Intervention de Hélène Gacon

Réunion du mercredi 6 octobre 2021 à 14h30
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Hélène Gacon, avocate et membre de la commission Libertés et droits de l'homme du CNB :

Deux éléments me semblent fondamentaux. Le premier est celui de l'invisibilité. Il est également difficile pour les agents préfectoraux de devoir prendre des décisions sur dossier et de ne pas voir les personnes. C'était déjà une sanction pour eux d'être affectés dans ces services et ils ont une hiérarchie qui ne leur a jamais appris ce qu'est le droit, c'est-à-dire les règles. En effet, ils appliquent des règles. Lorsqu'elles sont bonnes, tout va bien, mais si ce sont des erreurs, ils les renouvellent comme toute personne qui n'a jamais appris de manière systématique. Il a fallu que certaines préfectures envoient des guides, et non pas des circulaires, qui expliquent, conformément au Ceseda, quelles sont les possibilités d'obtenir un titre de séjour selon les différentes hypothèses et quelles pièces justificatives sont nécessaires. C'est déjà presque un miracle.

Pour résumer les propos de Mme Laurence Roques que je partage entièrement, je dirais qu'habituellement, nous, les avocats, sommes qualifiés d'auxiliaires de justice alors que nous sommes devenus des auxiliaires de l'administration. Évidemment, c'est quelque chose d'impossible à admettre pour les magistrats qui ont tendance à restreindre leur jurisprudence. J'ai eu l'occasion de m'entretenir longuement avec les magistrats du tribunal de Lyon, qui refusent systématiquement de faire droit à toute requête de référé mesures utiles quand il s'agit de demander un rendez-vous à la préfecture ? En conséquence, les confrères ne peuvent rien faire du tout. Le blocage est total, et il s'agit vraiment là d'un déni complet.

Ainsi, un autre système a été développé, ce qui constitue un aveu d'échec par l'administration. Plutôt que de gérer par Internet seulement les rendez-vous, certaines préfectures ont commencé par gérer des premiers examens de recevabilité des dossiers avec les procédures simplifiées, dans lesquelles on a un petit interlocuteur qui reste tout aussi virtuel et sans identité. Une fois que quelques pièces de base ont été déposées, si on fournit plus de pièces que nécessaire, la demande devient irrecevable. On se dit à ce moment-là que la procédure est en bonne voie parce qu'elle se concrétise par un e-mail de la préfecture informant que le dossier est examiné et que l'on recevra une réponse. Le problème, en tout cas pour certaines préfectures franciliennes que je pratique habituellement, c'est que la procédure simplifiée n'est possible que dans certains cas d'attribution de titre de séjour.

Par exemple, le Ceseda stipule très clairement que si on réside en France et qu'on est entré en France avant l'âge de 13 ans, on peut demander un titre de séjour entre 16 ans et demi et 19 ans. Il s'agit d'un cas de délivrance automatique de titre de séjour dans le cadre de la vie privée et familiale. Or la procédure simplifiée ne comporte pas cette hypothèse. Un jeune, qui sera souvent plus attiré par la procédure en ligne que par le simple rendez-vous, déposera une demande de titre de séjour en expliquant sa situation. En réalité, il s'agit d'un cas résiduel, c'est-à-dire qu'il ne s'applique que dans l'hypothèse où on ne peut pas invoquer une autre disposition, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Bien que la préfecture ait parfaitement compris et que le jeune remplisse toutes les conditions, sa demande sera classée sans suite sous prétexte qu'il aurait fallu recourir à la procédure simplifiée pour déposer une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Un classement sans suite, contrairement à une décision de refus, constitue pour nous une forme de blocage informatique. Nous ne pouvons alors plus rien faire, nous ne pouvons plus aller à la préfecture et nous avons un risque considérable que le magistrat nous dise que cette décision ne peut pas être qualifiée de décision faisant grief, préalable nécessaire pour former un recours.

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