Intervention de Céline Verzeletti

Réunion du mercredi 7 octobre 2020 à 16h30
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail (CGT) :

Je vais m'expliquer différemment. Je précisais qu'en cas de délit, l'interpellation était nécessaire. En revanche, et pour le dire clairement, nous avons constaté depuis quelques années que des forces de police qui ne sont pas formées au maintien de l'ordre intervenaient lors des manifestations. Ce n'était pas le cas avant 2016 puisqu'à l'époque, des forces spécifiquement formées comme les gardes mobiles ou les CRS assuraient seules le maintien de l'ordre, notamment dans les manifestations. Aujourd'hui, cela a été dit, d'autres forces de police interviennent, qui sont plutôt formées à l'interpellation dans certains quartiers, en zone urbaine. Ces nouvelles forces de l'ordre étaient initialement censées renforcer les autres forces. Mais elles ne les renforcent pas dans leur mission de maintien de l'ordre de la manifestation, elles sont plutôt là pour interpeller selon des consignes du ministère de l'Intérieur ou du préfet qui peut souhaiter qu'il y ait de plus en plus de contacts entre les manifestants et les forces de police, et qu'il y ait des interpellations parce que de nouveaux délits ont été définis.

Pour prendre un exemple, même si le port du masque s'est généralisé aujourd'hui pour des raisons sanitaires, depuis la loi anticasseurs, que nous avons contestée, se masquer le visage pendant une manifestation est un délit et la consigne – prise à un certain niveau, ce ne sont pas les forces de l'ordre qui en décident –, peut être d'interpeller tous les manifestants ayant le visage couvert. Ce sont des choix qui peuvent être faits et qui, à notre avis, ont des incidences parce que, de l'avis même des professionnels, interpeller lors d'une manifestation est particulièrement dangereux, y compris pour les policiers qui se retrouvent dans une situation avec énormément de personnes autour et dans tous les sens. Dans cet environnement mouvant, il est très compliqué d'interpeller. Donc, on peut comprendre que l'on interpelle parce qu'il existe une situation de danger imminent, mais nous connaissons de plus en plus de militants et militantes qui, non seulement subissent des violences policières, mais sont interpellés, mis en garde à vue et libérés sans poursuite – heureusement – puisqu'ils n'ont commis aucun délit. C'est ce que nous constatons lors des manifestations et, forcément, cela crée du désordre et des tensions.

Nous avons également constaté que plus les forces de l'ordre sont éloignées du cortège, moins les incidents sont nombreux ; plus elles sont au contact, plus il y a des incidents. Je parle là des manifestations pacifiques, revendicatives.

Le rapport du Défenseur des droits sur le maintien de l'ordre de décembre 2017 présentait des préconisations intéressantes. Il recommandait que les forces de l'ordre s'emploient à faire baisser les tensions et la violence, et œuvrent dans le sens d'une désescalade, en allant vers le dialogue quand cela est possible, plutôt que vers du contact, de la violence et des interpellations. Ces préconisations n'ont absolument pas été suivies, comme en témoigne le nouveau schéma national du maintien de l'ordre.

Je voulais simplement dire que les lieux de manifestation ne peuvent pas être un terrain d'interpellation, hormis, bien sûr, en cas de délit.

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