Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Réunion du mercredi 7 octobre 2020 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 16 heures 40.

Présidence de M. Jean-Michel Fauvergue, président.

La Commission d'enquête entend à l'occasion d'une table ronde, des représentants des principales confédérations syndicales sur leur rôle dans l'organisation de manifestations :

- M. Laurent Diedrich, secrétaire confédéral de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), et M. Hugo Duval, chargé du service d'ordre régional d'Île-de-France ;

- Mme Céline Verzeletti et M. David Dugue, secrétaires confédéraux de la Confédération générale du travail (CGT) ;

- M. Jean-Marc Cicuto, conseiller confédéral de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

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Nous constatons que la représentation féminine est identique parmi les représentants des forces de l'ordre et des syndicats que nous auditionnons. (Sourires.) Plaisanterie mise à part, nous vous remercions de vous être déplacés aujourd'hui. Nous pensions qu'il importait, sur le sujet qui nous occupe, d'entendre les syndicats.

Les policiers, les gendarmes et d'autres spécialistes du maintien de l'ordre nous ont dit qu'il existait aujourd'hui deux types de manifestations : les manifestations classiques, encadrées, qui parfois dégénéraient, et des manifestations plus nouvelles, caractérisées par une violence immédiate et quasiment ininterrompue.

Dans le cadre de ces manifestations « classiques », si je puis dire, nous souhaiterions vous entendre – mais vous pourrez évoquer les sujets que vous voudrez – pour savoir notamment comment vous vous organisez lors des manifestations – service d'ordre et autres, si vous voulez bien nous le dire – et comment vous analysez vos relations avec les préfectures. Je vous soumets quelques thèmes, mais la parole est libre, bien évidemment.

Je vous propose donc de prendre rapidement et assez brièvement la parole les uns après les autres, de sorte que nous puissions ensuite vous poser quelques questions. L'audition est ouverte à la presse et retransmise sur le site de l'Assemblée nationale.

Je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(Mme Céline Verzeletti et MM. Jean‑Marc Cicuto, Laurent Diedrich et David Dugue prêtent serment.)

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Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail (CGT)

Je dirai quelques mots mais nous nous attacherons surtout à répondre à vos questions.

Forcément, pour nous, il existe un lien fort entre le maintien de l'ordre et la liberté de manifester puisque le maintien de l'ordre doit justement permettre cette liberté et assurer la sécurité de toutes les personnes qui sont en droit de manifester : il s'agit là d'une liberté fondamentale et d'un droit constitutionnel.

Depuis plusieurs années, nous avons interpellé différents ministres de l'Intérieur et déposé des recours sur ces questions de maintien de l'ordre et de liberté syndicale parce que nous considérons qu'aujourd'hui, et au moins depuis les lois travail, la façon dont le maintien de l'ordre est organisé ne nous permet pas de manifester en toute sécurité et liberté ; tout au contraire, elle pourrait dissuader des personnes de venir manifester. En cela, il s'agit d'une atteinte à la liberté de manifester.

Nous avons formulé différents recours, sur lesquels je pourrais revenir. À la suite d'incidents, nous avions demandé en 2016 une enquête parlementaire sur la gestion du maintien de l'ordre parce que nous pensions déjà à l'époque qu'il était urgent de réfléchir à cette question, mais nous n'avions pas obtenu de réponse positive. Je ne rappellerai pas toutes les instances, y compris internationales, qui sont intervenues sur ce sujet.

Du point de vue législatif, nous estimons que certaines lois, notamment la loi anticasseurs, ont eu un impact sur les questions de maintien de l'ordre parce qu'elles créent de nouveaux délits lors des manifestations. Ces délits donnent lieu à de nouvelles interpellations, qui se multiplient donc, causant des troubles et perturbant la sécurité des manifestants et manifestantes.

En dernier lieu, toujours sur ces questions de liberté, nous avons déposé un recours devant le Conseil d'État contre le nouveau schéma national du maintien de l'ordre (SNMO) qui a été présenté par le ministre de l'Intérieur. Ce recours sera inscrit au rôle de la séance le 16 octobre. Nous l'avons introduit avec le syndicat des journalistes de la CGT, mais également avec la Ligue des droits de l'homme (LDH) et d'autres organisations.

Ce recours porte sur plusieurs points.

Le premier a trait à la presse, comme vous l'aurez compris puisque j'ai parlé du syndicat des journalistes. En effet, dans ce nouveau schéma, le ministère de l'Intérieur ne reconnaît que les journalistes détenant une carte professionnelle, carte qui n'est pourtant pas obligatoire pour être journaliste.

Le deuxième revient sur le fait que les journalistes sont considérés comme de simples manifestants dès lors qu'un ordre de dispersion est donné. Ils sont donc obligés de se disperser comme tout citoyen et, de ce fait, ne peuvent plus couvrir sur le plan journalistique les événements qui se déroulent après que les forces de l'ordre ont demandé la dispersion. Nous considérons que cela constitue une atteinte à la liberté de la presse. C'est là un élément parmi d'autres.

Le recours porte également sur l'utilisation de certaines armes. Nous avions déjà introduit un recours estimant qu'il était urgent d'interdire l'utilisation du lanceur de balles de défense (LBD) lors des manifestations. Or, ce schéma réaffirme leur utilisation ainsi que celle des grenades de dispersion.

Nous contestons que différentes forces, autres que les forces spéciales de maintien de l'ordre, puissent intervenir lors des manifestations, car nous avons l'impression que l'un des objectifs de ces forces est d'interpeller des personnes, non d'assurer le bon déroulé de la manifestation. On sait pourtant, et les policiers eux-mêmes le disent, que les interpellations réalisées au cours des manifestations sont particulièrement dangereuses en raison des mouvements de foule. Cela suppose qu'interpeller des personnes dans un cortège oblige souvent les policiers à intervenir de façon violente et rapide parce que le contexte de l'intervention présente en soi un danger. S'il y a délit, c'est nécessaire, mais, sur des lieux de manifestation, l'objectif des policiers ne doit pas être de procéder au plus grand nombre d'interpellations possible. Nous constatons, en tout cas, que cela engendre de graves dysfonctionnements.

Je n'entre pas dans le détail de notre recours qui est assez juridique, mais ce schéma nous semble aller au-delà de ce qui peut être posé par voie réglementaire. Ces questions importantes mériteraient d'être prises en compte au niveau législatif. Nous verrons ce qu'en pensera le Conseil d'État. Il nous paraît essentiel d'apporter ces éléments pour que le législateur se penche sur les modalités qui s'appliquent actuellement au déroulé des manifestations et au maintien de l'ordre.

Ce schéma a été mis en place sans consultation des confédérations syndicales ni des organisations syndicales de la presse. Les organisations syndicales de la police ont sans doute été consultées, mais pas nous. Or nous considérons que le maintien de l'ordre est très lié aux manifestations et qu'à ce titre, cette question nous concerne particulièrement. Nous aurions donc souhaité être consultés.

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Jean‑Marc Cicuto, conseiller confédéral de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

Je tenais tout d'abord à vous remercier, monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés d'avoir souhaité nous entendre.

En plus d'être conseiller confédéral, je suis également secrétaire général de l'Île-de-France. Lorsque des manifestations sont prévues, nous sommes chargés de les organiser.

La problématique que nous rencontrons depuis quelques années tient dans les risques d'infiltration dans les manifestations. Chaque fois qu'une manifestation est prévue, les organisations se concertent et entretiennent des contacts réguliers. Certes, les confédérations syndicales ont une expertise en la matière, grâce aux syndicats qui en sont membres, puisque des syndicats de la police nationale, de la police municipale et de la sécurité privée nous apportent leur aide lors des manifestations que nous essayons d'encadrer. La priorité, pour nous, est de protéger nos militants. Aujourd'hui, quand nous manifestons – ce qui, je tiens à le rappeler, est un droit constitutionnel –, notre priorité est de sécuriser au maximum nos militants.

Je suppose que vous savez tous comment fonctionne une manifestation. En fait, elle est constituée d'un cortège de tête, que l'on appelle « le carré », dans lequel nos « politiques » sont protégés par nous et par tous les syndicats. Puis, viennent les manifestants que nous essayons d'encadrer avec nos services de sécurité. Notre problème à l'heure actuelle réside dans le manque de relation avec les instances gouvernementales chargées de la sécurité. Protéger les manifestants est le rôle de la police. Même si nous apportons notre contribution, la police doit sécuriser nos militants, cela reste son rôle.

Si nous devions engager une réflexion, elle porterait sur la façon de créer ce contact entre les forces de l'ordre et les syndicats, qui sont tous des syndicats républicains, afin de garantir la sécurité de nos militants pour qu'ils puissent manifester normalement, en paix. Ce manque de relation pourrait être corrigé ; s'il l'était, la sécurité des manifestants serait encore renforcée.

Mais nous pourrons en discuter plus largement si vous le souhaitez.

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Laurent Diedrich, secrétaire confédéral de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Je vais reprendre le propos de M. le président : notre délégation à cette audition n'est effectivement pas paritaire ; en revanche, nos services d'ordre le sont. La parité est respectée dans les services d'ordre de la confédération, et en région. En cela, nous pouvons étonner ; parfois même, nous faisons participer des personnes en situation de handicap pour aider les services d'ordre, en tenant compte, bien sûr, des risques liés aux manifestations.

Je reprends une partie du texte du nouveau schéma national de maintien de l'ordre : « L'exercice de la liberté d'expression et de communication, dont découle le droit d'expression collective des idées et des opinions, est une condition première de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. » Cet extrait nous convient parfaitement, et nous respectons totalement le décret-loi de 1935 ainsi que les évolutions qui s'en sont suivies sur les déclarations, les discussions et les négociations que nous pouvons avoir avec les différents services de police et de gendarmerie, en province comme à Paris, qu'ils soient de renseignement ou d'ordre public – en province auprès des mairies et des préfectures ; à Paris auprès des différents services spécialisés.

À la CFDT, l'objectif est exclusivement de porter notre argument politique et de mener notre manifestation pour nous faire entendre, en protégeant nos militants et le carré de tête, afin que cette manifestation, cette expression d'idées, puisse se dérouler sans incident.

En intersyndicale, les choses se déroulent tout à fait normalement dans le cadre des négociations que nous avons entre nous. Puis, avec les autorités publiques, l'objectif est toujours de pouvoir exprimer nos idées. Il est évident pour nous que l'on ne doit pas entrer dans un combat de rue systématiquement, comme cela a pu être le cas ces dernières années. Nous avons d'autres modes d'expression que la manifestation. En revanche, nous tenons particulièrement à cette dernière, lorsque la nécessité l'impose.

Nous déplorons, depuis quelques années, une modification du maintien de l'ordre, à Paris mais également dans les autres grandes villes. Nous avons le sentiment que les personnes qui ne déclarent pas les manifestations se mettent en dehors du cadre de la manifestation et, partant, ne sont pas protégées par les autorités de la République ni en capacité de s'autogérer.

C'est la raison pour laquelle nous avons notre service d'ordre. Les cinq confédérations, du moins les trois présentes, en ont chacune un, qui possède une maîtrise et une expertise dans ce domaine : les membres des services d'ordre reçoivent des formations internes – c'est du moins le cas de notre confédération – qui leur permettent de prévoir les dispositifs à mettre en place. Comme je le disais, il s'agit pour nous de protéger nos militants et d'assurer la progression des cortèges.

Nous avions demandé une réforme des interventions du maintien de l'ordre, notamment à Paris, parce que nous avons le sentiment que, pour répondre à l'urgence, les forces de police et de gendarmerie sont envoyées sur des missions qui ne sont pas forcément les leurs. Notre secrétaire général s'est exprimé à ce sujet. Les services d'ordre public à Paris sont renforcés par des compagnies républicaines de sécurité (CRS) et des compagnies de gendarmes mobiles habituées et formées à cette mission, mais nous avons pu constater la présence d'autres forces de police qui n'étaient pas préparées à cela, ce qui a pu entraîner, la fatigue aidant et les mouvements de protestation se répétant, des interactions violentes entre les manifestants non déclarés et les forces de police. Nous le déplorons parce que nous soutenons globalement les forces de l'ordre lorsqu'elles font leur métier normalement et assurent notre protection. En revanche, nous dénonçons les dysfonctionnements.

Nous sommes donc satisfaits que le schéma national du maintien de l'ordre ait pu être modifié. C'était une demande de notre secrétaire général. Nous y tenons. Par ailleurs, nous sommes opposés à l'usage des armes utilisées – non létales, certes mais qui peuvent blesser gravement, comme on a pu le voir. Nous préférons largement l'usage que l'on faisait des jets d'eau pour contrecarrer les cortèges plutôt que l'usage de grenades et je ne sais quelles armes utilisées, même si elles sont non létales.

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Merci de votre présence. Puisque nous travaillons sur le maintien de l'ordre, notamment sur le lien entre la population et les forces de l'ordre, votre point de vue nous est tout à fait précieux.

Vous avez évoqué le fait que le profil des personnes qui participent aux manifestations a changé. Cela ressort également de ce que nous avons lu ou entendu des forces de l'ordre. Leurs représentants nous disent que, lorsque ce sont les grandes centrales syndicales qui l'organisent, la manifestation se passe bien, alors qu'il semble que certaines manifestations plus spontanées, sans organisateur déclaré ni service d'ordre, dégénèrent.

Avez-vous une position, une idée sur la manière de faire évoluer cette situation ? Sans aller jusqu'à dire que vous pourriez former les organisateurs d'autres manifestations, il y a sans doute un savoir-faire à transmettre.

De vos propos, nous avons compris qu'il pouvait y avoir parmi les représentants syndicaux des personnes victimes de violences. Pourriez-vous éventuellement nous donner quelques exemples de ce qui a pu se passer ?

La législation a connu plusieurs évolutions récentes – ce sont en effet des sujets sur lesquels nous avons légiféré. Nous souhaiterions savoir si la situation a évolué depuis la parution de nouveaux textes visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre. Le Défenseur des droits avait, pour sa part, soulevé des interrogations concernant les contrôles d'identité préventifs et la technique de l'encagement. Cela vous dit‑il quelque chose ? Est‑il arrivé que des participants à vos manifestations soient placés dans l'incapacité de manifester ?

Vous dites que vous n'avez pas été suffisamment associés à la réflexion sur le schéma national du maintien de l'ordre. Qu'attendez-vous du recours introduit par la CGT – et non par les autres organisations, me semble-t-il ? Ce nouveau schéma prévoit d'améliorer le dialogue entre l'organisateur de la manifestation et les forces de l'ordre. Comment percevez-vous cette évolution ?

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David Dugue, secrétaire confédéral de la CGT

Merci à tous pour votre invitation.

J'irai dans le même sens que mes collègues et camarades, et permettez-moi tout d'abord de souligner que, pour la CGT, les organisations syndicales ne font rien d'autre que manifester. Elles ne sont en aucun cas présentes pour veiller au maintien de l'ordre et à la protection des biens ou des personnes, qui doivent être assurés par la police ou toute représentation de l'État. Et il serait bon que chaque acteur reste dans son rôle. Nous sommes tous d'accord sur ce point : chacun selon son rôle !

Donc, pour répondre à l'une des questions que vous posiez en introduction comme piste de réflexion, je rappelle que nous organisons des rassemblements ou des manifestations. Même si la manifestation est notre sujet aujourd'hui, le rassemblement est aussi une question importante, car les rassemblements se multiplient. Ils peuvent être spontanés, en réaction à un événement, et nos syndicats y participent dans des moments difficiles et graves, mais il n'empêche que leur organisation doit être mise en œuvre et partagée.

Nos militantes et militants veillent simplement à l'organisation d'une manifestation au préalable, sa mise en place, son cheminement entre les points de départ et d'arrivée, et la fin de la manifestation, afin que chacun puisse rentrer chez lui dans de bonnes conditions. Tout cela est encadré puisque le parcours est déposé. De plus, comme le disait Jean-Marc Cicuto, il fait l'objet d'une discussion préalable entre les syndicats organisateurs de la manifestation. Chacun part déposer un parcours en préfecture, qui est validé.

Ce parcours n'est donc pas imposé, il donne donc lieu à une discussion, à un premier échange car il est fonction de l'actualité, des travaux et de ce qui se passe dans la municipalité dans laquelle nous allons défiler. Puis, à partir de là, que ce soit en intersyndicale ou pas, notre rôle est de permettre à ceux qui nous rejoignent et participent à la manifestation de cheminer en toute liberté et sécurité, tout au long du parcours.

Plusieurs points nous posent problème car, effectivement, la situation s'est dégradée ces dernières années, plus précisément à partir des manifestations contre la « loi travail », et ce, pour différentes raisons.

D'une part, la fréquence des manifestations a été très soutenue puisque, de mémoire, ce sujet a donné lieu à seize manifestations en 2016, multipliant le nombre de rendez-vous, donc le risque que les choses se passent mal parce qu'elles étaient organisées très rapidement. Pour notre part, nous avons fait le maximum et nous avons tous consenti, à l'époque, à discuter intelligemment en amont.

D'autre part, pour répondre à votre question, ce qui manque est non pas tant le contact que l'on peut avoir à ce moment-là, que le fait d'entretenir un échange permanent, y compris pendant la manifestation. Il ne s'agit pas d'être les auxiliaires les uns des autres : une manifestation est un objet vivant et, selon les endroits par lesquels elle va cheminer, il arrive, depuis deux ou trois ans, qu'une autre population vienne s'associer aux manifestants habituels.

Ces personnes se positionnent souvent en amont de ce que nous appelons le « carré de tête », où sont rassemblés les représentants des organisations et, bien évidemment, les journalistes pour le point presse, qui va attirer du monde. Elles cheminent non seulement en amont de la manifestation, mais également derrière, ce qui pose un problème de tension. Je ne parle même pas du schéma national du maintien de l'ordre. Comme le disait Céline Verzeletti, ce sont des questions que nous avons exposées à maintes reprises. Nous avons même été reçus par le Défenseur des droits sur la question de l'utilisation du LBD. Il a rendu un rapport sur l'utilisation des moyens accordés au maintien de l'ordre. Nous avions répondu à ses questions sur la sensation d'encagement que vous évoquiez, la sensation d'être « nassés », que la manifestation est mise sous cloche, tout à la fois par des éléments perturbateurs et par une disposition des forces de l'ordre très particulière.

Je prendrai deux secondes pour expliquer cela. Premièrement, nous arrivons à identifier la représentation des forces de l'ordre – celles-ci portent un uniforme que nous identifions et, assez souvent, sont positionnées en amont – qui nous flanc-gardent, pour utiliser le mot qui me semble le plus juste puisqu'elles se positionnent sur les côtés de la manifestation et encadrent le carré de tête, qui est susceptible d'attirer les violences. Elles peuvent aussi être sur le parcours, identifiées par leur uniforme ou identifiables comme étant des forces de l'ordre. Mais, parfois, elles apparaissent aux yeux des manifestants comme un groupe constitué, étrange et anxiogène parce que l'on ne comprend pas qui elles sont mais on voit bien qu'elles sont organisées.

La question qui se pose est celle des consignes données en temps réel. Nous sommes trop souvent confrontés à une suractivité. Un mouvement se produit qui n'est pas forcément grave dans une manifestation, celle-ci peut s'arrêter brutalement puis redémarrer, un espace se crée et des véhicules en profitent pour passer. Une continuité dans l'échange permettrait de savoir qu'en tournant place de la Bastille, un décrochage a eu lieu, que la population est entrée dans la manifestation ou que des voitures sont passées. Or, nous n'avons pas le temps d'en discuter avant. Souvent, nos services d'ordre ou d'organisation assurent le virage par une chaîne humaine. Cela peut poser des problèmes parce qu'ils ne sont pas gardiens de l'ordre et n'ont pas le même effet qu'une personne en uniforme sur un citoyen parfois excédé, dans son véhicule.

Peut-être faudrait-il choisir de réfléchir au positionnement. Nous ne donnons pas de leçons, simplement des idées.

La difficulté tient à la multiplicité de la représentation de l'encadrement par les forces de l'ordre et au manque d'échanges pendant la manifestation. L'avant, nous le maîtrisons. L'après fait rarement l'objet d'un bilan partagé, ni sur les chiffres, bien évidemment, ni sur l'appréciation que l'on en a.

Vous demandiez des exemples, je citerai celui de deux 1er mai. Lors du 1er mai 2019, nous avons connu, avant même que la manifestation ne soit lancée, un moment de violence incroyable. Malgré mon grand âge, je n'ai jamais connu une violence aussi soudaine et d'une telle puissance. Elle a éclaté sur le carré de tête, qui a été disloqué avant même de se mettre en place. Il s'agissait d'attaques physiques...

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David Dugue, secrétaire confédéral de la CGT

Si je le savais, nous aurions déposé une note pour éviter que cela ne se reproduise. C'était une manifestation du 1er mai, une manifestation qui revient chaque année et qui présente un caractère différent des autres, plus familial, au sens que l'âge des participants va de 7 à 77 ans.

Donc, en 2019, c'était extrêmement ciblé. En 2018, nous en avions fait état, il y a eu des problèmes sur le pont d'Austerlitz, avec, à notre avis – c'est un avis partagé –, un manque de réactivité, y compris dans les consignes. Des éléments perturbateurs – que ne signalaient ni leur couleur ni une étiquette –, sont intervenus en amont de la manifestation et des forces de l'ordre. Mais le carré de tête, en intersyndicale, s'est retrouvé bloqué sur le pont d'Austerlitz par l'intervention des forces de l'ordre en amont et par un rideau venu s'installer à l'arrière du pont. Une population de manifestants s'est donc retrouvée bloquée sur le pont, confrontée à une violence dont vous avez sans doute vu les images puisqu'elles ont été diffusées assez largement. Elle s'est retrouvée « nassée » ! À mon sens, ce terme illustre parfaitement des conditions qui ne sont pas supportables.

De même, en 2017, allant vers la gare de Lyon, pour une raison que nous n'avons pas identifiée – peut-être un problème de maintien de l'ordre en amont –, la manifestation a été coupée et bloquée contre un mur pendant plus de trente minutes. Cela n'aide pas aux bons rapports, surtout quand le parcours a été déposé au préalable et que nous sommes clairement identifiés puisqu'un responsable de chaque organisation est joignable et présent dans la manifestation. Il est disponible pour discuter, y compris lorsqu'il se passe quelque chose qui ne nous est pas imputable.

Tels sont les quelques éléments dont je voulais faire état.

Au-delà du schéma, comme le disaient Céline Verzeletti et Laurent Diedrich, se pose plus profondément la question de la liberté de la presse, car ce schéma donne l'impression que l'on veut écarter la presse de l'événement et laisse donc sous-entendre qu'il pourrait se passer des choses qui échapperaient à la connaissance générale, à la liberté d'informer. Cela nous pose vraiment un problème puisque, pour revenir au fond du débat, la liberté de manifester, dans le respect de la République bien évidemment, est une liberté fondamentale. Si l'on supprime ou l'on amoindrit la liberté de manifester et si, au surplus, on vient entacher la liberté d'expression, on commence à avoir une doctrine qui ressemble à autre chose qu'à une doctrine.

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Jean-Marc Cicuto

Je partage bien des propos de mon collègue.

Les renseignements généraux viennent vers nous en amont pour nous dire ce qui se passe, mais, pendant la manifestation, nous n'avons plus de contact. Ce manque de relation nous place dans une incertitude pouvant engendrer des troubles. Nous arrivons malgré tout à encadrer nos militants, qui portent souvent des chasubles aux couleurs de leur syndicat. Cela nous permet de les identifier rapidement et, souvent également, de grands ballons guident les militants vers les autres manifestants de leur département, et des relations de proximité nous permettent de les repérer visuellement.

Le souci est l'écart qui existe entre le carré de tête et le reste de la manifestation : soit les personnes s'introduisent entre les deux, et cela peut alors dégénérer et se traduire par des actes de vandalisme, soit elles passent devant pour être visibles de la presse. À mon avis, leur intrusion dans la manifestation est assez préparée. Les réseaux sociaux fonctionnent à plein régime. C'est là, lorsqu'un risque potentiel d'infiltration apparaît sur les réseaux sociaux, que nous devrions être prévenus. Ces personnes n'arrivent pas encagoulées : c'est au moment de la manifestation qu'elles s'habillent, et interviennent.

Comme je vous le disais, madame la rapporteure, nous avons besoin de ce lien. Nous sommes des syndicats républicains, nous allons donc respecter la loi. Le droit de manifester est un droit constitutionnel. C'est le principe de base, et nous resterons intangibles à ce sujet. Malgré tout, nous assurons le respect de la loi et notre tâche est de travailler avec les forces de l'ordre pendant la manifestation, afin de protéger nos militants pour qu'ils puissent manifester en toute liberté et en sécurité.

Vous parliez des manifestations non déclarées, non officielles. Je ne vois pas comment nous pourrions intervenir dans de telles manifestations. Cela me semble d'autant plus compliqué que ces manifestants rejettent les organisations syndicales. Nous n'allons pas mettre nos services de sécurité à leur disposition. Je ne comprends pas comment nous pourrions les aider à manifester alors qu'ils se mettent déjà hors la loi en ne déposant pas de déclaration de manifestation. Pour ce qui nous concerne, tout est ciblé et déposé en préfecture, et il n'y a aucun problème concernant cette partie. Il me paraît donc assez complexe d'aider des personnes qui manifestent en se mettant hors-jeu d'emblée.

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Laurent Diedrich, secrétaire confédéral de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Pour revenir sur ce que vient de dire Jean-Marc Cicuto quant à la mise à l'écart des corps intermédiaires que nous représentons, elle est parfois le fait de certains gouvernants, mais également de certains séditieux qui s'attaquent à nos organisations syndicales, à nos locaux et à nos militants sur les parcours de manifestation de façon récurrente – d'où la nécessité d'entretenir, comme par le passé, ce lien de confiance avec les services de renseignement de proximité. Quelle que soit l'appellation du service en question, cela se passe plutôt bien en province puisqu'un lien direct est établi avec des fonctionnaires qui sont là depuis un certain temps et qui maîtrisent le sujet sociétal. C'est moins le cas à Paris ces dernières années, où les restructurations ont généré un certain flottement, et le lien que nous avions créé par le passé s'est doucement dissous.

C'est pourtant un lien essentiel car, de notre point de vue, ce sont les services de renseignement qui sont à même de chiffrer – que ce soient leurs chiffres ou les nôtres, peu importe – les risques et le nombre de manifestants, ce qui déterminera ensuite les forces de l'ordre nécessaires. Si le service de renseignement est défectueux, derrière, le service d'ordre sera mis à mal. Il s'agit donc de reconstruire ce lien avec ces services, comme nous le faisons à Paris avec la direction de l'ordre public et de la circulation, dont les experts nous contactent, soit en intersyndicale, soit de manière unilatérale. Nous discutons du parcours avec eux, nous l'étudions, rediscutons et, au bout d'un temps d'échange, nous parvenons à trouver une solution avec le préfet de police, pour que nos idées puissent se faire entendre. C'est là l'essentiel, me semble-t-il.

Je vais donner un exemple positif car si 80 % à 90 % de nos manifestations et rassemblements se déroulent normalement, en revanche, en tant que corps intermédiaires, parce que nous sommes constitués depuis un certain temps, nous subissons les affres des agressions des séditieux. L'exemple positif est celui du préfet de police de Paris, dont le comportement est parfois décrié, mais qui a réuni nos cinq confédérations au ministère du Travail en présence du cabinet du ministre de l'Intérieur et du directeur général de la police nationale pour évoquer l'organisation du 1er mai. Nous ne manifestons pas forcément ensemble, mais peu importe car cela s'est déjà produit et pourrait se renouveler.

À cette occasion, nous avons échangé sur les prévisions, sur les risques. Nous estimions que c'était une bonne idée de nous faire venir au ministère du Travail – c'était aussi très symbolique puisqu'il s'agissait du 1er mai – pour échanger sur ce qui pouvait arriver et réfléchir aux parcours, afin d'éviter de nous retrouver confrontés à je ne sais quelle mouvance, susceptible de perturber la manifestation. C'était une idée qui permettait d'avoir un véritable échange. Le résultat n'a malheureusement pas été à la hauteur de ce qui avait été proposé. Néanmoins, la méthode était intéressante.

Dès lors que l'on travaille en amont – ce qui est la logique, si j'en crois ce que j'ai relu sur ces doctrines – avec les services experts dans le domaine des manifestations dites sociales et que l'on bénéficie d'une réelle technicité sur le suivi de l'ensemble du parcours de la manifestation par la direction de l'ordre public à Paris ou les services de la préfecture en province, et que des informations sont échangées, l'idée est que nous puissions parvenir au bout de la manifestation. Ce n'est plus le cas depuis quelques années, car le combat de rue n'étant pas notre « truc », au bout d'un moment, nos idées étant dissoutes dans l'élan protestataire, nous finissons par nous retirer des cortèges.

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Je suis très respectueuse du droit de manifester. C'est un droit fondamental que je défends. J'ai d'ailleurs été déléguée syndicale dans le Val-d'Oise, avant d'être députée de l'Aube.

Vous réussissez à parler avec la police au début du cortège mais ensuite, disiez-vous, le dialogue est rompu. Ai-je bien compris ? Je vois des hochements de tête qui varient selon les personnes. (Sourires.) Pensez-vous ne pas être suffisamment écoutés ? Par ailleurs, avez-vous le sentiment d'être débordés et de ne plus avoir la maîtrise de vos cortèges ?

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Jean-Marc Cicuto

Je renverserai plutôt votre première question car il ne s'agit pas d'être ou non écoutés : nous souhaiterions recevoir des informations pendant la manifestation. En effet, ceux qui s'introduisent dans les manifestations le font par des voies détournées et, aujourd'hui, les services de maintien de l'ordre, de la police et des renseignements généraux, ont cette information. Si elle nous était restituée, nous pourrions agir en interne, soit en coupant la manifestation, soit en la retardant. Nous disposons de moyens qui nous permettent de le faire.

Quant à la seconde question, en cas d'infiltration, nous allons en effet nous trouver débordés. Mais, je le rappelle, nous ne sommes pas des services de sécurité. Nous sommes là pour protéger nos militants mais ce n'est pas à nous de « faire la police », si je puis dire, de la manifestation. C'est à la police qu'il revient de le faire. C'est bien toute la complexité actuelle : nous avons besoin de l'information, qui permettrait à nos propres services, internes, de gérer la situation, voire éventuellement de permettre à la police d'intervenir sur des cibles précises. Nous pouvons être vite débordés si un grand nombre de personnes s'infiltrent dans la manifestation.

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Cela me fait revenir sur un des propos de Mme Verzeletti, qui disait que la manifestation ne devait pas être un lieu d'interpellation. Pourtant, la manifestation se tient sur le territoire français, un territoire de droit. Pourquoi ne serait-elle pas un lieu d'interpellation s'il y a des débordements ou si des personnes perturbent la manifestation ? Il faut bien que la police réussisse à les canaliser. Je ne comprends donc pas cette remarque.

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Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail (CGT)

Je vais m'expliquer différemment. Je précisais qu'en cas de délit, l'interpellation était nécessaire. En revanche, et pour le dire clairement, nous avons constaté depuis quelques années que des forces de police qui ne sont pas formées au maintien de l'ordre intervenaient lors des manifestations. Ce n'était pas le cas avant 2016 puisqu'à l'époque, des forces spécifiquement formées comme les gardes mobiles ou les CRS assuraient seules le maintien de l'ordre, notamment dans les manifestations. Aujourd'hui, cela a été dit, d'autres forces de police interviennent, qui sont plutôt formées à l'interpellation dans certains quartiers, en zone urbaine. Ces nouvelles forces de l'ordre étaient initialement censées renforcer les autres forces. Mais elles ne les renforcent pas dans leur mission de maintien de l'ordre de la manifestation, elles sont plutôt là pour interpeller selon des consignes du ministère de l'Intérieur ou du préfet qui peut souhaiter qu'il y ait de plus en plus de contacts entre les manifestants et les forces de police, et qu'il y ait des interpellations parce que de nouveaux délits ont été définis.

Pour prendre un exemple, même si le port du masque s'est généralisé aujourd'hui pour des raisons sanitaires, depuis la loi anticasseurs, que nous avons contestée, se masquer le visage pendant une manifestation est un délit et la consigne – prise à un certain niveau, ce ne sont pas les forces de l'ordre qui en décident –, peut être d'interpeller tous les manifestants ayant le visage couvert. Ce sont des choix qui peuvent être faits et qui, à notre avis, ont des incidences parce que, de l'avis même des professionnels, interpeller lors d'une manifestation est particulièrement dangereux, y compris pour les policiers qui se retrouvent dans une situation avec énormément de personnes autour et dans tous les sens. Dans cet environnement mouvant, il est très compliqué d'interpeller. Donc, on peut comprendre que l'on interpelle parce qu'il existe une situation de danger imminent, mais nous connaissons de plus en plus de militants et militantes qui, non seulement subissent des violences policières, mais sont interpellés, mis en garde à vue et libérés sans poursuite – heureusement – puisqu'ils n'ont commis aucun délit. C'est ce que nous constatons lors des manifestations et, forcément, cela crée du désordre et des tensions.

Nous avons également constaté que plus les forces de l'ordre sont éloignées du cortège, moins les incidents sont nombreux ; plus elles sont au contact, plus il y a des incidents. Je parle là des manifestations pacifiques, revendicatives.

Le rapport du Défenseur des droits sur le maintien de l'ordre de décembre 2017 présentait des préconisations intéressantes. Il recommandait que les forces de l'ordre s'emploient à faire baisser les tensions et la violence, et œuvrent dans le sens d'une désescalade, en allant vers le dialogue quand cela est possible, plutôt que vers du contact, de la violence et des interpellations. Ces préconisations n'ont absolument pas été suivies, comme en témoigne le nouveau schéma national du maintien de l'ordre.

Je voulais simplement dire que les lieux de manifestation ne peuvent pas être un terrain d'interpellation, hormis, bien sûr, en cas de délit.

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Assurer le maintien de l'ordre ou procéder à des actes relevant du judiciaire sont, en effet, deux démarches différentes.

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Il me semble que la désescalade est plutôt prise en compte dans ce nouveau schéma. Le document, qui n'a d'ailleurs pas même valeur de circulaire, préconise un meilleur échange avec les manifestants, que ce soit par voie de sms, de haut-parleur ou visuellement.

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Je vous remercie de votre présence. Depuis le début, vous évoquez une évolution qui serait apparue depuis la « loi travail » et une situation dégradée. Je l'entends, mais, concomitamment à cette dégradation, n'existe-t-il pas également des difficultés liées à des personnes qui viendraient perturber la manifestation et à l'apparition des blacks blocs qui sont, à mon sens, les difficultés principales ? J'entends bien que vous faites tous les efforts nécessaires pour que tout se passe au mieux. Vous parliez de personnes qui, de 7 à 77 ans, viennent pour manifester pacifiquement. Pouvons-nous malgré tout convenir que, depuis quelques années, des personnes viennent non pour manifester, mais pour casser, détruire et exercer des violences qui se retournent parfois contre les manifestants et contre les forces de l'ordre ?

Ce constat a certainement conduit les forces de l'ordre à évoluer dans leur manière d'exercer le maintien de l'ordre. Elles-mêmes disaient, de façon volontairement caricaturale, qu'au début, elles étaient face à des agriculteurs et des sidérurgistes avec lesquels cela se passait bien et qu'aujourd'hui, elles sont dépourvues face à des individus qui sont là non pas pour manifester, mais pour casser, y compris parfois pour casser des policiers et des gendarmes.

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Pour aller dans le même sens, vous semblerait-il pertinent que des policiers soient identifiés dans les cortèges afin d'aider les manifestants lorsque ceux-ci repèrent des personnes infiltrées, qui ne sont pas là pour manifester ? De tels dispositifs sont mis en place, en Allemagne notamment, où les cortèges sont peut-être plus saucissonnés, si je puis dire, afin de créer des zones tampon et permettre aux forces de l'ordre d'intervenir plus rapidement pour extirper des cortèges les personnes qui auraient de mauvaises intentions.

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Laurent Diedrich, secrétaire confédéral de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)

S'agissant des blacks blocs, je parlais précédemment des séditieux. Ces personnes d'origines diverses, qui viennent parfois de toute l'Europe, louent des logements dans Paris, se changent pour s'infiltrer parmi les manifestants et, ensuite, créent des tensions avec les syndicats. Ils n'ont pas de logique politique autre que celle d'être séditieux. Cela nous pose un réel problème.

Notre service d'ordre forme ses propres équipes depuis longtemps. Il en va de même pour l'ensemble des confédérations. Ce sont à peu près toujours les mêmes personnes qui assurent le service d'ordre, à Paris comme en province. C'est une gestion humaine de l'événement, à la fois pour se protéger, mais aussi pour que nos propres militants n'aillent pas trop loin dans la démarche de manifestation et sortent du groupe, du carré de tête ou de la manifestation. Je rappelle qu'une manifestation est un cheminement durant lequel il faut que la police, la gendarmerie ou nous-mêmes bloquions les rues, tout simplement pour qu'un automobiliste ne vienne pas percuter un manifestant. Cela, c'est vraiment le jeu de la manifestation. À partir du moment où des black blocs apparaissent, cela contrarie totalement le discours, la manifestation et la marche du cortège.

Pour ce qui est de la visibilité des forces de l'ordre, nous avons observé la présence, parmi les fonctionnaires qui assurent le maintien de l'ordre, de personnes dont ce n'est pas le corps de métier. Ils arrivent habillés en civil, portant des casques de moto, avec leur arme de service, pour se mêler aux forces de maintien de l'ordre. Même s'il faut répondre rapidement à la violence dans les manifestations, cette réponse nous semble absurde dans la mesure où le maintien de l'ordre est un métier, auquel sont formés les gardes mobiles, les CRS ou les compagnies d'intervention à Paris.

À partir du moment où l'on arrive à uniformiser le maintien de l'ordre, il semble logique de penser que, si les personnes qui traversent la manifestation sont repérables, le contact avec les forces de police est plus facile, à Paris comme en province. Les services de renseignement, quelle que soit leur appellation, sont composés de personnes qui sont généralement là depuis un certain temps et qui sont identifiées par ceux qui, chez nous, mènent les manifestations et gèrent les services d'ordre parce que ces derniers sont régulièrement appelés à le faire. Quand nous nous retrouvons pour discuter des manifestations, ce sont toujours les mêmes personnes de chaque confédération, que ce soit en région ou au niveau national, qui viennent pour échanger. Nous nous identifions donc entre nous, comme nous identifions les membres des services de renseignement. Même s'ils ne portent pas un brassard « Police », nous ne sommes pas heurtés par leur présence. En revanche, pour le maintien de l'ordre, l'identification physique de la personne qui nous fait face permet de savoir pourquoi elle est là.

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Permettez-moi de vous livrer une information, madame Verzeletti, car vous indiquiez qu'en 2016, vous aviez demandé qu'une commission d'enquête soit constituée. Si cela n'avait pas été le cas à l'époque, c'est parce qu'en 2015, l'année précédente, une commission, à laquelle j'ai participé, avait réalisé un travail sur le sujet. Cela s'explique donc, puisque le travail venait juste de se faire.

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Merci, cher collègue, de ces précisions utiles.

Je vous remercie vivement, madame et messieurs les syndicalistes, de vous être déplacés jusqu'à nous. Comme nous, vous êtes un vecteur d'expression démocratique et nous tenons à vous comme à la prunelle de nos yeux.

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Dans la mesure où cette rencontre a été assez rapide, en fonction de l'évolution de nos travaux, nous nous permettrons de vous reposer des questions par écrit.

La séance est levée à 17 heures 35.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Ugo Bernalicis, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Camille Galliard-Minier, M. Jérôme Lambert, Mme George Pau-Langevin, M. Stéphane Peu, Mme Cécile Rilhac, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Laurence Vanceunebrock

Excusés. - Mme Aude Bono-Vandorme, M. Didier Le Gac, M. Christophe Naegelen