Intervention de Sonia Krimi

Réunion du mercredi 10 novembre 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSonia Krimi, rapporteure :

L'idée est en effet intéressante. Peut-être faut-il améliorer l'efficacité du retour des ressortissants de certains pays dans le cadre du processus d'adhésion de ces derniers à l'Union européenne.

Je vous propose de formuler la recommandation n° 29, relative à la rétention des mineurs, qui figure à la page 100 du rapport, de la manière suivante : « Prévoir systématiquement des alternatives à la rétention des familles avec des enfants ».

Natalia Pouzyreff a évoqué l'intégration par le travail et l'existence de secteurs en tension. Le Gouvernement a su intégrer 750 000 jeunes en une année, pendant le confinement, grâce à des dispositifs tels que « un jeune, une solution ». On pourrait imaginer un dispositif « un migrant, une solution ». De fait, je suis perplexe lorsque j'entends des personnes parler de l'immigration sans prendre en considération la situation de notre pays. L'économie se porte très bien ; on a besoin de main-d'œuvre; de nombreux métiers sont sous en tension et je n'ai pas de retour précis des administrations concernant les actions menées pour intégrer les jeunes. C'est l'objet des recommandations n°s 13, 14 et 15, ainsi que de la recommandation n° 10. Dès que des migrants arrivent, nous devons être beaucoup plus efficaces pour les orienter sur le chemin de l'emploi. Nous savons le faire, puisque le Gouvernement a réussi à intégrer 750 000 jeunes en un an. Mais nous n'avons pas été assez efficaces sur l'apprentissage, le permis et les autres freins qui empêchent un jeune de trouver un travail, et sur le chômage structurel.

Je reviens sur la remarque concernant l'Agence de l'asile européen. Va-t-elle être en charge des demandes d'asile et l'accorder ? Cela me semble implicite, mais nous pouvons préciser qu'elle serait l'équivalent d'un OFPRA européen, traitant tous les dossiers de la même façon, que l'on demande l'asile à Rome, à Marseille, à Nice ou au Portugal. Cela permettrait de mettre fin à l'actuelle et inhumaine situation de ces êtres humains, baladés en Europe pendant des années.

Madame Gatel, je suis plus optimiste que vous quant à la capacité du Président de la République à défendre ce dossier. À Bruxelles, les services de l'ambassade et ceux de l'Union européenne nous ont confirmé travailler fortement sur ce thème.

M. Maire m'a interrogée sur la recommandation n° 6. Pourquoi évoquer spécifiquement la frontière à Menton, et non les autres ? Parce que je les ai toutes passées en voiture – vers l'Espagne, à Dunkerque ou à Briançon, où l'on doit faire un petit arrêt – et elles n'ont rien de commun avec ce qui a été mis en place à Menton, où la frontière est extrêmement sécurisée et où des Algécos y ont été installés. Même si je me fais reprendre à chaque fois, car le mot n'est pas très juridique, je le répète, on y pratique le refoulement des mineurs. Je l'indique d'ailleurs dans le rapport.

L'expression politique politiques publique est présente à plusieurs reprises dans le rapport, madame Clapot, notamment pages 11, 46, 50 et 70. En outre, il ne s'agit pas de faire des propositions d'ordre administratif mais politique. Quand nous recommandons la création d'un Haut-commissariat ou l'interdiction de retenir des mineurs en centre de rétention, nous énonçons des solutions politiques. Même si je fais partie de la majorité, j'ai essayé de produire trente recommandations applicables, issues d'expériences réussies dans d'autres pays, susceptibles de faire évoluer cette politique publique. Mais je peux le préciser plus clairement, si vous le souhaitez.

S'agissant de l'Albanie, vous avez raison, je vais ajouter ce point. Il faut faire le lien avec le processus d'intégration pour que cela ne soit pas vain, et inefficace.

J'ai pris le parti de ne pas évoquer les OQTF, puisque tout le monde en parle en brandissant des chiffres, alors que leur taux d'efficacité est extrêmement faible. Chacun a des idées pour faire mieux, notamment les candidats à la Présidence de la République. Il aurait été vain, et contraire à la philosophie du rapport, d'aller dans le même sens. En outre, j'estime qu'il faudrait arrêter de prendre des OQTF.

Monsieur Ledoux m'a interrogée sur les politiques de retour. Je ne connais aucun Franco-Tunisien ou Franco-Algérien ayant passé vingt ans en France qui veuille ensuite rentrer au pays. Il s'agit probablement de cas isolés. La plus grosse erreur des Maghrébins, Sénégalais ou Camerounais arrivés à partir des années trente en France pour participer à la construction de notre pays a été de penser qu'ils rentreraient chez eux, car ce n'a pas été le cas. Ils ont fait des enfants et ces enfants sont totalement français. Un Français doté d'un Guide du routard connaît mieux le Maroc qu'un enfant de Marocains vivant en France, qui ne parle en outre pas la langue ! Ces immigrés sont restés dans des HLM et n'ont pas investi, contrairement à l'immigration actuelle, celle de ma génération, celle des trentenaires qui arrivent en France, s'intègrent très rapidement, achètent un logement puis, trois ou quatre ans plus tard, demandent la nationalité française, exercent leurs droits et ressemblent à madame et monsieur tout le monde. C'est pourquoi j'ai du mal à faire le lien avec les Chibanis – dont vous parlez probablement –, qui veulent rentrer chez eux.

En tant que femme politique, il me semble important de construire le futur, mais votre question sur l'aide au retour est intéressante. Nous l'avons d'ailleurs évoqué avec Mme Dupont et un interlocuteur du ministère de l'intérieur. On nous a confirmé que c'est un axe important de travail. Les montants ont d'ailleurs considérablement augmenté – nous sommes d'ailleurs très attaqués par l'extrême droite sur ce point – afin que les personnes puissent réellement s'installer et développer un projet dans leur pays. Quand on donne 600 ou 1 000 euros à des migrants qui il faut le rappeler ont parfois payé 20 000 euros pour venir en France et sont très endettés.

Nous n'avons pas eu le temps de nous pencher sur les filières de départ et la collaboration policière avec les pays, notamment par le biais d'Europol. Il ne sert à rien de démanteler les filières quand les migrants – surtout des hommes – ont déjà tout payé et sont à Calais… De la même façon, nous n'évoquons pas Mayotte. Il était malheureusement difficile de rédiger un rapport exhaustif.

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