Intervention de Sonia Krimi

Réunion du mercredi 10 novembre 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSonia Krimi, rapporteure :

Je commencerai par les centres de rétention. Vous savez que s'il ne tenait qu'à moi, je supprimerais les frontières de 2015 et j'intégrerais les migrants dans le marché du travail, surtout dans les métiers en tension. Mais il faut tenir compte de l'acceptabilité sociale.

Je fais partie des signataires de la proposition de loi Boudié visant à encadrer la rétention administrative des familles avec mineurs. Nous sommes allés sur le terrain, jusqu'à Mayotte, nous avons énormément auditionné. Cette proposition de loi pousse à créer des centres dédiés. Pour moi, soit on décide que les familles avec enfants sont « inéloignables », soit on trouve d'autres solutions que le centre de rétention, comme un appartement. En Allemagne, on ne décide d'éloigner que les gens qui sont « éloignables ».

L'esprit de mon rapport, c'est un accompagnement maximal. Il n'y a pas plus simple pour moi que d'écrire dans la recommandation n° 29 qu'il faut interdire totalement les centres aux familles avec mineurs. Je peux travailler à une modification pour que cette recommandation colle plus à ce que je souhaite profondément tout en restant conforme à ce que j'ai porté avec Florent Boudié. Quoi qu'il en soit, ce rapport doit être lu et appliqué.

Merci à Stella Dupont pour ses commentaires sur les recommandations nos 13, 14 et 15. Je suis d'accord pour l'ajout d'un indicateur qui fasse apparaître ce qui a été a bien fait ou pas. Pour ce qui est des modalités d'application, je les laisserai définir par l'exécutif.

Je suis également d'accord avec ce qui a été dit sur l'accès à l'emploi et sur les propos tenus par certaines personnes que nous avons auditionnées. Il y a en France, à un haut niveau de responsabilités, des gens qui ont une vision qu'on sait fausse du sujet, et qui appliquent donc de fausses solutions. Didier Leschi, directeur de l'OFII, expliquait ainsi qu'il faut trouver du travail pour les Français avant de trouver du travail pour les migrants. Il ne s'agit pas de mettre les x millions d'emplois à pourvoir en France en face des x millions de chômeurs : il y a tout un processus à prendre en compte entre les deux. C'est pour cela qu'il faut porter une grande attention au choix des personnes chargées de ces matières, quel que soit le ministère. Nous avons besoin de personnes qui ont compris le système, dans toutes ses difficultés et toute son interdisciplinarité.

Si je recommande de sortir les politiques migratoires de la seule compétence du ministère de l'intérieur, c'est parce que, depuis 2007 et l'arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir, elle ont été réduites à une dimension totalement sécuritaire. Certes nous savons agir en interministériel mais, d'une part il n'y a de conseiller diplomatique qu'auprès des préfets de région, et d'autre part le préfet, s'il représente l'État sur le terrain, dépend fonctionnellement du ministère de l'intérieur.

Le Gouvernement sait travailler en interministériel, sauf que s'agissant de l'immigration, il faut aussi travailler avec les associations et les collectivités territoriales. Médecins du monde, par exemple, explique qu'il y a dix ans, ils pouvaient parler sur le terrain à des gens de l'agence régionale de santé. En tant que médecins, ils pouvaient parler à d'autres médecins et arrivaient à des solutions meilleures qu'ils ne le font avec des personnes qui émanent du seul ministère de l'intérieur. Je ne dis pas que tout est de la faute du ministère de l'intérieur, mais qu'il ne sait faire que ce qui est de sa compétence : du sécuritaire.

Il faut absolument réduire les compétences du ministère de l'intérieur en matière d'immigration. Je considère qu'on peut revenir sur ce qui a été fait en 2007, quand on a pris une centaine d'équivalents temps plein au ministère des affaires étrangères pour les donner au ministère de l'intérieur. Ouvrons un peu les portes. Le ministère des affaires étrangères demande à avoir plus la main sur les visas, parce qu'il sait exactement ce qu'il faut faire ou non. Que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) dépende du ministère de l'intérieur, moi, cela me dérange.

Les associations, les collectivités territoriales – encore une fois, l'État n'est pas le seul à traiter la question des migrants – veulent aussi avoir d'autres interlocuteurs. La dimension interministérielle ne résoudrait pas tous les problèmes, mais elle serait perçue comme un facteur d'apaisement et elle rétablirait un lien perdu en raison de la volonté du ministère de l'intérieur d'avoir la main sur l'ensemble de cette politique. Du reste, celui-ci est le seul à estimer que tout va bien. Si l'on met d'autres acteurs autour de la table, les choses prendront peut-être plus de temps, mais on gagnera en visibilité et on pourra proposer des solutions au niveau approprié.

Cela me conduit à évoquer la recommandation relative aux médiateurs culturels. Les associations doivent pouvoir avoir accès à tous les lieux dans lesquels se trouvent des migrants. C'est la rareté des échanges entre police, État et associations qui crée la crispation dont certains partis politiques, quels qu'ils soient, font leur miel en vue des élections.

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