Oui, mais il s'agissait davantage d'un événement. J'entends par manifestation un rassemblement qui a une finalité revendicative. C'était peut-être le cas de la manifestation pour Charlie, mais vous m'avez compris.
Deuxième caractéristique des manifestations actuelles : elles ne sont plus encadrées – même les grandes centrales syndicales n'ont plus les services d'ordre qu'elles avaient auparavant –, si bien que leur organisation est très différente de ce qu'elle était il y a quelques années. Par exemple, autrefois, dans une manifestation syndicale, le carré de tête se trouvait, comme son nom l'indique, aux premiers rangs. Aujourd'hui, il est précédé par des gens qui viennent manifester, ou faire autre chose, de sorte qu'il se retrouve au milieu du cortège. C'est l'une des difficultés concrètes auxquelles je suis confronté, car je dois faire en sorte que ces personnes avancent – si, comme c'est le cas parfois, elles s'arrêtent ou stagnent, les organisateurs nous reprochent de bloquer la manifestation. Or, dans ces groupes de tête, nous n'avons pas d'interlocuteurs, nous ne savons pas à qui parler. C'est très compliqué.
Mieux anticiper, oui, j'aimerais bien. Hélas, je n'ai pas la capacité juridique d'effectuer des interpellations préventives – peut-être ce point peut-il faire l'objet de vos réflexions. Prenons, par exemple, le phénomène des black blocs : nous savons bien qu'une manifestation donnée va attirer des personnes ayant ce genre de comportement. Aujourd'hui, ce n'est pas le nombre qui compte, c'est la capacité de détruire. Rappelez-vous, il y a quelques années, les organisateurs affichaient le nombre des participants à leur manifestation : plusieurs centaines de milliers de personnes ! À ce propos, ce qui s'est passé ces derniers temps est assez amusant. Un organisme indépendant composé de journalistes a été créé pour compter les manifestants, mais il en comptait moins que nous ! Du coup, il a arrêté. De fait, ce n'est pas le nombre qui compte.