Intervention de Emmanuel Blanchard

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 15h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Emmanuel Blanchard, maître de conférences au département de science politique de l'Université de Versailles-Saint-Quentin et à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye :

Un historien qui prétendrait avoir des solutions pour le présent sortirait de son cadre professionnel, à l'instar d'un spécialiste de police scientifique ou d'un membre des brigades anti-criminalité qui décréterait avoir un point de vue professionnel sur le maintien de l'ordre. Il me semble qu'il s'agit là d'un élément de poids, même si, en creux, nombre de nos propos suggèrent des pistes, qui ont été développées par M. Fabien Jobard.

Nous tournons autour de deux questions principales, dont la professionnalisation. Si on parle de déprofessionnalisation, c'est qu'il existe des manières de reprofessionnaliser, auxquelles, bien sûr, il faut donner un contenu. Si, en ma qualité d'historien, je ne traite pas du présent, je m'autoriserai cependant à me projeter dans un futur un peu utopique : il existe des habilitations de police judiciaire. Pourquoi ne pas instaurer des habilitations au maintien de l'ordre ? Faire du maintien de l'ordre nécessiterait des heures de formation et une technicité reconnue. Il ne faut plus considérer que le maintien de l'ordre est le métier potentiel de tous les agents de la police nationale, car c'est bien à ce stade que nous sommes parvenus ces dernières semaines, y compris s'agissant des agents de police municipale qui ont été engagés plusieurs samedis, lors des manifestations dites des Gilets jaunes.

Je ne creuserai pas ce qui a très bien été développé par Fabien Jobard. Monsieur le président, vous avez indiqué que nous nous serions contentés de constater sans proposer. Il me semble pourtant que l'ensemble des personnes à cette table partagent une ligne assez forte qui forme une seconde piste, à savoir la nécessité de désenclaver le maintien de l'ordre. Or la proposition du schéma national du maintien de l'ordre pensée et élaborée n'a pas été concertée. J'ai entendu dans cette même salle les syndicats de police regretter de ne pas avoir été consultés.

Imaginons un schéma national du maintien de l'ordre qui s'élaborerait en associant la société civile, les manifestants au travers des syndicats et autres organisations. On pourrait ainsi penser le maintien de l'ordre, non comme une simple technique policière, mais comme une coproduction de l'ordre entre ceux qui défendent un droit fondamental et des façons de revendiquer et des policiers qui, comme les premiers, attendent que leur intégrité physique et leurs droits soient respectés.

Quelque chose dans la façon processuelle dont a été pensé ce nouveau schéma du maintien de l'ordre empêche de déboucher sur des solutions, en ce sens où il est très enclavé et très techniciste. On nous parle de tel type de matériels, de telles techniques, sans jamais associer les personnes ni les organisations qui, pourtant, sont fondamentales pour maintenir l'ordre et non pas simplement le rétablir. Le schéma que nous avons sous les yeux pense beaucoup plus en termes de rétablissement de l'ordre qu'en termes de maintien de l'ordre. La proposition consisterait à revenir à un schéma qui, dans la façon dont il serait pensé, déboucherait sur des solutions relevant du maintien et non plus du rétablissement de l'ordre, ainsi que rappelé par M. Jobard et par nos interventions dans lesquelles on peut puiser des éléments, même s'ils nécessitent d'être opérationnalisés.

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