Intervention de Général Christian Rodriguez

Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 16h10
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale :

L'altération du lien entre la population et des forces de sécurité dépasse très largement le maintien de l'ordre : les relations étaient très différentes il y a vingt ou trente ans.

Sébastien Roché évoque assez régulièrement le lien entre la légitimité de l'action des forces de sécurité et le lien de confiance qui existe entre la population et les forces de l'ordre Je partage globalement son analyse et pense que nous devons engager une réflexion sur le sujet.

Pendant la crise sanitaire, 60 000 à 65 000 gendarmes tournaient ; ils ne faisaient pas grand-chose dans la mesure où le confinement a été respecté par une immense majorité des Français et que la délinquance était très faible, alors même que les gendarmes étaient très nombreux sur le terrain. Je me suis dit que la rentrée sociale pourrait être compliquée et qu'il fallait profiter du moment : les maires et les populations étaient en attente d'une présence et d'un accompagnement face à une situation qui plaçait tout le monde en situation de stress. Nous avons ainsi monté l'opération « Répondre présent ». Dans l'idée de renouer un lien de confiance, nous avons abandonné les manuels pour remplir des missions qui n'étaient ni classiques ni traditionnelles. C'est ainsi qu'en Corse, nous avons livré des médicaments à des personnes âgées habitant des villages de montagne dépourvus de pharmacie ; nous avons apporté leurs cours à des enfants qui n'avaient pas d'accès à internet, livré des pizzas aux mess des hôpitaux, accompagné des soignants dans leur résidence, auxquels les voisins refusaient l'entrée en prétendant qu'ils y apportaient le virus. Nous avons également aidé les maires en participant à de nombreuses distributions de masques. Tout le monde était en attente, en besoin. Nous étions là, nous l'avons fait et cela a été positif.

Nous avons d'ailleurs reçu une Marianne d'or au titre de cette opération, dont l'idée visait à renouer des liens dans l'ensemble des territoires. La France des ronds-points est souvent la zone de la gendarmerie. Je rejoins votre propos sur le constat d'une altération des liens. Il nous faut y travailler, et partout.

Le SNMO fait une place importante aux échanges entre les manifestants et ceux qui leur font face, et répertorie les modes d'action qui évitent de passer à une strate de violence supérieure. Désamorcer par un simple contact est souvent possible. Notre action a été une belle réussite. Vous me rétorquerez que nous verrons ce qu'il en est lors des prochaines manifestations. Certes ! Mais notre action nous permettra de progresser dans le sens que vous souhaitez.

L'affaire Adama Traoré ne relève pas du maintien de l'ordre. Une enquête judiciaire étant ouverte, je serai très factuel. Certains ont dit qu'il s'agissait d'un plaquage ventral, d'autres ont dit que ça n'en était pas un. Je ne fais que rapporter les propos des avocats.

Le plaquage ventral n'est plus utilisé. Voilà de nombreuses années que les techniques d'étranglement et de plaquage ventral ont été supprimées des pratiques. Le contrôle d'une personne que l'on interpelle ne relève pas vraiment du maintien de l'ordre, mais il peut arriver que l'on soit confronté à ce cas de figure. Nous travaillons essentiellement sur les articulations, les clés de bras et les clés de jambes. Une personne qui souffre cesse de résister. Une articulation n'est pas un point vital et de telles techniques ne produisent pas de dégâts.

Ces techniques, auxquelles nous formons tous nos personnels, sont empruntées à des sports de combat et sont bien adaptées. Pour être très précis, les seuls agents susceptibles de pratiquer l'étranglement appartiennent au groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), par exemple lorsque l'on veut faire sortir de son véhicule une personne qui cherche à s'enfuir. Ces agents sont très entraînés et il n'y a jamais eu le moindre incident lié aux techniques employées. Les autres gendarmes ne pratiquent pas ces techniques. D'ailleurs, concrètement, ils n'en ont pas besoin. Avant même que j'occupe mon poste, il était considéré que, mal appliquées, certaines techniques pouvaient se révéler dangereuses. Notre rôle consiste à trouver celles qui évitent toute prise de risque, et celles que nous avons trouvées sont plutôt efficientes.

J'en viens maintenant à votre question sur les tensions entre les forces et les jeunes lors de contrôles d'identité. Tous les contrôles d'identité sont tracés : nous savons avec une précision extrême qui a contrôlé qui, à quelle heure et où. Les appareils avec lesquels nous effectuons les contrôles tracent tout. Je n'utilise pas pour autant ces données car je n'en ai pas le droit, mais si une personne se plaint d'un contrôle abusif, nous savons retracer, dans le cadre d'une enquête administrative ou judiciaire, les différents moments du contrôle.

Étant un technicien, je pense qu'instaurer des récépissés générerait une usine à gaz qui serait compliquée à gérer sur le terrain. Tous les abus doivent être combattus, et la caméra-piéton permettra d'en éviter. Dans la mesure où la caméra-piéton sera généralisée rapidement, je pense que le débat devrait être rapidement derrière nous.

Je vous propose d'interroger M. le préfet de police sur les contrôles délocalisés.

S'agissant des mises en cause des gendarmes, le groupe de travail auquel vous faites référence est-il celui que la police a organisé sur les techniques d'intervention ?

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