Intervention de Fabien Jobard

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 15h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Fabien Jobard, sociologue, directeur de recherche au CNRS :

Vous avez demandé comment faisaient les policiers allemands pour rétablir l'ordre. Ils disposent de deux armes : d'une part, le nombre. Vous serez surpris en regardant des photos de manifestations dont on peut s'attendre qu'elles soient tendues : manifestations d'extrême droite, d'extrême gauche et très souvent manifestations et contre-manifestations. C'est le lot des manifestations problématiques en Allemagne. Les policiers sont donc en surnombre. Il y a de cela un peu plus de vingt ans, la police et la gendarmerie me disaient qu'il fallait montrer leurs forces pour ne pas avoir à s'en servir. Je puis vous assurer que les policiers allemands n'ont pas à s'en servir.

Autre équipement privilégié : le canon à eau. Je précise que si la puissance du jet du canon à eau est réglée au maximum, il s'agit d'une arme très douloureuse. À Stuttgart, en 2010, un manifestant s'est fait énucléer et a perdu l'usage de ses deux yeux. Du reste, l'État du Bade-Wurtemberg s'est fait condamner et a indemnisé le manifestant, si ma mémoire est bonne, à hauteur de 120 000 euros. C'est une arme, un moyen qui permet d'éloigner les foules, – et la réponse à votre question est dans votre question même – à la différence du LBD qui est une arme de légitime défense de soi ou d'autrui, ce n'est pas une arme de gestion des foules. Il s'agit là d'un sujet dont nous nous sommes longuement entretenus avec vous, monsieur le président.

Dans le domaine du maintien de l'ordre, l'intervention policière repose sur le principe de l'opportunité et du discernement. On ne peut pas considérer que la moindre infraction doit faire l'objet d'une sanction immédiate au prétexte que force doit rester à la loi. Force restera à la loi en dernière instance, pour ainsi dire, sur le long terme. Les institutions ne sauraient être menacées. S'agissant de la mise en mouvement de forces à vocation répressive destinées à faire cesser des infractions, cela doit rester du domaine de l'appréciation in concreto, sur le moment, et non pas un précepte général tel que force doit rester à la loi, sauf à se placer dans une dynamique d'escalade garantie.

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