Intervention de Laurent Diedrich

Réunion du mercredi 7 octobre 2020 à 16h30
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Laurent Diedrich, secrétaire confédéral de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) :

Pour revenir sur ce que vient de dire Jean-Marc Cicuto quant à la mise à l'écart des corps intermédiaires que nous représentons, elle est parfois le fait de certains gouvernants, mais également de certains séditieux qui s'attaquent à nos organisations syndicales, à nos locaux et à nos militants sur les parcours de manifestation de façon récurrente – d'où la nécessité d'entretenir, comme par le passé, ce lien de confiance avec les services de renseignement de proximité. Quelle que soit l'appellation du service en question, cela se passe plutôt bien en province puisqu'un lien direct est établi avec des fonctionnaires qui sont là depuis un certain temps et qui maîtrisent le sujet sociétal. C'est moins le cas à Paris ces dernières années, où les restructurations ont généré un certain flottement, et le lien que nous avions créé par le passé s'est doucement dissous.

C'est pourtant un lien essentiel car, de notre point de vue, ce sont les services de renseignement qui sont à même de chiffrer – que ce soient leurs chiffres ou les nôtres, peu importe – les risques et le nombre de manifestants, ce qui déterminera ensuite les forces de l'ordre nécessaires. Si le service de renseignement est défectueux, derrière, le service d'ordre sera mis à mal. Il s'agit donc de reconstruire ce lien avec ces services, comme nous le faisons à Paris avec la direction de l'ordre public et de la circulation, dont les experts nous contactent, soit en intersyndicale, soit de manière unilatérale. Nous discutons du parcours avec eux, nous l'étudions, rediscutons et, au bout d'un temps d'échange, nous parvenons à trouver une solution avec le préfet de police, pour que nos idées puissent se faire entendre. C'est là l'essentiel, me semble-t-il.

Je vais donner un exemple positif car si 80 % à 90 % de nos manifestations et rassemblements se déroulent normalement, en revanche, en tant que corps intermédiaires, parce que nous sommes constitués depuis un certain temps, nous subissons les affres des agressions des séditieux. L'exemple positif est celui du préfet de police de Paris, dont le comportement est parfois décrié, mais qui a réuni nos cinq confédérations au ministère du Travail en présence du cabinet du ministre de l'Intérieur et du directeur général de la police nationale pour évoquer l'organisation du 1er mai. Nous ne manifestons pas forcément ensemble, mais peu importe car cela s'est déjà produit et pourrait se renouveler.

À cette occasion, nous avons échangé sur les prévisions, sur les risques. Nous estimions que c'était une bonne idée de nous faire venir au ministère du Travail – c'était aussi très symbolique puisqu'il s'agissait du 1er mai – pour échanger sur ce qui pouvait arriver et réfléchir aux parcours, afin d'éviter de nous retrouver confrontés à je ne sais quelle mouvance, susceptible de perturber la manifestation. C'était une idée qui permettait d'avoir un véritable échange. Le résultat n'a malheureusement pas été à la hauteur de ce qui avait été proposé. Néanmoins, la méthode était intéressante.

Dès lors que l'on travaille en amont – ce qui est la logique, si j'en crois ce que j'ai relu sur ces doctrines – avec les services experts dans le domaine des manifestations dites sociales et que l'on bénéficie d'une réelle technicité sur le suivi de l'ensemble du parcours de la manifestation par la direction de l'ordre public à Paris ou les services de la préfecture en province, et que des informations sont échangées, l'idée est que nous puissions parvenir au bout de la manifestation. Ce n'est plus le cas depuis quelques années, car le combat de rue n'étant pas notre « truc », au bout d'un moment, nos idées étant dissoutes dans l'élan protestataire, nous finissons par nous retirer des cortèges.

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