En effet, les situations deviennent absurdes, non seulement pour nous, praticiens, mais aussi pour les juridictions. Les OQTF deviennent automatiquement caduques au bout d'un an, que la raison soit imputable aux migrants, à l'administration ou à la police qui n'a pas pu arrêter les personnes concernées et même en l'absence de placement en rétention. Cela signifie qu'en cas de nouvelle interpellation, la personne ne peut être contrainte de partir que s'il y a une nouvelle décision, contre laquelle on fera certainement un nouveau recours. Avec de tels délais de jugements, quel est l'intérêt de maintenir la procédure qu'on a engagée auprès du tribunal administratif, si l'on sait qu'au moment où ce dernier se prononcera, l'OQTF sera caduque, ou pire encore, si le bureau d'aide juridictionnelle met six mois ou un an pour se prononcer ? Le dépôt de demande d'aide juridictionnelle aura interrompu le délai du recours contentieux de sorte que le délai de trente jours pour former le recours va commencer à courir un an après la notification de l'OQTF. Dans ces cas-là, les clients nous demandent quel est l'intérêt de contester une mesure caduque. Il ne s'agit pas pour moi de toucher les 640 euros d'aide juridictionnelle, avec 80 % de charges. Je leur explique donc que le recours a pour objet d'obtenir l'annulation, mais surtout je leur dis que l'objectif est d'obtenir l'injonction du tribunal adressée à la préfecture pour la délivrance du titre de séjour.
Ces questions concernant le nombre de procédures sont très difficiles pour les conseillers mais aussi pour les greffiers. Au printemps dernier, la Chancellerie avait pris l'initiative d'envisager une réforme qui a finalement été annulée au dernier moment. Le CNB avait prévu de proposer une réduction des hypothèses à quatre. Nous souhaitions maintenir et réactiver le droit commun, en y introduisant de nombreuses mesures comme un délai de deux mois avec une interruption du fait du dépôt de la demande d'aide juridictionnelle. C'est justement parce que les personnes sont vulnérables qu'elles ont besoin du temps normalement prévu par la loi et inscrit dans le Code de justice administrative. On peut concevoir que, dans certaines hypothèses, un recours soit assorti d'un délai spécial, mais celui-ci devrait se limiter à un mois. Les autres cas doivent être appréhendés comme des situations d'urgence, inhérentes au droit des étrangers. Il faudrait dès lors distinguer les cas d'urgence avec privation de liberté pour lesquels le recours pourrait être engagé dans un délai unique de 72 heures. Le passage de 48 heures à 72 heures permettrait de dépasser la difficulté du week-end que j'ai évoquée tout à l'heure pour les détenus, mais qui concerne également d'autres catégories de personnes. Dans les situations d'urgence sans privation de liberté, le délai devrait être un peu plus long : 7 jours.
Nous avons alors décliné toutes les conséquences que ces mesures pourraient avoir selon que le délai soit interrompu ou non par l'aide juridictionnelle (AJ) et selon les différents délais de jugement. Nous nous sommes également demandé si une formation collégiale ou bien un juge unique était le plus souhaitable. Nous sommes tout à fait disposés à approfondir ces réflexions avec vous.