Ces dernières années, le niveau d'engagement des forces de l'ordre a impliqué de mettre à contribution des unités de sécurité publique qui n'ont pas reçu la même formation, initiale et continue, que les CRS.
Je l'ai évoqué, les grandes villes de province disposent d'unités spécialisées, à savoir des compagnies d'intervention qui effectuent le même travail que les CRS, avec l'avantage de mieux connaître le terrain. Quant aux BAC, leur mission n'est pas de rétablir l'ordre, mais d'interpeller les fauteurs de troubles ou les personnes qui ont cassé ou saccagé des biens privés et publics.
Ces unités ont des missions différentes, mais sur le terrain, elles se comprennent parfaitement, se coordonnent pour ne pas se trouver isolées dans des situations complexes. Il est donc nécessaire de développer des séquences de formation continue qui permettent d'approfondir la maîtrise des techniques et la compréhension mutuelle des actions de chacun. C'est un objectif partagé par tous, personnels, organisations syndicales, chefs de police et ministres successifs.
Toutefois, l'engagement des forces de l'ordre a été tel ces derniers mois que les policiers n'ont pas pu assister aux séances de formation continue. Nous comptons bien reprendre le rythme de ces formations, afin de maintenir un haut niveau de performance.
S'agissant de la formation initiale, les élèves reçoivent un enseignement spécifique, selon la spécialité choisie. Un élève policier souhaitant devenir CRS se verra dispenser une formation approfondie en matière de maintien de l'ordre.
Vous avez évoqué l'hypothèse de formations communes avec la gendarmerie nationale. Je travaille avec le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) en ce sens, pour développer une réflexion commune sur la mutualisation des matériels, des tactiques, des gestes techniques et des formations.
Il est vrai que les gendarmes exercent quelques années en gendarmerie mobile avant de rejoindre la gendarmerie départementale. L'esprit, dans la police nationale, est différent : un policier peut faire toute sa carrière en CRS, ce qui suppose des contraintes et de grands sacrifices sur le plan familial. Il s'agit d'un choix personnel, qui intègre les règles de mutation dans la fonction publique. Les capacités physiques, par ailleurs, doivent permettre de faire face aux missions qui nous sont confiées – mais j'ai la faiblesse de penser que l'usure ne vient pas nécessairement avec l'âge et que nous pouvons rester extrêmement motivés et engagés, même à l'approche de la retraite… Cependant, je suis partisan du renouvellement. Il est toujours bon qu'une mixité s'installe afin d'éviter que les structures ne se referment sur elles-mêmes et cessent de questionner leur mode opératoire ou leur organisation.
La judiciarisation des infractions commises lors des manifestations est très importante, non seulement pour les victimes – certaines voient leur commerce saccagé régulièrement – mais aussi pour l'image que ces débordements donnent de la police.
L'objectif assigné à l'ensemble de nos forces, sous la conduite des préfets en charge de l'ordre public, est de faire cesser immédiatement ces infractions, voire de les empêcher si elles en ont les moyens. C'est l'intérêt de disposer des brigades de recherche et d'intervention (BRI) anti-criminalité ou des brigades de répression de l'action violente motorisées (BRAV‑M), à Paris, qui peuvent se déplacer de manière très rapide.
Oui, nous disposons d'outils en matière de judiciarisation. L'enquête judiciaire n'est pas une science exacte, nous n'élucidons pas tous les faits, même en dehors des questions d'ordre public. Pour y parvenir, il est important de récolter des renseignements, de faire de l'observation pendant les manifestations, de recueillir le maximum d'éléments matériels. Si nous interpellons des individus munis d'armes par destination, et si par ailleurs ils sont connus et récidivistes, ces éléments aggravants sont très importants.
La police technique et scientifique intervient sur les scènes de pillage, par exemple, pour relever des indices. Le contexte est important, et nous devons toujours le rappeler quand des personnes sont interpelées et déférées devant la justice, même si elles ont été arrêtées pour un fait isolé. Ainsi, un individu interpelé pour avoir volé des vêtements de luxe dans une boutique vandalisée ne sera pas jugé pour vol à l'étalage. Son acte sera replacé dans le contexte de la manifestation, de la violence, des pillages et de la détermination des auteurs des faits. De surcroît, depuis la loi de 2019, un certain nombre d'infractions sont désormais caractérisées : la participation à un attroupement ou la dissimulation du visage peuvent faire l'objet de poursuites.
Madame la rapporteure, vous avez évoqué la distance qui s'est créée entre les forces de l'ordre et la population. Quand la police arrête ou sanctionne, personne ne la trouve sympathique. En revanche, quand elle lutte contre le terrorisme, un sentiment national fort se crée, et elle bénéficie du soutien de l'opinion publique.
Par ailleurs, des images filmées lors d'une manifestation peuvent être tronquées. Certains ont parfois intérêt à isoler des images du contexte, plutôt que de diffuser la scène dans son intégralité. Je citerai l'exemple récent de l'interpellation d'une aide-soignante sur l'esplanade des Invalides, jugée par certains observateurs comme un peu vigoureuse. Sans me prononcer sur la nature des faits, je soulignerai que le visionnage de l'intégralité de la scène a démontré que cette personne avait jeté des projectiles sur les forces de l'ordre.
Malgré tout ce que nous avons vécu, il me semble que les forces de l'ordre – et les sondages vont en ce sens – bénéficient encore d'une très bonne image et d'un fort soutien de la part de la population. Bien entendu, nous ne réussirons jamais à convaincre la partie de l'opinion publique qui est idéologiquement hostile à la police. Une autre partie oscille selon les circonstances, les événements et la manière dont ils sont relatés.