Au nom de l'APNM GENDXXI, permettez-moi en préambule de vous remercier pour l'intérêt que vous accordez au regard et aux propositions de notre association.
Il y a un peu plus de cinq ans, en avril 2015, alors que la loi de programmation militaire ayant autorisé les associations professionnelles de militaires n'était pas encore votée, nous participions à notre première audition devant une commission d'enquête de l'Assemblée nationale, déjà sur le thème du maintien de l'ordre.
Les manifestations en France ont connu ces dernières années une progression importante, tant dans leur nombre que dans la violence qui s'y exerce : en 2016, dans les cortèges contre la « loi Travail », qui ont vu le retour de militants très agressifs et organisés – les fameux ultras – ; à Notre-Dame-des-Landes, au contexte très ouvert ; ou encore durant les manifestations des gilets jaunes au cours de l'année écoulée. Ce alors même que le nombre d'escadrons a été réduit à partir de 2008 pour atteindre 109 escadrons de gendarmerie mobile, et que le maintien de l'ordre n'est que l'une des missions des unités de gendarmerie mobile qui œuvrent également à la sécurisation des sites, renforcent les unités territoriales, luttent contre l'immigration irrégulière, et ont des missions outre-mer et des opérations extérieures (OPEX). Les unités ont été plus que jamais sollicitées dans un contexte de moyens humains sous-dimensionnés.
J'aimerais revenir spécifiquement sur les actes successifs, très difficiles, des gilets jaunes qui ont donné lieu à des images parfois très violentes. Ils sont l'aboutissement d'une évolution progressive des manifestations. Auparavant, il survenait parfois des incidents en fin de parcours. Le maintien de l'ordre était un maintien d'accompagnement, très statique. Les affrontements se produisaient généralement en fin de cortège. Aujourd'hui, les choses sont clairement plus chaotiques. Les manifestations ne sont pas structurées, gérées, encadrées par des organisateurs identifiés et expérimentés. L'imprévisibilité prime. L'insécurité et la violence sont monnaie courante. Désormais, de nombreuses manifestations sont uniquement lancées sans autorisation préalable pour détruire et s'en prendre aux forces de l'ordre. Nous devons assurer un rétablissement de l'ordre sur l'ensemble de la manifestation.
Malgré cela, la gendarmerie a tenu bon. Elle a démontré son expertise, sa maîtrise, dans ce contexte parfois insurrectionnel, devant des groupes organisés, équipés, armés. J'aimerais saluer l'engagement des personnels avec un mot particulier pour ceux et celles qui ont été blessés. Cette situation devait entraîner des réformes.
S'agissant des propositions, nous n'aurons pas des mots très différents de ceux tenus en 2015, même si le contexte a changé et s'est durci. Nous attachons toujours une importance particulière à la distinction claire entre autorités civile et opérationnelle, à la traçabilité des instructions et des ordres, ainsi qu'à la distinction des opérations administratives et judiciaires.
Nous ne pouvons que réitérer avec force nos alertes passées sur la situation des effectifs, la gestion du temps de travail, ainsi que sur la situation des matériels. Les choses ont évolué et continuent à évoluer, notamment avec le nouveau schéma national du maintien de l'ordre dont nous avons pu prendre connaissance. Nous y avons trouvé des mesures qui rejoignent celles que nous avons déjà formulées par le passé et auxquelles nous souscrivons totalement. D'autres nous semblent constituer néanmoins des points de vigilance, comme les équipes de liaison et d'information. Enfin, quelques mesures semblent porter davantage à débat, notamment sur l'encerclement.
De nombreux points préconisés par le Défenseur des droits sont intégrés dans le schéma national du maintien de l'ordre. Il nous paraît important de prendre en compte l'analyse et les recommandations qui ont pu être faites. Dans un État démocratique, le questionnement, la critique même parfois, par une autorité administrative indépendante doivent être perçus comme une chance. Ces recommandations doivent être néanmoins lues au travers du prisme d'une réalité parfois dure, mais le point à atteindre nous paraît légitime.