La réunion débute à quinze heures quarante-cinq.
Je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
M. Cyril Piquemal prête serment.
Je vous propose de nous dresser d'abord un panorama général. Où en sommes-nous sur les questions du pacte migratoire, de nos relations avec l'Union européenne et du système Dublin ?
Je précise que je me présente à vous comme directeur adjoint de l'Union européenne parce que la mission de la Direction de l'Union européenne du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères consiste à accompagner la négociation de sorte qu'elle se déroule dans les meilleures conditions possibles en regard de nos intérêts, étant entendu que le ministère de l'Intérieur pilote ces questions. Je me limiterai donc aux enjeux et au contexte de la négociation du pacte sur l'immigration et l'asile, dans ses dimensions interne et extérieure, à savoir les relations que l'Union européenne entretient avec les pays tiers dans le domaine migratoire et de l'asile.
L'ensemble de textes qui a été présenté le 23 septembre 2020 visait, à la suite des impasses dans la négociation qui s'est déroulée entre 2016 et 2020, à organiser un rééquilibrage pour d'une part, à renforcer un pilier de responsabilité, de contrôle des frontières extérieures, d'amélioration du fonctionnement de Dublin et d'autre part, à rendre plus prévisible et plus tangible un impératif de solidarité entre les États membres.
Cet ensemble s'articule autour de cinq textes :
- un texte qui vise à mettre en place une procédure de filtrage à la frontière extérieure ;
- un règlement qui vise à réviser les procédures applicables en matière d'asile en créant notamment une procédure à la frontière assortie d'une procédure accélérée d'examen des demandes d'asile ;
- un règlement sur la gestion de l'immigration et de l'asile qui articule les impératifs de solidarité et de responsabilité ;
- le règlement Eurodac ;
- un règlement qui traite des situations d'urgence.
Le règlement créant l'Agence européenne de l'asile a été adopté au mois juillet dernier, mais le règlement de réinstallation et la directive d'accueil demeurent en négociation.
La refonte engagée par la commission au mois de septembre 2020, qui visait à trouver un nouvel équilibre, s'avèrera rapidement reproduire les lignes de clivage du passé. Il est intéressant d'examiner chacun de ces textes et d'identifier les principaux points politiques de clivage parce qu'ils dessinent les enjeux du pacte sur l'immigration et l'asile.
Le règlement relatif à la procédure de filtrage à la frontière vise à mettre en place une série de contrôles, notamment des contrôles de sécurité. Le point d'achoppement entre les États membres concerne la mise en place d'une rétention obligatoire à la frontière pour les cinq jours de durée de la procédure de filtrage, éventuellement reconductible cinq jours supplémentaires. Les États membres de première entrée refusent d'être soumis à l'obligation de rétention à la frontière et les États de destination, qui connaissent souvent des mouvements secondaires importants (la France et l'Allemagne, notamment), sont favorables à une telle rétention.
Ce clivage relatif à la rétention se retrouve sur le règlement de procédure. En effet, si un migrant ayant franchi régulièrement la frontière extérieure dépose une demande d'asile, une procédure à la frontière est activée. Elle peut être assortie d'un examen accéléré de la demande d'asile, en particulier pour les ressortissants de pays tiers dont le taux d'admission au statut de réfugié est inférieur ou égal à 20 %. La commission avait prévu un mécanisme de rétention également obligatoire pour les douze ou seize semaines de durée de la procédure et reconductible en cas d'appel pour douze semaines supplémentaires. Les États de première entrée refusent ce dispositif de rétention obligatoire. Ces États s'interrogent quant à la durée, certains l'estimant trop courte au regard des délais incompressibles, d'autres trop longue au regard des prescriptions des conventions internationales. L'applicabilité de ce type de procédure à des publics particuliers, notamment les mineurs non accompagnés, soulève des questions. Un second groupe d'États est favorable à l'instauration d'un dispositif de rétention de sorte que cette procédure d'examen accéléré à la frontière soit utile.
La proposition de règlement sur la gestion de l'immigration et de l'asile constitue le troisième grand bloc législatif qui donne lieu à des divergences de vues importantes entre les États membres. Elle prévoit des impératifs de responsabilité, à savoir que l'État membre de première entrée, l'État qui est chargé de l'examen des demandes d'asile, resterait responsable de ces examens pendant trois ans ( versus un an actuellement). Ce délai est contesté par les États membres de première entrée.
Le délai actuel pour opérer des transferts Dublin, actuellement fixé à six mois, est jugé trop court par plusieurs États de destination au regard des conditions matérielles d'organisation de ces transferts qui nécessitent un délai plus long.
Ce volet de responsabilité génère donc des discussions et des lignes de clivage. Il en est de même pour le volet de solidarité de ce règlement sur la gestion de l'immigration et de l'asile.
Des États membres de première entrée, souvent situés au sud de l'Europe, demandent une plus grande prévisibilité dans les dispositifs de solidarité. Dans l'article 45 de la proposition de règlement, la Commission prévoit une sorte de panachage. La solidarité est obligatoire pour les États membres et cette obligation est fondée sur des critères, répartis à parts égales, de richesse et de population. Cependant, dans ce cadre prédéfini, chaque État membre dispose d'un choix entre différentes options, qu'il s'agisse de la relocalisation ou de la participation à la mise en œuvre des retours - le parrainage des retours - ou d'une assistance financière à l'égard de pays tiers afin de renforcer leurs capacités d'accueil. Les États de première entrée souhaitent disposer d'une base suffisamment solide en matière de relocalisation, ce que d'autres États membres refusent catégoriquement. Plusieurs États d'Europe centrale et orientale principalement refusent, sinon une solidarité obligatoire, du moins que cette solidarité impose un élément de relocalisation.
À l'automne dernier, nous avons compris que ces lignes de partage persisteraient. La France et ses partenaires, non seulement l'Allemagne qui, à l'époque, assurait la présidence, mais également des affinitaires, des États de destination de mouvements migratoires, et des États de première entrée ont travaillé sur une dimension plus fédératrice, située à l'intersection des préoccupations de l'intégralité des États membres, à savoir la dimension extérieure. En effet, pour les États membres de première entrée, les États du sud de l'Europe notamment, il est d'autant plus complexe d'accepter un mécanisme de rétention obligatoire dans le cadre de la procédure de filtrage ou de la procédure d'asile à la frontière qu'ils sont soumis à des flux entrants importants, à l'insuffisance de coopération avec les pays tiers pour essayer de les réguler et, en aval, à des perspectives de retour et d'éloignement limitées en raison de cette insuffisance de coopération.
Dès lors, la négociabilité du pacte sur l'immigration et l'asile, et notamment sur cet aspect de rétention à la frontière, passe par un dialogue accru avec les pays tiers afin d'améliorer les retours ou de mieux réguler les flux migratoires de manière concertée. Pour ce qui concerne les États de destination, il est essentiel de renforcer l'approche collective et européenne des relations avec les pays tiers.
Le 15 mars 2021, le Conseil s'est réuni en format mixte, Affaires étrangères et Intérieur. Le 25 juin 2021, les chefs d'État ou de gouvernement se sont réunis en Conseil européen afin d'élaborer un agenda visant à opérationnaliser et rendre plus efficace notre relation avec les pays tiers dans les domaines de l'asile et des migrations.
La Commission et le Service européen d'action extérieure sont chargés de construire des plans d'action avec les pays de l'Union européenne dans lesquels les flux migratoires sont les plus importants de sorte à fédérer et à mettre en synergie l'intégralité des instruments dont dispose l'Union européenne, qu'il s'agisse non seulement de son assistance extérieure, mais également du rôle de Frontex et de l'utilisation du lien entre visa et réadmission.
Neuf plans d'action sont en cours de discussion avec, par exemple, l'Afghanistan, la Bosnie-Herzégovine, la Tunisie, le Niger, le Nigeria, le Maroc, la Libye et la Turquie. Ces plans visent à fixer des objectifs et mettre en synergie les moyens et les instruments dont dispose l'Union européenne.
Les questions de réadmission ou de retour constituent un sujet politiquement sensible. La Commission a produit, au mois de février 2021, un rapport qui met en exergue les difficultés rencontrées avec plusieurs pays. Sur cette base, un dialogue a été initié avec les pays concernés afin d'améliorer la coopération sur les retours sur les réadmissions. Trois pays sont encore concernés par ce dialogue.
L'Union européenne s'est dotée d'un fonds de coopération internationale et de développement, le NDICI (instrument européen pour le voisinage, le développement et la coopération internationale), agrégeant des financements pour un montant de 79,5 milliards d'euros sur la période comprise entre 2021 et 2027. 10 % de cette enveloppe seront consacrés à la question migratoire, dans toutes ses dimensions : aider les pays tiers à construire des dispositifs d'accueil et d'asile, lorsque c'est nécessaire ; mettre en place des moyens de lutte contre la traite des êtres humains et les filières de passeurs ; mettre en place des coopérations pour assurer une meilleure gestion des frontières dans ces pays tiers. Bref, il s'agira d'utiliser l'ensemble des moyens financiers et d'assistance extérieure dont dispose l'Union européenne pour organiser ces coopérations.
Les programmations budgétaires de l'Union européenne et des États membres ont été alignées dans les « Initiatives équipe Europe ». Deux initiatives seront consacrées au domaine migratoire : l'une Atlantique, qui couvre surtout l'Afrique de l'Ouest et à laquelle la France participera avec l'Espagne ; l'autre dite « de Méditerranée centrale » couvre l'Afrique subsaharienne, la route centrale et l'Afrique de l'Est. La France et l'Italie sont à l'origine de cette proposition d'alignement des programmations budgétaires en matière d'aide au développement sur la question migratoire.
L'année 2021 a donc permis une affirmation politique, la fixation d'objectifs et l'initiation d'actions à dimension extérieure non seulement parce qu'elle vaut en soi et pour soi, mais également parce qu'elle sera bénéfique à la négociation interne du pacte sur la migration et l'asile, notamment sur les sujets de rétention obligatoire.
L'adoption du règlement créant l'Agence européenne de l'asile permettra la convergence des pratiques des États membres dans la mise en œuvre du régime d'asile européen commun, notamment pour ce qui concerne les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. L'adoption du règlement relatif à cette Agence européenne montre qu'il est possible de progresser. Il convient donc de se donner les moyens de progresser, notamment sur le règlement Eurodac, afin d'améliorer l'identification des personnes qui franchissent la frontière et des demandeurs d'asile.
La négociation est extrêmement ardue. Elle est politiquement redoutable de complexité sur des enjeux fondamentaux pour les États membres.
L'annonce du porte-parole du gouvernement sur la question des visas semble signifier une rupture du dialogue avec les pays extérieurs. Pouvez-vous nous fournir des explications ?
En effet, l'actualité nous dépasse. Les députés qui travaillent sur le sujet depuis quelques années sont conscients de l'efficacité et de l'inefficacité des actions menées par le pouvoir exécutif. Le dialogue est complexe non seulement entre Européens, mais également avec les pays tiers et ce sont des sujets qu'il est ardu d'aborder calmement au niveau national.
L'aide publique au développement (APD) prévoit d'exercer préférentiellement la pression sur les dirigeants des pays et sur leur corps diplomatique. Cette méthode a porté ses fruits dans le passé. Or, au vu des récentes annonces, je pense que nous dévions de notre cible, quand nous pénalisons des étudiants et des personnes détentrices d'un passeport talent qui sont bloquées en Tunisie, en Algérie, au Maroc depuis plusieurs mois.
Nous adresserons un courrier au Président de la République dans lequel nous rappellerons notre contre-proposition de limiter les visas préférentiellement pour les dirigeants, leur entourage et le corps diplomatique.
Je souhaiterais que vous détailliez davantage les difficultés auxquelles se heurtent le dialogue. Nous avons récemment rencontré des représentants des ministères de l'intérieur égyptien et irakien qui nous ont expliqué leurs difficultés. Nous avons constaté leur mauvaise foi. Le problème des réadmissions est tellement complexe que tous les pays se renvoient la balle. Tous les pays rencontrent des difficultés à gérer la situation qu'elle concerne les mineurs non accompagnés ou les personnes à expulser.
L'Agence d'asile européenne sera-t-elle véritablement efficace ou incrémentera-t-elle encore plus le mille-feuilles administratif européen de son inutilité ? Sa création sera complexe entre une extrême gauche qui dénoncera l'érosion des critères d'asile et une extrême droite qui criera à la perte de notre autonomie.
Nous percevons une contradiction entre une décision qui vaut pour la relation bilatérale de la France avec d'autres pays et la voix de la France au sein de l'Union européenne qui souhaiterait intensifier le dialogue dans les relations avec les pays extérieurs.
Les décisions relatives aux visas ne constituent pas une rupture du dialogue avec les trois pays concernés. Il s'agit d'une phase dans un dialogue qui n'est jamais interrompu. L'objectif consiste à parvenir à une situation plus satisfaisante en regard des demandes réitérées de la France au sujet des réadmissions visant à améliorer les taux de retours.
L'article 25 bis du Code visa Schengen charge la Commission d'évaluer annuellement la coopération des pays tiers en matière de réadmission selon plusieurs critères : le différentiel entre les décisions de retours et les retours effectifs, le nombre de demandes de réadmissions acceptées, la coopération des pays tiers pour l'établissement de laissez-passer consulaires, etc. Sur la base du rapport qu'elle produit, il appartient à la Commission d'initier un dialogue susceptible de déboucher sur des décisions d'exécution du Conseil visant à suspendre certaines facilités reconnues par le Code visa Schengen.
La France s'est montrée très cohérente lors des différentes réunions du Conseil en soutenant cette démarche comme un élément visant à renforcer un dialogue complexe. Il existe des disparités selon les pays d'origine, les pays tiers, et selon les relations que ces pays tiers entretiennent avec chacun des États membres de l'Union européenne. Cette procédure dite « article 25 bis » constitue, certes, un élément de pression, mais il appartient à l'Union européenne de faire valoir ses intérêts et ses objectifs.
S'agissant de l'Agence européenne de l'asile, il existe toujours un risque d'ajouter une strate au « mille-feuille administratif ».
La mission de Frontex consiste à gérer la frontière extérieure, à la surveiller et à la sécuriser. Ses moyens ont été renforcés puisque l'Union européenne s'est dotée d'un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes qui comptera dix mille agents d'ici 2027. Frontex s'assure de l'alignement des pratiques des États membres également. Ces missions sont évaluées par le mécanisme d'évaluation de Schengen, adopté en 2013, et qui fait l'objet d'une proposition de révision de la Commission visant à le rendre plus robuste.
L'Agence européenne de l'asile assurera une harmonie entre les États membres dans la mise en œuvre du régime d'asile européen commun. Ce régime commun vise une convergence aussi forte que possible entre les États membres, mais force est de constater qu'il existe un décalage entre les textes et la réalité, notamment pour ce qui concerne les conditions d'accueil qui sont susceptibles d'influer sur les mouvements migratoires secondaires. Cette agence élaborera un mécanisme de supervision qui sera effectif au plus tôt le 31 décembre 2023.
Par ailleurs, cette agence sera chargée d'évaluer et de dresser une liste commune de pays d'origine et de pays tiers jugés sûrs. Cette évaluation a une incidence directe sur les procédures applicables en matière d'asile.
Enfin, cette agence aura un rôle de coopération de l'aide apportée aux pays tiers pour mettre en place des dispositifs d'asile. Les pays du Sud sont des pays d'émigration, parfois de transit, qui par la nature des jeux de frontières, des situations politiques et géopolitiques deviennent des pays d'accueil. Il importe qu'ils disposent des capacités, des dispositifs d'accueil, des pratiques, des procédures et des garanties accordées aux demandeurs d'asile et aux réfugiés.
Il est reproché à la Turquie et au Maroc d'user d'une diplomatie des migrants. La France use-t-elle d'une diplomatie des migrants comme elle déploie une diplomatie des ventes d'armes ? La France assume-t-elle politiquement d'entrer dans le rang de ces pays qui utilisent la misère des migrants dans l'arsenal de leur relation de pays à pays ?
Au-delà, j'espère en effet que les relations diplomatiques ne sont pas rompues avec les trois pays mentionnés précédemment.
L'Agence européenne de l'asile est-elle créée ? Quel sera son périmètre d'action ?
La France s'apprête à prendre la présidence de l'Union européenne. Quelles seront ses priorités en matière de migration ?
Je m'inscris en faux contre l'assertion selon laquelle la France déploierait une diplomatie des migrants. La migration est un sujet diplomatique parce que c'est un sujet de dialogue, un sujet sensible qui engage la vie de femmes et d'hommes, un sujet qui renvoie à des principes de droit international fondamentaux, régis par des conventions internationales. La France ne pratique pas de diplomatie des migrants et les pays que vous citez ont des pratiques opposées à celles que nous déployons en la matière. La France est un pays d'accueil ; la France est un pays d'asile ; la France est un pays de destination. La France et l'Allemagne sont les États membres de l'Union européenne qui assument le mieux leurs responsabilités dans ce domaine. La France a enregistré entre 140 000 et 152 000 demandes d'asile en 2019. La France ne renonce pas à ses valeurs et à ses principes, qui sont des principes de droit. Elle l'a d'ailleurs réaffirmé face aux événements survenus cet été en Afghanistan.
Au-delà des valeurs, il est normal que les règles en vigueur soient respectées et il relève de l'honneur de notre pays de s'inscrire dans une règle de droit, qui est non seulement une règle de droit interne, mais également une règle de droit international.
Vous avez fait référence à la Turquie. Au cours des années 2015 et 2016, c'est au prix d'un dialogue approfondi, parfois difficile, que des solutions ont pu être identifiées. La France y a toujours apporté son assistance. La Facilité européenne pour les réfugiés en Turquie a été dotée de six milliards d'euros qui ont tous été engagés. La Commission vient de faire une nouvelle proposition pour trois milliards cinq cent mille euros supplémentaires.
S'agissant de l'Agence européenne de l'asile, il existe actuellement un bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) qui constitue, en quelque sorte, un embryon d'agence. Il s'agit d'élargir substantiellement sa surface, notamment financière et budgétaire, et de lui attribuer des moyens humains plus nombreux. Son champ d'intervention sera également étendu, notamment dans un rôle d'assistance technique, y compris pour les États membres qui feraient face dans certains cas à des pressions particulières.
Pour ce qui concerne la présidence française de l'Union européenne, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères est très mobilisé dans sa préparation, au même titre d'ailleurs que les autres parce que l'Europe concerne l'ensemble des ministères. Nous examinons actuellement les priorités que nous pourrions nous fixer dans les domaines de l'asile et de la migration.
Les textes existent et ils font l'objet de la négociation complexe que j'ai déjà évoquée. Les raisons d'être optimiste existent également. La présidence française fera montre d'un optimisme de la volonté parce qu'il appartient à la présidence du Conseil de l'Union européenne d'assurer une responsabilité de courtier honnête et de favoriser des compromis. Nous avons essayé de nous concentrer sur la dimension externe afin de faciliter la négociation du pacte migratoire dans sa dimension interne. Il appartiendra à la France de tenir ce rôle de facilitateur au service de l'intérêt européen, au service de compromis qui permettront de conjuguer les intérêts des États membres de première entrée, des États de destinations et des États de transit.
Il conviendra également de progresser sur les textes du paquet législatif les plus mûrs, notamment le règlement Eurodac. Il est essentiel de se doter d'une base de données opérationnelle, enrichie et renseignée. Force est de constater que trop souvent les demandeurs d'asile enregistrés en France n'ont pas été préalablement enregistrés dans Eurodac. La procédure à la frontière imposera un enregistrement systématique.
Enfin, il importera d'appliquer les textes agréés et ce sera une des missions de l'Agence européenne de l'asile.
Je souhaiterais vous entendre sur les politiques de développement au profit des pays tiers de sorte que la politique des migrations ne se limite pas à la prise d'empreintes.
Ce sujet est aussi vaste que redoutable et il mériterait à lui seul une autre commission d'enquête puisqu'il touche aux causes profondes de la migration qui renvoient à une multiplicité de facteurs.
J'ai évoqué précédemment les plans d'action développés avec neuf premiers pays qui visent précisément à mettre en synergie nos instruments d'action extérieure qui couvrent les volets de l'organisation d'une migration légale, de la lutte contre la migration illégale, et d'intervention sur ses causes profondes et de coopération en matière de réadmission ou de retour. Notre politique n'est pas réductrice parce que nous savons que pour réussir, il convient de couvrir l'ensemble spectre.
S'agissant plus spécifiquement du volet d'intervention sur les causes profondes, la NDICI constitue un instrument unique. J'ai indiqué qu'au moins 10 % de ce budget serait dédié aux questions migratoires dans toutes leurs dimensions, y compris les causes profondes. L'Union européenne dispose donc d'une capacité d'action, elle a la volonté politique et elle est organisée. En outre, la Banque européenne d'investissement (BEI) se dotera d'un mandat élargi pour renforcer ses programmes et ses interventions, notamment sur le continent africain. Cet ensemble de moyens nous permettra d'agir sur les différents secteurs.
L'Union européenne est en pointe en matière de lutte contre le changement climatique, ce qui comporte un compartiment adaptation qui touche particulièrement les agriculteurs. L'Union européenne agit avec les États membres à travers l'Agence française de développement, en matière d'insertion professionnelle et en matière d'infrastructures qui sont fondamentales pour l'activité économique.
Nous travaillons activement non seulement avec la Direction générale en charge des partenariats internationaux à la Commission européenne qui gère ces moyens financiers, mais également, en interne, avec la Direction générale de la mondialisation du ministère des affaires étrangères et avec l'Agence française de développement.
Je vous remercie de vos réponses. Le sujet est vaste, complexe et chronophage. Je salue votre volonté de démêler cet imbroglio très complexe, politiquement très explosif, qui conduit à faire face parfois à l'irrationalité de nos partenaires tant européens que des pays tiers ou même à celle de nos compatriotes. Je tiens donc à vous féliciter pour le travail que vous faites. Certes, nous ne sommes pas d'accord sur tout, mais c'est le jeu démocratique qui nourrit le débat politique. Sachez que cette commission essaiera de de traiter la question calmement, en présentant un chiffrage très précis.
Notre objectif ne consiste pas à vous mettre en difficulté. Nous posons les questions qui nous sont transmises par les citoyens que nous représentons. Au regard de votre expérience, la présidence française de l'Union européenne vous paraît-elle être une opportunité historique à saisir ou un péril historique duquel nous devons nous prévenir ? Le moment est-il particulier ?
Souhaiteriez-vous nous signaler des points d'attention sur lesquels porter notre vigilance ?
D'abord, sachez que je ne me suis pas senti en difficulté. Il est sain d'avoir l'opportunité de répondre aux questions de la représentation nationale et des citoyens qu'elle représente. Notre mission de fonctionnaires consiste également à nous tenir à disposition pour éclairer le débat tout en respectant notre devoir de réserve et de neutralité qui est notre vertu.
La présidence française représente-t-elle une opportunité ou un péril ? Par définition, toute opportunité constitue un péril. C'est le gage de la liberté. La France, par ce qu'elle représente, par la volonté qui l'anime, peut ouvrir des opportunités. La France est un État membre qui est attendu. C'est un État membre qui doit ensuite être à l'écoute. Il est très important, dans une négociation aussi difficile, d'écouter les préoccupations formulées par chaque État membre afin d'identifier des compromis et des solutions. L'objectif consiste à élaborer des textes qui répondent aux problèmes des citoyens que vous représentez. Au préalable, il s'agit de comprendre le positionnement de chacun des États. Nous menons ce travail avec nos ambassades dans les États membres de l'Union européenne. Cela relève de la mission de présidence qui peut alors s'appuyer sur l'action des parlementaires et sur les relations qu'ils entretiennent avec les représentations parlementaires des autres États membres afin d'affiner cette compréhension mutuelle qui permet ensuite de forger des compromis.
Nous sommes toujours très satisfaits de pouvoir apporterdes éclairages sur le travail mené par ministère des Affaires s'étrangère et de l'Europe. Nous imaginons que tout se passe à Bruxelles alors que vous menez un travail que nous ne connaissons pas suffisamment, mais qui est tout à fait essentiel. Je vous remercie.
La réunion s'achève à seize heures quarante-cinq.