Je précise que nombre des points que nous avons évoqués dans nos analyses se fondent essentiellement sur les propos des policiers et des gendarmes. Nous ne défendons pas un point de vue extérieur qui ne prendrait pas en considération le contexte parfois difficile des interventions policières.
S'agissant de la spécialisation de la profession dont il a beaucoup été question, ce sont les policiers, les responsables des CRS et des gendarmes mobiles eux-mêmes qui ont mis en avant que les interventions des forces non spécialisées, non formées au maintien de l'ordre, pouvaient être un problème.
J'entends bien que la relation peut parfois être ambiguë. Par exemple, des responsables CRS ou des gendarmes mobiles diront que le fait que des unités procèdent aux interpellations les arrange d'une certaine manière car cela leur évite de dégarnir leurs dispositifs et donc d'envoyer des effectifs procéder à l'interpellation et de présenter l'interpellé aux officiers de police judiciaire (OPJ). Lorsque ces unités, prélevées dans les brigades anti-criminalité ou les compagnies de sécurisation et d'intervention (CSI), font du maintien de l'ordre, ce ne sont pas nous, universitaires, qui regardons cela de manière circonspecte ; ce sont les policiers eux-mêmes qui mettent en avant les problèmes que cela entraîne.
La question se pose dans les mêmes termes pour l'usage des lanceurs de balles de défense. Des articles de presse se font écho de policiers et de gendarmes qui expriment parfois leur malaise face à l'utilisation de ces armes. La représentante du ministère de l'Intérieur, auditionnée au Conseil d'État début 2019, a livré les premiers chiffres du nombre de munitions tirées. La gendarmerie a très rapidement publié ses propres chiffres, suivie par le service central des CRS, qui a indiqué que les CRS étaient loin d'avoir utilisé massivement ces munitions. Nous nous appuyons bien sur la parole des policiers et des gendarmes.
Sur le sujet de l'omniprésence des images, j'irai dans le même sens. Il s'agit d'un constat, je ne suis pas certain qu'installer des caméras sur les casques des policiers soit une solution. En 2016, pendant les manifestations contre la « loi Travail », des policiers ont demandé l'autorisation d'installer des GoPro sur leurs casques pour montrer des images de violences commises par les manifestants. L'évolution est inéluctable mais ne fera que déplacer les controverses.
La doctrine Grimaud qui suscite débat ne peut que passer par une transformation des pratiques, laquelle repose sur nos propositions relatives à la formation. Nous pourrions adopter la démarche comparative des services de police européens, pas nécessairement de maintien de l'ordre, confrontés à des phénomènes de violence, tels que la lutte contre le hooliganisme, qui ont expérimenté un travail réflexif collectif entre les forces de police, la population et parfois des groupes posant problème aux forces de police.
Favoriser d'un débat public sur un mode autre que celui de la controverse après des événements graves serait de nature à contribuer à améliorer le maintien de l'ordre.