Intervention de Céline Verzeletti

Réunion du mercredi 7 octobre 2020 à 16h30
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail (CGT) :

Je dirai quelques mots mais nous nous attacherons surtout à répondre à vos questions.

Forcément, pour nous, il existe un lien fort entre le maintien de l'ordre et la liberté de manifester puisque le maintien de l'ordre doit justement permettre cette liberté et assurer la sécurité de toutes les personnes qui sont en droit de manifester : il s'agit là d'une liberté fondamentale et d'un droit constitutionnel.

Depuis plusieurs années, nous avons interpellé différents ministres de l'Intérieur et déposé des recours sur ces questions de maintien de l'ordre et de liberté syndicale parce que nous considérons qu'aujourd'hui, et au moins depuis les lois travail, la façon dont le maintien de l'ordre est organisé ne nous permet pas de manifester en toute sécurité et liberté ; tout au contraire, elle pourrait dissuader des personnes de venir manifester. En cela, il s'agit d'une atteinte à la liberté de manifester.

Nous avons formulé différents recours, sur lesquels je pourrais revenir. À la suite d'incidents, nous avions demandé en 2016 une enquête parlementaire sur la gestion du maintien de l'ordre parce que nous pensions déjà à l'époque qu'il était urgent de réfléchir à cette question, mais nous n'avions pas obtenu de réponse positive. Je ne rappellerai pas toutes les instances, y compris internationales, qui sont intervenues sur ce sujet.

Du point de vue législatif, nous estimons que certaines lois, notamment la loi anticasseurs, ont eu un impact sur les questions de maintien de l'ordre parce qu'elles créent de nouveaux délits lors des manifestations. Ces délits donnent lieu à de nouvelles interpellations, qui se multiplient donc, causant des troubles et perturbant la sécurité des manifestants et manifestantes.

En dernier lieu, toujours sur ces questions de liberté, nous avons déposé un recours devant le Conseil d'État contre le nouveau schéma national du maintien de l'ordre (SNMO) qui a été présenté par le ministre de l'Intérieur. Ce recours sera inscrit au rôle de la séance le 16 octobre. Nous l'avons introduit avec le syndicat des journalistes de la CGT, mais également avec la Ligue des droits de l'homme (LDH) et d'autres organisations.

Ce recours porte sur plusieurs points.

Le premier a trait à la presse, comme vous l'aurez compris puisque j'ai parlé du syndicat des journalistes. En effet, dans ce nouveau schéma, le ministère de l'Intérieur ne reconnaît que les journalistes détenant une carte professionnelle, carte qui n'est pourtant pas obligatoire pour être journaliste.

Le deuxième revient sur le fait que les journalistes sont considérés comme de simples manifestants dès lors qu'un ordre de dispersion est donné. Ils sont donc obligés de se disperser comme tout citoyen et, de ce fait, ne peuvent plus couvrir sur le plan journalistique les événements qui se déroulent après que les forces de l'ordre ont demandé la dispersion. Nous considérons que cela constitue une atteinte à la liberté de la presse. C'est là un élément parmi d'autres.

Le recours porte également sur l'utilisation de certaines armes. Nous avions déjà introduit un recours estimant qu'il était urgent d'interdire l'utilisation du lanceur de balles de défense (LBD) lors des manifestations. Or, ce schéma réaffirme leur utilisation ainsi que celle des grenades de dispersion.

Nous contestons que différentes forces, autres que les forces spéciales de maintien de l'ordre, puissent intervenir lors des manifestations, car nous avons l'impression que l'un des objectifs de ces forces est d'interpeller des personnes, non d'assurer le bon déroulé de la manifestation. On sait pourtant, et les policiers eux-mêmes le disent, que les interpellations réalisées au cours des manifestations sont particulièrement dangereuses en raison des mouvements de foule. Cela suppose qu'interpeller des personnes dans un cortège oblige souvent les policiers à intervenir de façon violente et rapide parce que le contexte de l'intervention présente en soi un danger. S'il y a délit, c'est nécessaire, mais, sur des lieux de manifestation, l'objectif des policiers ne doit pas être de procéder au plus grand nombre d'interpellations possible. Nous constatons, en tout cas, que cela engendre de graves dysfonctionnements.

Je n'entre pas dans le détail de notre recours qui est assez juridique, mais ce schéma nous semble aller au-delà de ce qui peut être posé par voie réglementaire. Ces questions importantes mériteraient d'être prises en compte au niveau législatif. Nous verrons ce qu'en pensera le Conseil d'État. Il nous paraît essentiel d'apporter ces éléments pour que le législateur se penche sur les modalités qui s'appliquent actuellement au déroulé des manifestations et au maintien de l'ordre.

Ce schéma a été mis en place sans consultation des confédérations syndicales ni des organisations syndicales de la presse. Les organisations syndicales de la police ont sans doute été consultées, mais pas nous. Or nous considérons que le maintien de l'ordre est très lié aux manifestations et qu'à ce titre, cette question nous concerne particulièrement. Nous aurions donc souhaité être consultés.

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