Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 16h10

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • SNMO
  • gendarme
  • gendarmerie
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La réunion

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La séance est ouverte à 16 heures 10.

Présidence de M. Jean-Louis Thiériot, vice-président.

La Commission d'enquête entend le Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, accompagnée du Général Christophe Herrmann, sous-directeur de la défense, de l'ordre public et de la protection.

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Mes chers collègues, nous recevons le général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. Il est accompagné du général Christian Herrmann, sous-directeur de la défense, de l'ordre public et de la protection.

Maintenir l'ordre en ayant le monopole de la violence légale est la vocation de l'État régalien dont vous êtes, avec la police, l'un des bras armés. Il n'est pas de liberté sans ordre, et telle est votre mission.

La gendarmerie assure trois niveaux de protection, à commencer par celle de ses personnels, qui ont été – ô combien ! – durement mis à l'épreuve. Au nom de la représentation nationale, je veux vous dire notre reconnaissance pour l'engagement tant de la gendarmerie mobile que de la gendarmerie départementale dans le maintien de l'ordre. Je vous confie, en notre nom à tous, le soin de leur faire part de notre gratitude.

La gendarmerie assure également la protection des personnes et des biens qui se trouvent sur le parcours des manifestations ou des personnes prises dans des attroupements.

Elle protège enfin le droit constitutionnel de manifester en tenant compte des impératifs de sécurité qui doivent être respectés, l'un ne se concevant pas sans l'autre.

Il me revient l'honneur de présider aujourd'hui cette commission, dont je suis le vice-président. Je remplace le président Jean-Michel Fauvergue, retenu par une triple visite ministérielle dans sa circonscription.

Cette audition est ouverte à la presse et retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale.

Avant de vous céder la parole pour une brève intervention liminaire qui précédera nos échanges sous forme de questions-réponses, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(Le général Christian Rodriguez et le général Christophe Herrmann prêtent successivement serment.)

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Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

Je vous remercie, monsieur le président, pour vos propos liminaires, qui ne manqueront pas de toucher nos personnels.

Je suis très heureux d'être parmi vous. Je suis accompagné par le général Christophe Herrmann, spécialiste de ces sujets, qui pourra apporter quelques précisions en réponse à vos questions.

La gendarmerie a de nombreux sujets communs avec la police, notamment la finalité de ses missions. Je ferai le point tout d'abord sur l'engagement de la gendarmerie au service du maintien de l'ordre ; je vous livrerai ensuite quelques éléments relatifs au maintien de l'ordre et terminerai avec les sujets de formation et d'équipement, notamment de la gendarmerie mobile.

Monsieur le président, vous avez rappelé le principe du maintien de l'ordre, sur lequel je ne reviens donc pas. Je préciserai l'action de la gendarmerie mobile, qui, dans le cadre de certaines missions, va un peu au-delà de l'action des compagnies républicaines de sécurité (CRS). Elle constitue, à l'instar des CRS, une réserve générale à la disposition du Gouvernement, qui effectue, pour l'essentiel, des missions de maintien de l'ordre, d'appui aux forces territoriales, mais également des opérations extérieures sur le spectre « paix, crise, guerre ». Par le passé, nous avons engagé des escadrons en opérations extérieures aux côtés des armées. Ce sont des faits qui sont susceptibles de se reproduire ponctuellement – en tout cas, nos gendarmes sont formés pour faire face à de telles situations. Contrairement aux CRS, ils servent également outre-mer, où ils sont appelés à exercer des missions de maintien de l'ordre et de sécurisation.

Les 18 groupements de gendarmerie mobile se composent de 14 000 militaires répartis dans 109 escadrons. Ils font face à des conditions de travail souvent dégradées, loin de leur famille. Un escadron est en déplacement entre 175 et 190 jours par an en moyenne – 175 jours en 2019. Je profite de cette occasion pour leur rendre hommage. C'est un métier que j'ai assuré pendant six ans, au début de ma carrière. Le contexte n'est pas simple mais les gendarmes effectuent leur métier animés d'un engagement fort et d'une vraie volonté de servir.

Nous observons une forte dégradation du contexte sécuritaire de la mission de maintien de l'ordre. Pour ne reprendre que les dernières années, nous avons connu un engagement sans précédent de la gendarmerie mobile lors des crises qui se sont succédé, voire chevauchées. Je me limiterai à évoquer l'ouragan Irma à Saint-Martin, Notre-Dame-des-Landes, les Gilets jaunes, les manifestations contre la réforme des retraites, les violences urbaines ou la crise sanitaire.

Confrontée à des crises qui interviennent avec une fréquence et une intensité croissantes, la gendarmerie mobile n'a cessé de s'adapter. Elle a observé une évolution des modes opératoires et du profil des manifestants : des stratégies d'actions violentes ont été développées, par les black blocs notamment, et nous avons vu apparaître des profils ultra-violents, comme à Notre-Dame-des-Landes, que l'on a appelés « l'ultragauche » ou les « ultrajaunes ». Je ne fais qu'effleurer ces sujets, mais je pourrai apporter des précisions si vous le souhaitez.

La forte présence des réseaux sociaux exacerbe tout et constitue une pression supplémentaire qu'il faut gérer au quotidien.

Les conséquences sont nombreuses. Concrètement, le volume d'engagements a significativement progressé entre 2017 et 2019. La tendance est à la hausse et le nombre de jours d'engagement des escadrons a été multiplié par deux, voire trois.

Nous constatons, par ailleurs, une forte imprévisibilité de l'emploi. Nous modifions très souvent la planification ; parfois même, il ne s'agit plus de planification, le programme changeant la veille pour le lendemain.

Sur un total de 109 escadrons, 65 ont été engagés quotidiennement dans des actions opérationnelles en 2018, 69 en 2019 et 76 au premier semestre 2020, avec des pointes à 105 escadrons : cela ne s'était jamais vu. Pendant la crise des gilets jaunes, 105 ou 106 escadrons ont été mobilisés plusieurs week-ends durant, et le même niveau d'engagement a été fréquent pendant la crise sanitaire, celle-ci ne permettant ni congés ni repos.

Autre conséquence : la forte couverture médiatique des opérations de maintien de l'ordre – nous y reviendrons.

J'illustrerai l'augmentation de la violence à laquelle font face nos forces par quelques chiffres. Le nombre total d'agressions physiques contre les gendarmes a progressé de 76 % et le nombre d'agressions avec armes a doublé. Le volume de blessés parmi les gendarmes pendant cette même période a progressé de 64 %.

Nous portons un regard constant sur les événements, épluchant les retours d'expérience (RETEX) et analysant la moindre information – c'est une question de déontologie. Cela dit, si nous avons dû rectifier certains points, nous n'avons pas connu de dysfonctionnements majeurs. Ainsi, au cours de la période 2018-2020, l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) a reçu soixante-sept réclamations de particuliers qui dénonçaient un usage de la force injustifié ou disproportionné, dont vingt-trois liées aux manifestations des Gilets jaunes. Sur soixante-sept réclamations, nous avons comptabilisé seize plaintes, mais aucune mise en cause judiciaire à ce jour. Cela étant, les enquêtes sont longues et nous aurons peut-être à en connaître, mais au vu du volume de jours d'engagement et du nombre de gendarmes engagés, le nombre reste, somme toute, assez faible.

Je reviendrai sur la doctrine de l'emploi de la force si vous le souhaitez, mais ce qui est remarquable avant tout, c'est le schéma national du maintien de l'ordre (SNMO) que le ministre de l'intérieur vient d'annoncer. Nous avons été pleinement associés à ce travail rigoureux, itératif et précis engagé début 2019. Il a permis d'actualiser certains modes d'actions, certaines pratiques et d'élargir le champ à certains sujets auxquels nous n'avions pas forcément réfléchi avant, comme la relation aux journalistes ou aux manifestants. Même si ces pratiques étaient déjà à l'œuvre en de nombreux endroits, elles n'étaient, si ce n'est théorisées, du moins rassemblées dans un document qui les aurait clarifiées et qui aurait permis d'asseoir un langage commun.

Le schéma national balaye largement le champ des problématiques. Les travaux, qui ont été instructifs, ont permis de les cadrer et de gagner en performance collective, dans tous les sens du terme puisque tout le monde parle désormais le même langage.

Le SNMO affiche des augmentations d'effectifs des gendarmes mobiles et des CRS. Rappelons aussi que les matériels commencent à vieillir. Nos engins blindés sont contemporains de la Renault 12 qui, certes, était une bonne voiture mais qui est désormais une vieille voiture ! Par ailleurs, les véhicules de maintien de l'ordre ou les lanceurs d'eau de la police nationale sont à bout de souffle. L'ensemble de ces sujets sont traités dans le schéma national de maintien de l'ordre et nous obligent à avancer collectivement. C'est, là encore, une excellente chose.

Le comité de suivi, dans lequel nous siégeons, est un facteur de progrès car il nous invite à nous interroger sur de nombreux points, à réfléchir, par exemple, à des moyens moins vulnérants – je pense notamment aux grenades. Le débat est constant. Je ne reviens pas sur le calendrier des mesures ; j'imagine que vous le connaissez.

L'objectif est de donner aux gendarmes et aux policiers les moyens de garantir la sécurité et la liberté des personnes, qui ont le droit de manifester, et la sécurité des personnels, qui sont parfois confrontés à des casseurs. Les travaux du comité nous permettront d'avancer et de réfléchir à de nouveaux moyens. Tout cela nous oblige. Pour de nombreuses raisons, le SNMO est un outil très utile, qui nous faisait défaut.

Dans le cadre de leur formation initiale, officiers et sous-officiers suivent des formations sur les sujets du maintien et du rétablissement de l'ordre, quelle que soit la suite de leur carrière. Cela se traduit pour les sous-officiers par un tronc commun d'une semaine, auquel s'ajoutent 159 heures pour ceux qui s'engagent dans la gendarmerie mobile. Nos officiers reçoivent environ 114 heures de formation.

Le maintien de l'ordre pouvant rapidement donner lieu à l'usage de la force, la formation aborde également les questions de déontologie afin d'éviter un mauvais emploi de la force. Pour avoir assuré des missions de maintien de l'ordre délicates, je puis vous assurer que le référentiel se complique dès lors que la tension monte ; on a intérêt à avoir les bons réflexes. Exercer la force nécessite une maîtrise et un contrôle constants, y compris dans les situations très problématiques.

Chacun de nos personnels reçoit une formation continue individuelle, qui intervient souvent lors d'un changement de fonctions ou lorsqu'ils passent des diplômes pour monter en grade. Un gendarme qui souhaite être chef suit une formation de quatorze mois, dont deux mois à Saint-Astier, où se situe notre centre national d'entraînement, qui accueille également des gendarmes étrangers. Ceux qui changent de grade par la voie professionnelle suivent des formations à distance, puis s'entraînent deux semaines en école.

Une formation aux armes de force intermédiaire est dispensée, certaines de ces armes pouvant être utilisées dans des missions autres que le maintien de l'ordre. L'emploi de grenades ou de lanceurs de balles de défense (LBD) nécessite des séquences de formation régulières, à l'issue desquelles un certificat d'aptitude est délivré. Un gendarme qui ne l'obtient pas n'a pas le droit d'utiliser de telles armes, sous peine d'engager sa responsabilité ; tout cela est suivi de très près.

Pour la gendarmerie départementale, une formation est dispensée aux commandants de pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG), qui ne sont pas des unités de maintien de l'ordre, même s'il peut arriver, comme ce fut le cas pendant les manifestations des Gilets jaunes, qu'ils soient amenés à défendre un point ou à intervenir, faute de forces mobiles. Ils sont donc équipés et formés pour acquérir les bons réflexes, en pleine sécurité pour tous, tant des manifestants que des forces de l'ordre.

Une formation continue collective est également dispensée. En principe, tous les trois ans, nos escadrons passent deux semaines à Saint-Astier pour suivre une formation qui traite de cas pratiques et concrets. Elle est assez dure, l'entraînement est difficile pour tout le monde mais, quand les muscles brûlent, cela ressoude les équipes ! On voit également à cette occasion comment fonctionne l'encadrement de contact. Celui-ci est capital dans le cadre de l'action collective qu'est le maintien de l'ordre. Si quelqu'un a peur, l'encadrement de contact, les camarades un peu plus anciens et les chefs de proximité sont en mesure de le soutenir. Cet entraînement de quinze jours est nécessaire pour le bon fonctionnement collectif.

Avant de projeter un escadron outre-mer ou en opération extérieure, nous ajoutons un temps supplémentaire de préparation opérationnelle. De manière très décentralisée, des escadrons sont neutralisés régulièrement pour se former collectivement.

S'agissant de l'équipement, nous allons remettre à niveau les véhicules de commandement et de transmissions (VCT). J'ai expérimenté le modèle actuel lorsque j'étais commandant d'escadron il y a vingt-cinq ans ! Nous avons commencé à les renouveler, de même que nous renouvellerons le parc des Irisbus et des véhicules blindés l'année prochaine. Nous profiterons pleinement du plan de relance. La capacité de blindés, arrivés au début des années 70, est largement utilisée outre-mer. À l'origine, ils étaient destinés à percuter des barricades ; ils ont servi de nouveau dans cet esprit à Paris lors des manifestations des Gilets jaunes, l'idée étant de manœuvrer à l'abri des coups. Le changement de véhicules s'accompagnera d'un changement de doctrine car nous avons surtout intérêt à protéger. Ces véhicules permettent de manœuvrer, de se déplacer, d'interpeller dans les meilleures conditions pour les forces de sécurité, qu'il s'agisse de policiers ou de gendarmes. Si vous le souhaitez, je reviendrai sur les volumes.

De nombreux autres petits matériels sont nécessaires. Par exemple, les grenades ne peuvent être utilisées que si l'on dispose de chasubles porte-grenades. Nous faisons évoluer les équipements pour que les gendarmes manœuvrent plus aisément. Le SNMO insiste beaucoup sur la mobilité. Le principe reste toujours celui de la mise à distance, mais une grande réactivité est nécessaire ; or cela n'est possible que si l'on dispose d'un équipement confortable, pas trop lourd et pratique pour interpeller les casseurs. Le plan de relance nous permettra de doter rapidement les gendarmes de matériels leur permettant d'être performants.

La fonction de maintien de l'ordre est très encadrée par la loi et les règlements. Mon rôle est de faire en sorte que nos forces soient bien entraînées, qu'elles agissent dans le plein respect de la doctrine, et de garantir la prise des bonnes décisions.

Je salue la sortie du SNMO, qui nous permettra de nous doter de ce que nous pouvions souhaiter. C'est le quotidien du général Herrmann, c'est aussi un peu le mien en période de crise. Nous suivons cela de très près. Je suis admiratif de nos gendarmes mobiles, qui ont su s'adapter à leurs missions, compliquées et dangereuses. Les personnels que je rencontre comprennent le sens de leur action, ils sont convaincus de leur rôle et font le nécessaire pour que les choses se passent le mieux possible en cas de manifestation.

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Ma première question, très pratique, porte sur l'usage des LBD. Dans la police nationale, les tireurs sont désormais assistés d'un superviseur. La gendarmerie, de son côté, est organisée sur le principe d'un binôme dont l'efficacité est inversement proportionnelle au faible nombre de plaintes enregistrées au cours des opérations de maintien de l'ordre de la gendarmerie. Pourriez-vous nous expliquer concrètement comment fonctionnent ces binômes, que j'ai eu l'occasion de rencontrer à Saint-Astier ?

Vous avez évoqué les formations spécifiques dispensées à des unités dont la vocation première n'est pas le maintien de l'ordre – je pense aux PSIG dont la formation est performante, puisque nous n'avons pas eu à connaître d'incidents. Pourriez-vous nous en préciser le déroulement ?

Parmi vos fonctions figurent le maintien et le rétablissement de l'ordre, avec la gradation que nous connaissons, à quoi s'ajoute la judiciarisation, pour que les fauteurs de troubles soient interpellés et traduits devant la justice, car ne pas interpeller un fauteur de troubles l'incite à recommencer. Selon vous, que faudrait-il faire pour améliorer cette judiciarisation ? Disposons-nous des outils juridiques adaptés et des outils technologiques nécessaires ?

Il serait intéressant d'avoir votre regard de spécialiste sur la question des caméras. Lorsque nous l'évoquons, les policiers nous disent que l'autonomie des batteries est très faible. Je n'ai pas tout à fait entendu la même chose de la part des gendarmes. Je voudrais donc savoir si vous rencontrez des difficultés en la matière.

Quel usage peut-il être fait des drones et des marqueurs chimiques en vue d'identifier les fauteurs de troubles ? L'ensemble de ces éléments permettent-ils à la chaîne pénale, qui est la suite logique des opérations de maintien de l'ordre, de se révéler efficace ?

L'un des éléments d'efficacité qu'évoquent souvent les officiers de gendarmerie mobile avec lesquels j'échange est celui de l'importante rotation des officiers. En général, ils passent quelques années dans la gendarmerie mobile, puis partent cinq ans dans la gendarmerie départementale. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur ce déroulé de carrière, sur ses avantages et ses inconvénients ?

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Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

Le général Herrmann vous répondra au sujet de la formation des PSIG.

Après le décès de Rémi Fraisse à Sivens, nous nous sommes interrogés et avons mis en place des superviseurs des lanceurs de grenades, notamment les GLI-F4 utilisées à l'époque. Cette configuration comprend le tireur, son binôme qui lui indique où il peut tirer, s'il peut ou non tirer, et le chef qui, pour les armes les plus dangereuses, commande le tir soit après l'autorisation de l'autorité civile, soit d'initiative dans les cas prévus par la loi.

Nous avons reproduit le même schéma pour les LBD afin d'éviter tout mauvais réflexe individuel du tireur, autrement dit pour éviter qu'il utilise illégalement une arme dans des conditions contraires à son emploi et provoque des dommages. Concrètement, le tireur est accompagné de son binôme qui lui donne l'ordre de tirer, après que le chef a lui-même ordonné de tirer à tel endroit pour obtenir tel effet. Le système fonctionne correctement car il évite qu'un gendarme agisse de sa propre initiative. Être plusieurs limite l'acte insensé ou erroné. Cela figure dans le SNMO. Nous avons milité pour cela ; globalement, nous étions à peu près tous d'accord. Je considère qu'il s'agit là d'une excellente mesure.

La judiciarisation, vous avez raison, est un sujet majeur. Il ne suffit pas d'arrêter une personne : il faut présenter les éléments de preuve permettant aux magistrats de la juger et, s'il y a lieu, de la condamner. Les outils juridiques sont adaptés et la loi évolue au fur et à mesure des améliorations que l'on peut apporter.

Il nous faut réfléchir aux matériels susceptibles de fournir ces éléments de preuve. Le Président de la République et le ministre de l'Intérieur ont annoncé la généralisation de caméras-piétons l'été prochain. Les gendarmes ayant acheté beaucoup moins de caméras que la police, sans doute est-ce la raison pour laquelle ils ont moins souligné leurs défauts : l'attache posait problème, les caméras étaient d'utilisation peu pratique – il fallait taper un code – et les batteries ne leur permettaient pas de tourner suffisamment longtemps. À cela s'ajoutait la nécessité d'écrire les principes d'encadrement de l'usage des caméras. Une expérimentation a porté sur des caméras plus faciles d'emploi et d'exploitation, dotées de batteries performantes. Les marchés qui seront passés concerneront donc des matériels correspondant aux besoins ; ils apporteront des éléments de preuve qui permettront de judiciariser plus facilement les actes observés.

Vous connaissez la décision du Conseil d'État sur l'emploi des drones à Paris au cours de la crise sanitaire. Il n'en reste pas moins que les drones sont un outil indispensable car ils n'ont pas qu'une finalité judiciaire. Pour que les unités puissent manœuvrer, il faut que nous sachions ce qui se passe et où, ce qui suppose d'avoir des vues de la situation. Lors d'une manifestation, si nous voyons arriver des casseurs, nous avons intérêt à intervenir rapidement pour les empêcher d'agir. Si nous voulons protéger spécifiquement une zone et vérifier l'étanchéité du dispositif, le drone, l'hélicoptère ou des caméras fixées sur des pylônes permettent de projeter des vues en temps réel. Manœuvrer et intervenir le plus rapidement possible, pour la sécurité de tous – des commerçants, des personnes présentes, des manifestants – suppose de voir, ce qui est toujours compliqué en ville.

Ces outils sont indispensables, même si, je l'entends, cela pose des questions d'ordre juridique, auxquelles le ministère réfléchit. Ils apporteront des éléments de preuve plus aisément. La parole ne suffit pas toujours, même quand elle vient d'un agent assermenté. L'image permet de voir beaucoup de choses.

Nous avons testé les marqueurs chimiques, déjà utilisés par la police judiciaire pour établir que telle personne était présente à l'endroit et au moment où un objet a été volé. Toutefois, dans une manifestation, une personne peut avoir été marquée par l'ADN chimique sans que l'on n'ait rien à lui reprocher. En effet, participer à une manifestation n'est pas illégal, c'est une liberté fondamentale.

La gendarmerie a testé cet outil, et je n'ai pas été totalement convaincu. Utilisé seul, il ne sert à rien. Employé avec une caméra, il peut se révéler utile, par exemple lorsque l'on ne voit pas bien une personne sur une image, mais que l'on sait comment elle était habillée ce jour-là et que l'on retrouve sur elle ou ses vêtements des traces de marqueur chimique. Ce système permet de faire converger les éléments de preuve pour le magistrat mais il convient de faire attention à son utilisation et à ne pas lui faire dire plus que ce qui peut être dit.

S'agissant des carrières, rares sont nos sous-officiers qui restent dans la gendarmerie mobile. Au terme de cinq ans, en principe, ils rejoignent la gendarmerie départementale. C'est un choix qui a été fait à l'origine pour avoir des escadrons jeunes. Je n'ai pas envie de revenir sur ce choix. Quand on envoie à Mayotte des escadrons au dernier moment et qu'ils sont bousculés comme ils le sont actuellement, les éléments qui les forment doivent être en bonne santé. Des jeunes entre 22 et 27 ans n'ont pas toujours en tête de fonder une famille. Pour eux, partir 180, 200 ou 220 jours par an en déplacement n'est pas un problème. Ils se stabilisent ensuite et cela tombe bien, c'est le moment où nous les mutons dans la gendarmerie départementale. Je trouve donc que notre système est plutôt adapté ; en tout cas nous n'avons pas de remontées qui laissent penser le contraire. Et puis, les jeunes sont faits pour l'action. Je cours beaucoup moins vite aujourd'hui que lorsque j'étais lieutenant en escadron !

Les sous-officiers peuvent faire carrière dans la gendarmerie mobile jusqu'au grade de major. Ils ne sont pas majoritaires à faire ce choix. Cela dit, nous avons besoin de personnes qui ont de l'expérience et qui, dans les moments difficiles, tiennent nos troupes. L'équilibre actuel est plutôt bon.

Les passages des officiers dans la gendarmerie mobile sont plus courts : ils sont lieutenant ou capitaine pendant trois ou quatre ans. Nous allons rajeunir les responsables d'escadrons, car ceux-ci ne peuvent se composer d'une majorité de jeunes et de chefs bien plus anciens. Lorsque j'étais lieutenant, j'étais tout jeune. Cela apporte quelque chose. Les équilibres et les « mélanges » sont souvent excellents. Le système fonctionne plutôt bien.

Je laisse Christopher Herrmann s'exprimer sur la formation des PSIG.

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Général Christophe Herrmann

S'agissant des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie, un RETEX a été effectué pendant la crise des Gilets jaunes. Dès 2019, nous avons mis en place une formation des unités dont l'objet n'est pas d'assurer le maintien de l'ordre. Les PSIG ont, en effet, vocation à interpeller, à effectuer des interventions au profit d'une compagnie de gendarmerie départementale et à lutter contre la délinquance au quotidien en utilisant des modes d'action assez dynamiques.

Il a été fait le choix de former les commandants de PSIG et leurs adjoints au maintien de l'ordre dans le cadre de stages qui se déroulent au centre national d'entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier. Nous nous sommes aperçus qu'en l'absence de forces spécialisées, telles que les CRS ou les escadrons de gendarmes mobiles, il fallait disposer d'un échelon territorial immédiatement apte à agir. Par exemple, lorsqu'une préfecture est attaquée ou lorsque l'on s'en prend à un symbole de l'État, il faut avoir la capacité d'intervenir immédiatement. L'enseignement porte plutôt sur des modes d'action défensifs. On ne demandera pas à ces unités de faire de la tactique, comme c'est la vocation des commandements d'escadrons. On leur rappelle le cadre légal spécifique au maintien de l'ordre, différent de celui qu'ils pratiquent habituellement, on leur enseigne des schémas de tactiques simples pour savoir s'articuler, défendre un point, effectuer un bond offensif. Ces différentes techniques nécessitent de la cohésion et du collectif. On leur rappelle les savoir-faire de base du maintien de l'ordre afin qu'ils puissent, le cas échéant, agir dans l'urgence.

Nous avons formé plus de 800 commandants de PSIG et adjoints au 1er septembre 2020.

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Général Christophe Herrmann

Oui.

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Général, je vous remercie des précisions que vous nous avez apportées concernant la vie quotidienne de nos forces de l'ordre. Nous sommes conscients qu'il s'agit d'un métier difficile et qu'entre le terrorisme, les catastrophes naturelles, les manifestations, elles ont été soumises à rude épreuve ces dernières années.

Les éléments qui ont motivé l'ouverture de cette commission d'enquête tiennent dans la perception d'une altération très nette du lien de confiance entre nos forces de l'ordre et une partie de la population, notamment les plus jeunes. C'est ce que nous voulons analyser au travers des réflexions que nous menons ici.

Assiste-t-on à une adaptation de la doctrine de l'emploi de la force par les gendarmes ? Le schéma national du maintien de l'ordre est-il la traduction d'une évolution de la conception du maintien de l'ordre ?

Les techniques d'étranglement et de plaquage ventral sont souvent évoquées. Il a été indiqué que la gendarmerie ne les pratiquait plus. Dans l'affaire Adama Traoré, par exemple, on a parlé d'une asphyxie induite par un plaquage ventral. Ces pratiques existent-elles sans être encouragées ou ne sont-elles plus du tout utilisées ?

La tension existant entre nos forces et une partie de la population, notamment de la jeunesse, peut-elle provenir de la question récurrente des contrôles d'identité ? Comment ces contrôles sont-ils réalisés et, à défaut de récépissé, les caméras-piétons peuvent-elles être une réponse aux contrôles inappropriés ?

Le précédent Défenseur des droits avait dénoncé des pratiques comme les contrôles délocalisés ou la technique de l'encagement. Pensez-vous qu'il soit possible de faire autrement que de recourir à ces techniques parfois critiquables ?

Lors de ses interventions récentes, la gendarmerie nationale a fait l'objet de mises en cause. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur les conclusions du groupe de travail qui a été constitué sur ce sujet, ainsi que sur les suites judiciaires apportées à ces quelques cas médiatisés ?

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Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

L'altération du lien entre la population et des forces de sécurité dépasse très largement le maintien de l'ordre : les relations étaient très différentes il y a vingt ou trente ans.

Sébastien Roché évoque assez régulièrement le lien entre la légitimité de l'action des forces de sécurité et le lien de confiance qui existe entre la population et les forces de l'ordre Je partage globalement son analyse et pense que nous devons engager une réflexion sur le sujet.

Pendant la crise sanitaire, 60 000 à 65 000 gendarmes tournaient ; ils ne faisaient pas grand-chose dans la mesure où le confinement a été respecté par une immense majorité des Français et que la délinquance était très faible, alors même que les gendarmes étaient très nombreux sur le terrain. Je me suis dit que la rentrée sociale pourrait être compliquée et qu'il fallait profiter du moment : les maires et les populations étaient en attente d'une présence et d'un accompagnement face à une situation qui plaçait tout le monde en situation de stress. Nous avons ainsi monté l'opération « Répondre présent ». Dans l'idée de renouer un lien de confiance, nous avons abandonné les manuels pour remplir des missions qui n'étaient ni classiques ni traditionnelles. C'est ainsi qu'en Corse, nous avons livré des médicaments à des personnes âgées habitant des villages de montagne dépourvus de pharmacie ; nous avons apporté leurs cours à des enfants qui n'avaient pas d'accès à internet, livré des pizzas aux mess des hôpitaux, accompagné des soignants dans leur résidence, auxquels les voisins refusaient l'entrée en prétendant qu'ils y apportaient le virus. Nous avons également aidé les maires en participant à de nombreuses distributions de masques. Tout le monde était en attente, en besoin. Nous étions là, nous l'avons fait et cela a été positif.

Nous avons d'ailleurs reçu une Marianne d'or au titre de cette opération, dont l'idée visait à renouer des liens dans l'ensemble des territoires. La France des ronds-points est souvent la zone de la gendarmerie. Je rejoins votre propos sur le constat d'une altération des liens. Il nous faut y travailler, et partout.

Le SNMO fait une place importante aux échanges entre les manifestants et ceux qui leur font face, et répertorie les modes d'action qui évitent de passer à une strate de violence supérieure. Désamorcer par un simple contact est souvent possible. Notre action a été une belle réussite. Vous me rétorquerez que nous verrons ce qu'il en est lors des prochaines manifestations. Certes ! Mais notre action nous permettra de progresser dans le sens que vous souhaitez.

L'affaire Adama Traoré ne relève pas du maintien de l'ordre. Une enquête judiciaire étant ouverte, je serai très factuel. Certains ont dit qu'il s'agissait d'un plaquage ventral, d'autres ont dit que ça n'en était pas un. Je ne fais que rapporter les propos des avocats.

Le plaquage ventral n'est plus utilisé. Voilà de nombreuses années que les techniques d'étranglement et de plaquage ventral ont été supprimées des pratiques. Le contrôle d'une personne que l'on interpelle ne relève pas vraiment du maintien de l'ordre, mais il peut arriver que l'on soit confronté à ce cas de figure. Nous travaillons essentiellement sur les articulations, les clés de bras et les clés de jambes. Une personne qui souffre cesse de résister. Une articulation n'est pas un point vital et de telles techniques ne produisent pas de dégâts.

Ces techniques, auxquelles nous formons tous nos personnels, sont empruntées à des sports de combat et sont bien adaptées. Pour être très précis, les seuls agents susceptibles de pratiquer l'étranglement appartiennent au groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), par exemple lorsque l'on veut faire sortir de son véhicule une personne qui cherche à s'enfuir. Ces agents sont très entraînés et il n'y a jamais eu le moindre incident lié aux techniques employées. Les autres gendarmes ne pratiquent pas ces techniques. D'ailleurs, concrètement, ils n'en ont pas besoin. Avant même que j'occupe mon poste, il était considéré que, mal appliquées, certaines techniques pouvaient se révéler dangereuses. Notre rôle consiste à trouver celles qui évitent toute prise de risque, et celles que nous avons trouvées sont plutôt efficientes.

J'en viens maintenant à votre question sur les tensions entre les forces et les jeunes lors de contrôles d'identité. Tous les contrôles d'identité sont tracés : nous savons avec une précision extrême qui a contrôlé qui, à quelle heure et où. Les appareils avec lesquels nous effectuons les contrôles tracent tout. Je n'utilise pas pour autant ces données car je n'en ai pas le droit, mais si une personne se plaint d'un contrôle abusif, nous savons retracer, dans le cadre d'une enquête administrative ou judiciaire, les différents moments du contrôle.

Étant un technicien, je pense qu'instaurer des récépissés générerait une usine à gaz qui serait compliquée à gérer sur le terrain. Tous les abus doivent être combattus, et la caméra-piéton permettra d'en éviter. Dans la mesure où la caméra-piéton sera généralisée rapidement, je pense que le débat devrait être rapidement derrière nous.

Je vous propose d'interroger M. le préfet de police sur les contrôles délocalisés.

S'agissant des mises en cause des gendarmes, le groupe de travail auquel vous faites référence est-il celui que la police a organisé sur les techniques d'intervention ?

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Il semble qu'un groupe de travail réfléchisse à ces questions. Nous souhaiterions en savoir davantage.

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Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

Oui, il porte sur les techniques de l'interpellation, mais nous ne participons pas à ses travaux. Une première réflexion commune aux deux forces a été engagée. Le ministre Christophe Castaner avait souhaité travailler sur les techniques que nous ne pratiquons pas. Aussi, nous ne faisons pas partie du second groupe de travail, qui est piloté par un commissaire très expérimenté ; c'est dans la main de Frédéric Veaux.

Il n'y a pas de mises en cause judiciaire. Certes, l'affaire Traoré est à l'instruction depuis longtemps mais, l'enquête étant en cours, je ne puis vous en dire plus. Comme beaucoup, j'attends que l'instruction se termine : c'est long pour tout le monde, c'est long aussi pour les trois gendarmes mis en cause et leurs familles. En avoir les conclusions sera une bonne chose.

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Les interventions de la gendarmerie en matière de maintien de l'ordre peuvent entraîner des dégâts humains. Pourriez-vous nous livrer quelques statistiques concernant les forces de gendarmerie ? Il est important pour nous de savoir combien de personnels peuvent être blessés au cours de ce type d'interventions.

Existe-t-il des statistiques sur les blessés qui seraient dus à l'action de telle ou telle force ? Si une personne perd un œil, peut-on savoir qui de la gendarmerie ou de la police était en face ? Ces éléments sont-ils connus, non pas pour dresser des comparaisons entre police et gendarmerie, mais pour en avoir une idée ?

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Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

Je ne dispose pas de statistiques, je ne suis pas certain que nous en ayons, même si cela serait intéressant. Dans le système actuel, les personnes déposent plainte.

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Je sais que des statistiques ont été publiées, non pas sur le nombre de blessés, mais sur l'engagement de vos forces : le nombre de tirs de LBD par des gendarmes mobiles, de grenades lancées, etc. Une comparaison a été faite avec la police. Je vous tends une perche, mon général !

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On vous tend des perches, mon général, mais vous n'êtes pas obligé de les saisir !

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Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

Je vous livre en premier lieu le nombre des blessés que nous avons comptabilisés, uniquement dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre : 361 personnes ont été blessées en 2018 et 196 en 2019.

Les chiffres qui couvrent la période des Gilets jaunes, grosso modo la fin de 2018 et l'année 2019, sont les suivants : nous avons effectué 990 tirs de LBD 40 et utilisé 320 grenades de désencerclement – celles qui viennent d'être échangées contre une version moins agressive à l'occasion du SNMO –, 28 353 grenades lacrymogènes, 788 grenades GLI-F4 ou GM2L – celles qui ont remplacé les F4, sans explosif.

Sur la même période, l'IGGN a reçu vingt-huit plaintes ; nous n'enregistrons, à ce stade, aucune mise en cause pénale. Cela dit, toutes les enquêtes ne sont pas terminées. En tout état de cause, nous en comptabiliserons moins de vingt-huit.

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Il conviendra de mettre ces chiffres en regard de ceux de la police, sans quoi cela n'aurait pas de sens. Connaissant ces derniers, nous savons que la gendarmerie se situe bien en deçà de ceux de la police, tant pour les tirs de LBD 40 que pour l'usage des autres armes intermédiaires.

Je reviens à un cas emblématique dont la presse continue de se faire l'écho : l'opération du maintien de l'ordre à Nice lorsque Mme Geneviève Legay a été percutée par des policiers. C'est l'une des opérations les mieux documentées à ce jour, du moins pour le public que nous sommes. Le rapport de gendarmerie interne fait valoir que, ce jour-là, les conditions d'engagement n'étaient pas réunies. La proportionnalité n'était pas assurée.

Quel bilan tirez-vous de ces opérations de l'ordre conjointes police-gendarmerie ? La coopération est-elle si efficace ? Les RETEX, dont il est beaucoup question dans le schéma national de maintien de l'ordre, sont-ils communs ? On peut s'étonner que cela n'ait pas été fait jusqu'à présent.

Dans le cadre de ces opérations conjointes, on constate qu'il existe des marges de progression substantielles. Dans des opérations de maintien de l'ordre, la gendarmerie arrive à obtenir un résultat au moins similaire à celui de la police, sans pour autant engager les mêmes moyens, ce qui peut conduire à s'interroger.

Que pensez-vous du rapport rendu par deux militaires de l'armée de terre sur les questions de maintien de l'ordre ? Ils ont mis en avant les techniques de désescalade utilisées par l'armée de terre en opérations extérieures (OPEX) dans le cadre d'opérations de maintien de l'ordre.

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Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

Pour ce qui est des opérations conjointes, les escadrons sont engagés à 80 % en zone police et sont donc placés sous une autorité civile, le préfet ou un représentant du préfet qui, souvent, est un commissaire de police. L'opération est conjointe si l'on peut dire, car l'autorité civile est le commissaire de police et le commandant d'escadron le commandant de la force publique. Le SNMO prévoit expressément le rôle de chacun ainsi que ses limites. Que l'opération soit conjointe est une excellente chose, car il est toujours préférable d'être deux.

Ma réponse à votre question est donc celle-ci : le SNMO clarifie pleinement la situation – il a d'ailleurs été conçu dans ce but – et apporte le recul nécessaire pour éviter que des opérations ne se terminent pas comme elles le devraient.

Le schéma national de maintien de l'ordre prévoit que les commandants des forces sont associés au montage de la manœuvre, à la façon dont les opérations sont conçues par le préfet, responsable de l'ordre public. Il s'agit là d'une avancée importante car cela permet de se poser les questions en amont.

Les retours d'expérience communs étaient déjà plus ou moins pratiqués. Après analyse de nos RETEX, il arrive que nous partagions certaines problématiques lorsque nous estimons qu'elles peuvent profiter à d'autres. Le SNMO a vraiment permis de clarifier les procédures en rassemblant et en faisant converger des dispositions éparses.

Je n'ai pas lu le rapport des officiers de l'armée de terre que vous évoquez. Quoi qu'il en soit, nous essayons de pratiquer la désescalade au quotidien, même et surtout lors de petites manifestations, par exemple en associant les manifestants et en maintenant un contact constant avec eux. Il nous est arrivé de dire à des manifestants : « Nous vous laissons faire devant les caméras dès lors que personne ne tape personne, et tout se passera bien. » Cela se produit tous les jours. La désescalade est un principe fort, qui sert l'intérêt de tous, et le SNMO y contribue.

Il en va un peu différemment du maintien de l'ordre en OPEX. J'ai le souvenir de vieux débats que nous avions en pleine crise, lors d'opérations de maintien de l'ordre en ex-Yougoslavie. Toutefois, certains principes, et notamment celui-là, restent valables. Je récupérerai ce rapport auprès de mon camarade, le chef de l'armée de terre, et nous en reparlerons lorsque nous nous recroiserons.

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Soixante-sept réclamations, seize plaintes, dont aucune n'a abouti : cela paraît très peu. Comment expliquez-vous une telle différence avec vos collègues policiers ?

Je fais mienne la réflexion du ministre de l'Intérieur qui parle d'ensauvagement de la société. J'en profite pour avoir une pensée pour Mélanie Lemée, votre sœur d'arme, de vingt-cinq ans, brillante judoka, qui a été assassinée.

Quel retour avez-vous du terrain ? Désormais, tout est filmé en permanence et circule rapidement. Nous avons vu des images terribles sur la police – pas forcément sur la gendarmerie. Avez-vous constaté que vos hommes étaient plus inquiets ? Ressentez-vous cet ensauvagement ?

Nous sommes législateurs. Que vous manque-t-il dans la loi pour rendre la gendarmerie plus humaine et plus efficace, même si elle l'est déjà ? Une législation spécifique, un cadre juridique plus sécurisant permettraient-ils d'améliorer la situation ?

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Gorge Pau-Langevin, rapporteure

Je préférerais que l'on ne parle pas trop d'ensauvagement. J'apprécie peu le terme.

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Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

Il est assez compliqué de vous répondre sur la différence constatée entre les volumes de plaintes, et je ne voudrais pas tirer de conclusions hâtives. Ces plaintes sont souvent déposées contre des unités qui ne sont pas spécialisées dans le maintien de l'ordre. En effet, il est parfois nécessaire de mobiliser beaucoup de monde pour ne pas être débordé. Certaines forces mobiles ayant été dissoutes il y a quelque temps, nous avons eu recours à des unités non spécialisées, comme les PSIG. Or le maintien de l'ordre est un métier ; c'est pourquoi peu de plaintes ont été enregistrées contre les CRS, dont c'est la spécialité.

Je reviens, à cet égard, sur l'importance de la hiérarchie intermédiaire, la hiérarchie de contact. Pour éviter qu'un gendarme ne commette une erreur, il faut détecter le risque et qu'une solidarité forte s'organise autour de lui. C'est possible grâce aux anciens et à la solidarité de contact. Pour une personne qui n'a pas l'habitude de faire du maintien de l'ordre, la situation est toujours plus difficile à gérer. Ensuite, il faut comprendre dans le détail ce qui s'est passé et en analyser les raisons. Le SNMO traite des unités non spécialisées et des conditions dans lesquelles elles peuvent être engagées : cela permettra d'améliorer le dispositif.

En ce qui concerne les remontées du terrain, sans revenir sur la terminologie, la violence progresse considérablement. Lors des manifestations des Gilets jaunes, j'ai même eu le sentiment que nous étions face à une forme de défiance par rapport au droit et à ceux qui le représentent. Pour vous donner un exemple, un samedi, je me suis rendu en voiture au centre interministériel de crise, place Beauvau. Un homme en scooter, avec sa fille assise à l'arrière, a grillé un feu rouge mais n'a pas osé griller le suivant. Je l'ai rejoint et lui ai demandé si le feu précédent ne l'avait pas dérangé outre mesure. Alors que j'étais en tenue, dans une voiture de gendarmerie, il m'a répondu qu'il était pressé ! C'est un motif, certes, mais je suis persuadé que cet homme, qui était de ma génération, ne m'aurait pas répondu cela il y a cinq ans. Il aurait été désolé et aurait sans doute reconnu qu'il n'aurait pas dû griller le feu.

Sans vouloir faire de la sociologie de comptoir, je trouve que le rapport au droit devient compliqué ; les gendarmes le constatent. Cela rejoint la question posée par Mme la rapporteure sur la relation entre la population et les forces de sécurité. J'en tire la conclusion que nous devons travailler davantage sur cette relation pour regagner une légitimité qui ne résoudra pas tout, certes, mais qui permettra d'apporter quelques solutions.

Pendant la crise, des gendarmes ont dégagé des ronds-points en allant boire le café avec les Gilets jaunes. Certains ont dit qu'ils « pactisaient ». Non, en fait, ils l'ont fait « à la gendarme », c'est-à-dire qu'ils se sont rendus sur le rond-point, ont bu un café et, une demi-heure après, le rond-point était dégagé, parce qu'une relation de confiance s'était établie et que les Gilets jaunes ont reconnu une légitimité à l'action des forces de l'ordre. Bien sûr, un tel mode d'action n'obtient pas toujours des résultats, mais cela arrive parfois. En tout cas, l'idée est de continuer à travailler en ce sens, d'autant que la relation est plus compliquée aujourd'hui qu'elle ne l'était hier : il ne faudrait pas qu'elle le devienne plus encore demain.

S'agissant des conditions d'intervention, tout le monde filme, mais la loi ne permet pas à la gendarmerie de filmer aussi librement. Il suffit de penser, par exemple, à l'utilisation des drones au cours de la crise sanitaire. Si nous pouvions filmer, nous pourrions aussi nous défendre. Des gendarmes voient des personnes les filmer dans la rue, la vidéo est immédiatement mise sur les réseaux sociaux. Parfois même des noms de gendarmes, que l'on traite d'assassins, circulent sur les réseaux sociaux. L'asymétrie est sans commune mesure. Il serait bon que nous puissions filmer plus librement que ce n'est le cas. Cela nous permettrait d'expliquer que ce que certains montrent est faux, de verser des éléments au débat quand le fait est judiciarisé. Ce ne serait pas inintéressant. Le week-end dernier, a été diffusée une vidéo d'une rave party que les gendarmes dispersaient. Il était dit que les gendarmes étaient violents. Mais sur la vidéo, on voyait des gendarmes à qui on lançait des objets à la figure. Serait-il aberrant que nous diffusions des images comme celles-là ?

Il me semble important de rectifier cette asymétrie. C'est dans l'idée du ministre quand il évoque les drones dans le SNMO. Les dispositions que le ministre souhaite adopter concernant le floutage peuvent constituer une garantie supplémentaire pour nos personnels. Néanmoins, il serait souhaitable que nous puissions filmer car chacun sait que l'on peut faire dire ce que l'on veut à une image en choisissant le bon extrait du film !

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Merci, mon général. Comme je le disais au directeur général de la police nationale, l'image est une arme comme les autres, dont nous devons tenir compte dans nos schémas tactiques.

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Avant de poser ma question, je tenais à vous redire toute l'admiration et la reconnaissance que j'ai pour la belle et grande famille qu'est la gendarmerie nationale. Merci !

Vous nous avez parlé du schéma national du maintien de l'ordre. Vous en aviez rêvé, nous en avions rêvé pour vous : il est enfin question d'augmenter les effectifs et de renouveler les matériels par des véhicules neufs. Ma courte question porte sur les véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG) : rétrofitage ou blindés neufs et rutilants ?

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Mon général, je vous assure que nous ne nous sommes pas coordonnés !

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Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

Je pense pourtant que la même question vous brûlait les lèvres, monsieur le président !

Nous avons obtenu que, dans le cadre du plan de relance, soit posée la question des engins blindés : VBRG ou successeur du VBRG. Nous préférerions avoir du neuf mais, si ce n'est pas possible, nous nous tournerons vers un plan B, alliant engins neufs et engins rétrofités. Nous avons testé ces derniers : ce n'est pas idéal, même si ce n'est pas aussi catastrophique qu'ont pu le dire certains de mes officiers. Le sujet se posera essentiellement en termes budgétaires.

Outre-mer, nous utilisons des véhicules de l'avant blindés (VAB). La mission n'est pas tout à fait la même et les conditions plus contraignantes. L'armée de terre nous donnera une vingtaine de véhicules au cours des prochaines années. Nous pourrions donc rétrofiter ces VAB et les envoyer outre-mer pour assurer des missions classiques – leur blindage est suffisant pour cela – et prévoir des véhicules neufs en métropole pour les opérations de maintien de l'ordre stricto sensu. Puis, lorsque les VAB rendront l'âme, nous pourrons envoyer les nouveaux VBRG en outre-mer. Mais si nous pouvons disposer uniquement de véhicules neufs, je signe des deux mains, madame la députée !

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Général, je tenais également à adresser toute ma reconnaissance à la gendarmerie nationale. Je suis colonelle de la réserve citoyenne de défense et de sécurité ; je tenais à le rappeler.

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Vous avez évoqué la forte dégradation du contexte sécuritaire et le changement de profil des manifestants. Votre travail, il est vrai, a considérablement évolué. Ma question sera hautement philosophique : pourquoi, selon vous, notre société a-t-elle subi de tels bouleversements ? Pourquoi a-t-elle à ce point changé ?

Il a été question de gendarmes qui ont été photographiés et poursuivis. Certains députés qui prennent part au débat pour soutenir la police et la gendarmerie sont eux-mêmes poursuivis, menacés et violentés. Que pensez-vous d'une telle situation ? Depuis quand s'est-elle dégradée ?

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Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

Le phénomène de dégradation est sans doute plus sociétal qu'autre chose. J'observe toutefois combien les réseaux sociaux rendent les choses plus compliquées. Il est devenu très facile d'avoir la voix qui porte, que l'on ait ou non quelque chose à dire. Ce que je pouvais lire sur Twitter pendant la crise sanitaire était affolant et ne cessait d'empirer. C'est un avis personnel, mais je pense que les gens ont de plus en plus envie de se voir et de se mettre en scène. Les télés 24 heures sur 24 et les réseaux sociaux donnent un écho à quasiment tout le monde, et nous en souffrons tous.

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Cela ne devrait-il pas passer par l'éducation ?

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Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

Je ne sais si je suis le mieux placé pour répondre mais je suis persuadé que cela passera par l'éducation. Toutefois, cela dépasse largement mon champ de compétences.

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Ugo Bernalicis m'avait demandé de lui accorder la parole pour une dernière question. Assurant la police de la commission, je le fais bien volontiers – ce qui prouve bien à quel point nous sommes libéraux dans cette maison !

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Je souhaiterais une petite précision. En fait, les deux gendarmes dont je parlais se sont inspirés des opérations extérieures de l'armée de terre dans leurs travaux. J'ai retrouvé l'article : il s'agissait du général Jean-Régis Véchambre et du colonel Michael Di Meo. Leurs travaux portaient essentiellement sur la désescalade.

Ma question sera technique et centrée sur le maintien de l'ordre. Certes, des éléments épars ont été regroupés dans un seul et même document, ce qui est utile en termes de lisibilité, mais on ne constate aucune évolution majeure dans l'architecture. On relève également une contradiction majeure dans le SNMO entre désescalade, mise en avant de nouvelles unités, type BRAV‑M à Paris, et techniques d'intervention. Pourtant, les apports récents en psychologie des foules montrent combien l'interpellation frontale pour aller chercher un individu lors d'une manifestation provoque une radicalisation des personnes qui sont autour et qui ne comprennent pas ce qui se passe. Se créent aussitôt deux camps : celui de ceux qui interviennent dans la manifestation – les policiers ou les gendarmes – et celui des manifestants qui, à l'origine, n'est pas un camp homogène, notamment quant à son appréciation de la police et de la gendarmerie.

Pourquoi cette réflexion n'aboutit-elle pas ? C'est une problématique majeure et centrale dans la gestion des manifestations et l'interpellation de personnes qui, a priori, auraient commis des délits. Pourquoi ne pas aller plus loin ?

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Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

Le SNMO ne se limite pas à rassembler des éléments épars. Cela va au-delà, et je ne suis pas tout à fait d'accord sur la contradiction que vous relevez. Lorsque nous intervenons au milieu d'une manifestation, globalement, les personnes autour prennent plutôt fait et cause pour ceux qui sont interpellés. Mais comment voulez-vous interpeller des black blocs en train de casser ou de voler si vous n'allez pas rapidement au contact ?

C'est en ce sens que le SNMO prévoit de la mobilité. La désescalade est ce qui devrait se passer ; malheureusement, nous ne nous trouvons pas uniquement face à des manifestants. Certaines personnes viennent pour casser, voire uniquement pour piller, comme lors des premières manifestations de Gilets jaunes. Accessoirement, ces personnes n'avaient pas pour habitude de piller. Une jeune femme a ainsi pris un superbe sac à main au prétexte que c'était « libre d'accès » !

Ces sujets ont donné lieu à une réflexion. Cela ne doit pas étouffer toute réflexion à venir mais, concrètement, je crois beaucoup à la mobilité. Le préfet de police vous le dira sans doute mieux que moi : il faut être mobile pour pouvoir empêcher les casseurs d'agir. Si vous laissez faire, par effet d'entraînement, tout le monde cassera, et c'en sera fini de la désescalade !

Les casseurs que nous avons interpellés étaient souvent de véritables manifestants, entraînés par d'autres personnes qui n'étaient là que pour les entraîner, au nom de la résistance à l'ordre établi. Dans le cadre d'une manifestation, il faut arriver à mettre fin à leur action le plus vite possible. Cela passe par une grande mobilité des forces. Nous aurons l'occasion d'en reparler mais, à mon avis, c'est un véritable besoin.

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Mon général, nous vous remercions pour vos réponses à toutes ces questions. Nous avons même laissé la France insoumise en poser deux ! Vous ne pourrez pas dire que cette commission n'est pas le haut lieu du pluralisme.

Mon général, j'en profite pour dire à quel point vos unités ont été formidables dans nos territoires pendant cette crise. La compagnie de gendarmerie de ma circonscription a livré des masques et est allée chercher des tissus pour une usine qui en fabriquait. C'est l'occasion de leur adresser un grand merci, que vous leur transmettrez.

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Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

Merci à vous de tous vos mots aimables à l'adresse des gendarmes, que je leur transmettrai fidèlement.

La séance est levée à 17 heures 35.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Xavier Batut, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Ugo Bernalicis, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jérôme Lambert, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme George Pau-Langevin, M. François Pupponi, M. Bruno Questel, M. Jean-Louis Thiériot

Excusés. - M. Florent Boudié, M. Jean-Michel Fauvergue, M. Thomas Gassilloud, M. Didier Le Gac, M. Ludovic Mendes, M. Christophe Naegelen, M. Charles de la Verpillière

Assistait également à la réunion. - M. Meyer Habib