Intervention de Claude Angeli-Troccaz

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 18h30
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Claude Angeli-Troccaz, ancienne adjointe du Défenseur des droits, en charge de la déontologie dans le domaine de la sécurité :

À la fin de l'année 2017, nous avons voulu faire un bilan de l'état du maintien de l'ordre, parce que nous avions constaté des difficultés récurrentes après les manifestations contre la loi travail. En outre, compte tenu de la situation à Sivens, nous voyions bien, par nos saisines, monter des réclamations sur les conditions d'exercice du maintien de l'ordre. Nous avons donc fait un travail d'analyse. Il s'agissait de faire un point et non de faire passer un quelconque message car nous constations des évolutions dans la pratique comme dans le déroulement des manifestations.

Nous avons entendu des techniciens du maintien de l'ordre de la police et de la gendarmerie, mais aussi des sociologues, des journalistes, des avocats, afin de consulter le plus largement possible les acteurs du maintien de l'ordre. Nous nous sommes déplacés sur le terrain, notamment à Rennes et à Toulouse. Le Défenseur a pris des contacts avec des homologues à l'étranger pour connaître les pratiques en Europe.

Nous avons fait un point et émis plusieurs recommandations au sujet de la formation, qui font consensus. Nous considérons que les unités spécialisées sont rompues au maintien de l'ordre. Nous n'avons pas constaté de difficultés avec les membres des unités constituées ou, à tout le moins, de saisine les mettant en cause. Les difficultés venant surtout des unités non formées au maintien de l'ordre, nous avons préconisé la formation de toutes les forces de l'ordre qui interviennent, parce que nous avions relevé des pratiques contradictoires. Sur ce point, nous avons été partiellement suivis dans le schéma national du maintien de l'ordre.

Nous avons souligné le besoin de communication Nous nous sommes en effet rendu compte que le maintien de l'ordre manquait de lisibilité, non seulement pour les forces de l'ordre elles-mêmes, dont les représentants nous ont dit ne pas toujours savoir quelles étaient les instructions, ce qu'on attendait d'elles et recevoir parfois des ordres contradictoires, mais aussi pour les manifestants. Les sommations ne sont pas audibles et compréhensibles. Sur ce point, le schéma national a apporté des réponses.

D'une manière générale, nous avons souligné le besoin d'une approche différente en termes de communication, qui doit être plus interactive et de nature à ouvrir un réel dialogue. On nous dit que les syndicats, et donc les manifestants, n'ont plus d'interlocuteur. Je pense néanmoins possible de trouver un moyen d'échanger et de mettre fin à cette situation de blocage. Un travail important reste à faire : tous les acteurs ont regretté le manque de visibilité et d'échanges, sans lesquels on ne peut avancer autrement que par plus de violence.

Concernant les armes de force intermédiaire, nous avons formulé des remarques sur plusieurs techniques, dont le lanceur de balles de défense (LBD). Nous avons constaté de manière objective, à partir de nos saisines et des témoignages que nous avons recueillis, que celui-ci apportait une réponse inadaptée au maintien de l'ordre. Dans une foule mouvante, cette arme imprécise n'atteint généralement pas sa cible et occasionne des blessures graves. Les utilisateurs disent eux-mêmes qu'elle est difficile à maîtriser et que sa marge d'incertitude est grande. Nous ne disons pas qu'il faut interdire le LBD mais nous alertons sur l'imprécision et la dangerosité d'une arme qui, dans le cadre théoriquement pacifique du maintien de l'ordre, peut causer de graves blessures à des personnes non visées. Ce n'est pas une arme adaptée au maintien de l'ordre.

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