocratique. In fine, les personnes déjà les plus formées s'inscriront dans la démarche de participation. Selon moi, cela a plutôt bien fonctionné avec La grande exclusion. Ces formules ont débouché sur la création d'un collège supplémentaire au sein du conseil national de lutte contre l'exclusion (CNLE).
Outre des éléments objectifs et rationnels d'évaluation des politiques publiques, l'immatériel doit également être pris en compte. Il s'agit de considérer l'économie réalisée par la société française grâce à une meilleure vie ensemble. Alors que l'époque demande une approche comptable, il est difficile à apprécier face à un déficit structurel depuis une trentaine d'années.
Nous essayons évidemment de répondre à la demande de chiffrage, mais les politiques touchant à l'humain produisent également des résultats non comptables. Le temps de l'intégration n'est pas identique à celui d'un budget public établi pour un an. Il s'agit d'un processus.
Le travail mené par l'OCDE sur une dizaine de pays membres, dont la France, montre que les contrats territoriaux engagés depuis trois ans changent la donne relationnelle entre l'État et les territoires sur les questions des migrants. On apprend à se parler et à discuter autrement de ce qui fait la vie et la responsabilité des élus locaux. La relation avec l'État s'en trouve transformée. Cette dimension est difficilement objectivable en tant qu'indicateur. Je considère pourtant qu'elle fait partie de la transformation publique.
À ce jour, onze contrats territoriaux ont déjà été signés et sept sont en cours de signature. Ils portent sur la plupart des plus grandes villes de France, à quelques exceptions près, qui sont dans une démarche de co-construction avec l'État.
J'ai eu du mal à faire prévaloir mon point de vue, car la stratégie nationale prévoit sept axes d'intervention. J'ai proposé aux collectivités non-signataires de travailler à un diagnostic territorial pour savoir quels axes engager pour améliorer les politiques d'intégration dans les territoires. L'objectif est de s'appuyer sur la responsabilité partagée des acteurs locaux. Il n'existe pas de modèle type de contractualisation.
L'État, via la DIAIR, fournit des crédits à l'échelon local. Ensuite, l'action se déroule sur la base de besoins complémentaires au droit commun identifiés sur les territoires. La crise sanitaire ayant empêché beaucoup d'actions concrètes, je vous transmettrai les résultats de l'année 2019. L'évaluation sommaire fait état près de deux cent cinquante projets et de plusieurs milliers de bénéficiaires.
Nous essayons de répondre à la commande. Nous y répondons sur l'emploi avec le plan d'investissement dans les compétences (PIC) avec des résultats objectifs et sans précédent. Pour le logement, j'imagine que M. Mathieu a présenté l'effort considérable qui a été réalisé. Nous commençons à disposer d'une batterie d'indicateurs. Pour autant, pour être intellectuellement honnête, je ne suis aujourd'hui pas en capacité de prouver le bien-fondé de mes actions et de démontrer qu'elles ont changé les choses.
Si je m'en réfère à la sensibilité de l'opinion publique, cela n'a visiblement pas transformé le regard porté sur les questions d'intégration. À l'inverse, si vous interrogez les élus des territoires, la qualité du travail réalisé avec la DIAIR est reconnue. Le nécessaire développement des approches de co-construction dans les territoires a été rappelé dans une récente lettre de France Urbaine adressée au Premier ministre.
Bien que je ne sois pas en charge de la demande d'asile, je peux donner un point de vue personnel. Nous avons réalisé des progrès considérables en termes quantitatifs et d'approche. Depuis le 1er janvier 2021, dès le dépôt du dossier de demande d'asile, nous essayons d'orienter les personnes à l'échelle nationale. A priori, cette expérimentation fonctionne plutôt bien.
Pour autant, nous constatons que des personnes souhaitent absolument vivre en région parisienne. Bien qu'elles aient objectivement plus de chance d'une vie meilleure ailleurs en France, l'existence de réseaux personnels font qu'elles souhaitent rejoindre l'Île-de-France. En tant qu'acteurs publics, nous devons prêter attention à répartir la demande d'asile intelligemment sur le territoire, tout en nous trouvant face à des personnes inscrites dans des relations communautaires, ne souhaitant pas être isolées, mais basées dans un département précis.
Entre mai et juillet 2021, la France a accueilli 623 Afghans travaillant pour son ambassade de Kaboul. J'ai eu la charge de la phase aval en France. Une famille au sein de laquelle plusieurs frères travaillaient pour l'ambassade souhaitait rester ensemble. Le pari a été de trouver un territoire où organiser l'accueil de quatre familles comptant cinq enfants chacune. Qui plus est, elles souhaitaient s'implanter à Strasbourg, car des proches résidaient en Allemagne. La seule solution trouvée se situait dans l'Eure. Ils en sont finalement ravis.
Ces personnes arrivent après des situations dramatiques et ont beaucoup d'appréhension par rapport à l'avenir. Je compte trente-cinq ans de vie professionnelle et j'ai choisi d'être au service de l'État pour aider les gens. La difficulté que nous rencontrons dans les politiques publiques est que ce n'est pas aux personnes de s'adapter à une case, mais à nous de faire en sorte qu'elles trouvent une réponse dans notre système.
Depuis des décennies, je me heurte à cette incapacité de l'État, mais également des acteurs publics locaux, à sortir d'un fonctionnement bureaucratique. Le terme n'est pas péjoratif, car des gens formidables effectuent un travail formidable. Selon moi, nous devons partir du besoin des personnes pour essayer de leur apporter les meilleures réponses qui soient. C'est tout l'objet d'une politique en mode projet.
Le problème du système français est de beaucoup parler d'évaluation des politiques publiques, mais d'en faire peu. À l'inverse, les colloques sur le sujet sont nombreux. Au regard de la situation du pays, nous ne sommes pas très bons, car nous passons beaucoup plus de temps à travailler a priori qu' a posteriori. Le temps perdu en amont est considérable et ne laisse plus de temps pour la suite.
Surtout, on ne fait pas confiance aux Français. Nous sommes dans un système public où tout porteur d'idée ou de projet est forcément suspect. Au lieu de l'accompagner dans son projet, qu'il soit professionnel, culturel ou de vie, le système essaie en permanence de comprendre la raison de ce projet.
Excusez-moi de m'étendre sur le sujet, mais depuis toutes ces années je suis passionné par nos dysfonctionnements. Dans mon poste actuel, j'essaie donc d'apporter cette idée qui est de partir du potentiel des personnes plutôt que d'être dans une approche de méfiance. Elle fait perdre beaucoup d'énergie et, finalement, le système en est déprimé, car les projets ne peuvent se réaliser.
Je voudrais que les réfugiés ne soient pas déclassés et puissent avoir, en France, un projet correspondant à leurs aspirations. Au quotidien, avec mes moyens et dans le cadre du contrat que m'a donné le gouvernement, j'essaie de travailler sur cet angle.