Intervention de Louis-Mathieu Gaspari

Réunion du mercredi 7 octobre 2020 à 15h15
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Louis-Mathieu Gaspari, général de brigade, secrétaire général du conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG) :

Votre invitation traduit l'intérêt que vous portez au modèle de concertation et de dialogue social que la Gendarmerie – force armée selon la loi du 3 août 2009 – fait vivre dans ses rangs depuis trente ans, dans le respect de son statut militaire et de ses valeurs.

Notre groupe de liaison est composé de onze officiers et sous-officiers de gendarmerie élus au sein de notre instance nationale de concertation, le conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG). Il porte donc la voix des 100 000 gendarmes qui l'ont élu.

Ces onze gendarmes servent tous dans des unités opérationnelles, et sont donc quotidiennement confrontés à la réalité du terrain. Ils répondent régulièrement aux sollicitations des plus hautes autorités de l'État lorsqu'elles souhaitent connaître l'avis du corps social de la gendarmerie sur les conditions de vie, l'organisation du travail ou l'exercice du métier militaire. Ils se sont récemment prêtés à cet exercice avec l'inspection générale de l'administration au sujet de l'équipement des forces de sécurité intérieure en caméras individuelles. Au mois de juillet, ils ont également répondu aux questions de la Cour des comptes sur le bilan du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur. La semaine dernière, ils ont été auditionnés par la mission d'information de l'Assemblée nationale relative à la mise en œuvre du dispositif d'amende forfaitaire délictuelle pour usage de produits stupéfiants. Enfin, le 21 septembre, ils ont échangé avec le ministre de l'Intérieur.

Dans la gendarmerie nationale, les missions de maintien de l'ordre, en métropole et dans les outre-mer, sont accomplies par la gendarmerie mobile. Forte de 14 000 militaires répartis au sein de cent neuf escadrons, la gendarmerie mobile agit sur la totalité du spectre « paix, crise, guerre ». Nos escadrons sont engagés aux côtés des militaires relevant du ministère des armées sur les théâtres d'opérations extérieures, comme ce fut le cas en Afghanistan, au Kosovo ou en Côte d'Ivoire. La robustesse et la rusticité de nos escadrons leur permettent d'être engagés dans les outre-mer, notamment dans les missions de lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane.

Depuis 2017, la gendarmerie mobile est confrontée à un engagement sans précédent : ouragan Irma, « zone à défendre » de Notre-Dame-des-Landes, manifestations des Gilets jaunes, mouvements sociaux survenus lors de la réforme des retraites, et lutte contre la covid-19. La gendarmerie mobile est extrêmement sollicitée, avec un niveau d'emploi de soixante-seize escadrons par jour. Au premier semestre 2020, lors de certains pics, cent cinq des cent neuf escadrons étaient engagés sur le terrain. Les gendarmes mobiles effectuent en moyenne cent soixante-quinze jours de déplacement par an.

Votre commission d'enquête aborde les questions de déontologie. Selon M. Christian Vigouroux, référent déontologue du ministère de l'Intérieur, la déontologie est « l'art de se poser les questions avant qu'il ne soit trop tard ». Le monopole de la violence légitime par les forces de l'ordre est indissociable du respect des règles déontologiques.

Lors de la gestion du mouvement des Gilets jaunes et des manifestations liées à la réforme des retraites, peu de signalements et de plaintes pour usage injustifié ou disproportionné de la force ont été adressés à l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). Ceci s'explique par le respect de la doctrine et un usage strictement nécessaire de la force, garanti par la formation et par l'encadrement du maintien de l'ordre.

Notre formation insiste sur le respect du cadre légal, l'éthique et la déontologie, et la recherche permanente du plus bas niveau possible d'emploi de la force. La hiérarchie constitue la colonne vertébrale de nos escadrons ; elle veille en permanence à l'adaptation de leur posture vis-à-vis de l'adversaire, à la gradation des moyens, au respect du cadre légal, à la discipline de feu ainsi qu'à la bonne application des principes éthiques et déontologiques.

Les opérations de maintien de l'ordre se caractérisent aujourd'hui par la violence inouïe de certains manifestants, qui se joignent aux cortèges uniquement pour en découdre avec les forces de l'ordre et casser tout ce qu'ils peuvent. Je pense notamment aux blacks blocs ou aux images du boxeur assénant des coups à un gendarme mobile sur la passerelle Senghor, à Paris, en janvier 2019. Ces images restent gravées dans la mémoire collective des gendarmes mobiles, tant le déchaînement de violence a été extrême, comme en atteste le nombre grandissant de gendarmes blessés lors d'opération de maintien de l'ordre. Ces accès de violence contre les forces de l'ordre et les mises en cause injustifiées dont celles-ci font l'objet deviennent difficiles à supporter.

Aujourd'hui, tous les journalistes et les manifestants sortent leurs téléphones portables pour filmer les forces de l'ordre lors des manifestations. Seuls les gendarmes et les policiers ne peuvent pas filmer : l'utilisation des drones leur a été interdite, et l'usage des images des caméras-piétons dont ils seront dotés à l'été 2021 requiert un dispositif juridique adapté.

Le schéma national du maintien de l'ordre (SNMO), publié le 16 septembre dernier, fixe un nouveau cadre commun à l'exercice du maintien de l'ordre. Ce document érige en priorité la plus grande mobilité des forces pour mettre fin aux exactions et interpeller les auteurs de violences. Il renforce également la communication avec les manifestants grâce à la mise en place de dispositifs de liaison et d'information. Le SNMO reprend bien d'autres avancées déjà en vigueur au sein de la gendarmerie nationale : les exercices avec les journalistes, la police judiciaire de l'avant ou la mise en place de superviseurs auprès des lanceurs de balles de défense. Il prévoit aussi des nouveautés : les sommations sont modernisées pour devenir plus explicites. Le SNMO est donc de nature à améliorer la manière dont le maintien de l'ordre va s'effectuer à l'avenir en métropole ou dans les outre-mer.

Au début de ma carrière, j'ai eu la chance de servir au sein d'un escadron de gendarmerie mobile à Nantes. Je vous assure que la gendarmerie mobile constitue un formidable outil à la main du Gouvernement, permettant de toujours concilier la liberté de manifester et la préservation de l'ordre public. Un escadron de gendarmerie mobile est une unité parfaitement encadrée, disciplinée et formée. Avec le calme des vieilles troupes professionnelles, son usage de la force pour le maintien de l'ordre est toujours encadré et parfaitement mesuré.

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