Je m'inscris en faux contre l'assertion selon laquelle la France déploierait une diplomatie des migrants. La migration est un sujet diplomatique parce que c'est un sujet de dialogue, un sujet sensible qui engage la vie de femmes et d'hommes, un sujet qui renvoie à des principes de droit international fondamentaux, régis par des conventions internationales. La France ne pratique pas de diplomatie des migrants et les pays que vous citez ont des pratiques opposées à celles que nous déployons en la matière. La France est un pays d'accueil ; la France est un pays d'asile ; la France est un pays de destination. La France et l'Allemagne sont les États membres de l'Union européenne qui assument le mieux leurs responsabilités dans ce domaine. La France a enregistré entre 140 000 et 152 000 demandes d'asile en 2019. La France ne renonce pas à ses valeurs et à ses principes, qui sont des principes de droit. Elle l'a d'ailleurs réaffirmé face aux événements survenus cet été en Afghanistan.
Au-delà des valeurs, il est normal que les règles en vigueur soient respectées et il relève de l'honneur de notre pays de s'inscrire dans une règle de droit, qui est non seulement une règle de droit interne, mais également une règle de droit international.
Vous avez fait référence à la Turquie. Au cours des années 2015 et 2016, c'est au prix d'un dialogue approfondi, parfois difficile, que des solutions ont pu être identifiées. La France y a toujours apporté son assistance. La Facilité européenne pour les réfugiés en Turquie a été dotée de six milliards d'euros qui ont tous été engagés. La Commission vient de faire une nouvelle proposition pour trois milliards cinq cent mille euros supplémentaires.
S'agissant de l'Agence européenne de l'asile, il existe actuellement un bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) qui constitue, en quelque sorte, un embryon d'agence. Il s'agit d'élargir substantiellement sa surface, notamment financière et budgétaire, et de lui attribuer des moyens humains plus nombreux. Son champ d'intervention sera également étendu, notamment dans un rôle d'assistance technique, y compris pour les États membres qui feraient face dans certains cas à des pressions particulières.
Pour ce qui concerne la présidence française de l'Union européenne, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères est très mobilisé dans sa préparation, au même titre d'ailleurs que les autres parce que l'Europe concerne l'ensemble des ministères. Nous examinons actuellement les priorités que nous pourrions nous fixer dans les domaines de l'asile et de la migration.
Les textes existent et ils font l'objet de la négociation complexe que j'ai déjà évoquée. Les raisons d'être optimiste existent également. La présidence française fera montre d'un optimisme de la volonté parce qu'il appartient à la présidence du Conseil de l'Union européenne d'assurer une responsabilité de courtier honnête et de favoriser des compromis. Nous avons essayé de nous concentrer sur la dimension externe afin de faciliter la négociation du pacte migratoire dans sa dimension interne. Il appartiendra à la France de tenir ce rôle de facilitateur au service de l'intérêt européen, au service de compromis qui permettront de conjuguer les intérêts des États membres de première entrée, des États de destinations et des États de transit.
Il conviendra également de progresser sur les textes du paquet législatif les plus mûrs, notamment le règlement Eurodac. Il est essentiel de se doter d'une base de données opérationnelle, enrichie et renseignée. Force est de constater que trop souvent les demandeurs d'asile enregistrés en France n'ont pas été préalablement enregistrés dans Eurodac. La procédure à la frontière imposera un enregistrement systématique.
Enfin, il importera d'appliquer les textes agréés et ce sera une des missions de l'Agence européenne de l'asile.