Intervention de Jacques Toubon

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 18h30
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Jacques Toubon, ancien Défenseur des droits :

Quand j'ai pris mes fonctions, nous recevions 250 à 300 dossiers par an et, en 2019, nous avons atteint le chiffre de 1 200, dont 200 pour la période des manifestations des Gilets jaunes. Mais l'essentiel n'est pas la répartition, qui figure dans le rapport du Défenseur des droits pour l'année 2019, publié en mai dernier et que je suis venu présenter devant la commission des Lois de l'Assemblée. La majorité des saisines concernent de petites réclamations portant notamment sur le comportement des policiers ou des gendarmes recevant une plainte dans un commissariat ou une brigade de gendarmerie. Les affaires de maintien de l'ordre sont minoritaires. Nombre de questions spectaculaires sont relatives aux comportements individuels, comme l'affaire de Théo à Aulnay-sous-Bois, dont nous avons longuement traité.

La déontologie dans le domaine de la sécurité a pris dans nos activités une place qu'elle n'avait pas lors de la création de l'institution du Défenseur des droits, ce qui témoigne du fait que nous avons acquis une forme de reconnaissance de notre expertise et surtout de l'accroissement du nombre des problèmes. C'est pourquoi nous avons décidé, il y a trois ans, que les 520 délégués du Défenseur sur le terrain pourraient s'occuper de certaines affaires simples de déontologie, alors qu'auparavant, celle-ci était traitée uniquement au plan central.

Depuis que nous dénonçons l'illégalité des méthodes d'encagement, il n'y a eu aucune suite : elles continuent à être employées. J'ai cité un paragraphe de notre rapport à propos des interpellations préventives. La police des manifestations relève de la police administrative, de la police de prévention : ce n'est pas de la police judiciaire. Le mouvement vers la judiciarisation, inscrit en filigrane dans le schéma national du maintien de l'ordre, va à l'encontre de nos préconisations, alors que, sur un certain nombre de points, il comporte des progrès.

S'agissant de la communication et du dialogue, je vous remettrai le compte rendu du séminaire que nous avons tenu le 3 décembre 2019 avec nos homologues étrangers. Il contient des propositions intéressantes sur le dialogue, avec la fameuse doctrine allemande de la désescalade, la pratique des Belges de négociation de la présence dans l'espace public ou encore les méthodes britanniques, notamment à Londres, où les contrôleurs de la déontologie sont présents dans les manifestations. Il importe de savoir que les autres rencontrent les mêmes problèmes que nous. Dans les manifestations en Allemagne, les canons à eaux étaient souvent utilisés, jusqu'à il y a deux ou trois ans. Nous possédons des canons à eau mais on nous a toujours dit qu'on ne voulait pas les utiliser, du moins jusqu'aux dernières manifestations de Gilets jaunes ; puis nous les avons vus à l'œuvre sur les Champs-Élysées. La question mériterait, notamment dans une enceinte parlementaire comme celle-ci, une discussion. Où se situent les violences légitimes, les violences non légitimes, légales, pas légales, en légitime défense ou pas en légitime défense ?

Sur le code de déontologie, ma réponse est claire : commençons par l'appliquer avant de le changer ! Il est très bien !

Le Défenseur des droits a les moyens de son action. Doit-il envoyer des observateurs dans les manifestations ? Je n'en suis pas très partisan, parce qu'il doit garder une distance, une objectivité peu compatible avec l'émotion. Pour avoir participé à des manifestations et fait du maintien de l'ordre comme membre du corps préfectoral, je sais qu'une manifestation est toujours, même quand elle se passe bien, un moment de grande tension, générateur d'émotions.

Le ministère de l'Intérieur devrait tenir compte de nos propositions. Sur les quarante propositions de sanctions disciplinaires que j'ai faites pendant mon exercice, aucune n'a fait l'objet de suites de la part du ministre de l'Intérieur.

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