Intervention de Général Christian Rodriguez

Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 16h10
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale :

Le général Herrmann vous répondra au sujet de la formation des PSIG.

Après le décès de Rémi Fraisse à Sivens, nous nous sommes interrogés et avons mis en place des superviseurs des lanceurs de grenades, notamment les GLI-F4 utilisées à l'époque. Cette configuration comprend le tireur, son binôme qui lui indique où il peut tirer, s'il peut ou non tirer, et le chef qui, pour les armes les plus dangereuses, commande le tir soit après l'autorisation de l'autorité civile, soit d'initiative dans les cas prévus par la loi.

Nous avons reproduit le même schéma pour les LBD afin d'éviter tout mauvais réflexe individuel du tireur, autrement dit pour éviter qu'il utilise illégalement une arme dans des conditions contraires à son emploi et provoque des dommages. Concrètement, le tireur est accompagné de son binôme qui lui donne l'ordre de tirer, après que le chef a lui-même ordonné de tirer à tel endroit pour obtenir tel effet. Le système fonctionne correctement car il évite qu'un gendarme agisse de sa propre initiative. Être plusieurs limite l'acte insensé ou erroné. Cela figure dans le SNMO. Nous avons milité pour cela ; globalement, nous étions à peu près tous d'accord. Je considère qu'il s'agit là d'une excellente mesure.

La judiciarisation, vous avez raison, est un sujet majeur. Il ne suffit pas d'arrêter une personne : il faut présenter les éléments de preuve permettant aux magistrats de la juger et, s'il y a lieu, de la condamner. Les outils juridiques sont adaptés et la loi évolue au fur et à mesure des améliorations que l'on peut apporter.

Il nous faut réfléchir aux matériels susceptibles de fournir ces éléments de preuve. Le Président de la République et le ministre de l'Intérieur ont annoncé la généralisation de caméras-piétons l'été prochain. Les gendarmes ayant acheté beaucoup moins de caméras que la police, sans doute est-ce la raison pour laquelle ils ont moins souligné leurs défauts : l'attache posait problème, les caméras étaient d'utilisation peu pratique – il fallait taper un code – et les batteries ne leur permettaient pas de tourner suffisamment longtemps. À cela s'ajoutait la nécessité d'écrire les principes d'encadrement de l'usage des caméras. Une expérimentation a porté sur des caméras plus faciles d'emploi et d'exploitation, dotées de batteries performantes. Les marchés qui seront passés concerneront donc des matériels correspondant aux besoins ; ils apporteront des éléments de preuve qui permettront de judiciariser plus facilement les actes observés.

Vous connaissez la décision du Conseil d'État sur l'emploi des drones à Paris au cours de la crise sanitaire. Il n'en reste pas moins que les drones sont un outil indispensable car ils n'ont pas qu'une finalité judiciaire. Pour que les unités puissent manœuvrer, il faut que nous sachions ce qui se passe et où, ce qui suppose d'avoir des vues de la situation. Lors d'une manifestation, si nous voyons arriver des casseurs, nous avons intérêt à intervenir rapidement pour les empêcher d'agir. Si nous voulons protéger spécifiquement une zone et vérifier l'étanchéité du dispositif, le drone, l'hélicoptère ou des caméras fixées sur des pylônes permettent de projeter des vues en temps réel. Manœuvrer et intervenir le plus rapidement possible, pour la sécurité de tous – des commerçants, des personnes présentes, des manifestants – suppose de voir, ce qui est toujours compliqué en ville.

Ces outils sont indispensables, même si, je l'entends, cela pose des questions d'ordre juridique, auxquelles le ministère réfléchit. Ils apporteront des éléments de preuve plus aisément. La parole ne suffit pas toujours, même quand elle vient d'un agent assermenté. L'image permet de voir beaucoup de choses.

Nous avons testé les marqueurs chimiques, déjà utilisés par la police judiciaire pour établir que telle personne était présente à l'endroit et au moment où un objet a été volé. Toutefois, dans une manifestation, une personne peut avoir été marquée par l'ADN chimique sans que l'on n'ait rien à lui reprocher. En effet, participer à une manifestation n'est pas illégal, c'est une liberté fondamentale.

La gendarmerie a testé cet outil, et je n'ai pas été totalement convaincu. Utilisé seul, il ne sert à rien. Employé avec une caméra, il peut se révéler utile, par exemple lorsque l'on ne voit pas bien une personne sur une image, mais que l'on sait comment elle était habillée ce jour-là et que l'on retrouve sur elle ou ses vêtements des traces de marqueur chimique. Ce système permet de faire converger les éléments de preuve pour le magistrat mais il convient de faire attention à son utilisation et à ne pas lui faire dire plus que ce qui peut être dit.

S'agissant des carrières, rares sont nos sous-officiers qui restent dans la gendarmerie mobile. Au terme de cinq ans, en principe, ils rejoignent la gendarmerie départementale. C'est un choix qui a été fait à l'origine pour avoir des escadrons jeunes. Je n'ai pas envie de revenir sur ce choix. Quand on envoie à Mayotte des escadrons au dernier moment et qu'ils sont bousculés comme ils le sont actuellement, les éléments qui les forment doivent être en bonne santé. Des jeunes entre 22 et 27 ans n'ont pas toujours en tête de fonder une famille. Pour eux, partir 180, 200 ou 220 jours par an en déplacement n'est pas un problème. Ils se stabilisent ensuite et cela tombe bien, c'est le moment où nous les mutons dans la gendarmerie départementale. Je trouve donc que notre système est plutôt adapté ; en tout cas nous n'avons pas de remontées qui laissent penser le contraire. Et puis, les jeunes sont faits pour l'action. Je cours beaucoup moins vite aujourd'hui que lorsque j'étais lieutenant en escadron !

Les sous-officiers peuvent faire carrière dans la gendarmerie mobile jusqu'au grade de major. Ils ne sont pas majoritaires à faire ce choix. Cela dit, nous avons besoin de personnes qui ont de l'expérience et qui, dans les moments difficiles, tiennent nos troupes. L'équilibre actuel est plutôt bon.

Les passages des officiers dans la gendarmerie mobile sont plus courts : ils sont lieutenant ou capitaine pendant trois ou quatre ans. Nous allons rajeunir les responsables d'escadrons, car ceux-ci ne peuvent se composer d'une majorité de jeunes et de chefs bien plus anciens. Lorsque j'étais lieutenant, j'étais tout jeune. Cela apporte quelque chose. Les équilibres et les « mélanges » sont souvent excellents. Le système fonctionne plutôt bien.

Je laisse Christopher Herrmann s'exprimer sur la formation des PSIG.

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