Monsieur le président, la concision est devenue une habitude. En effet, désormais, nous n'avons plus tout à fait le temps de plaider dans les prétoires... Si M. Hervieu vous a répondu du point de vue juridique sur l'interdiction des manifestations, je vous ferai, pour ma part, une réponse plus circonstanciée, qui me semble plus juste. Pendant le mouvement des Gilets jaunes, les ronds-points ont été systématiquement évacués au bout de quelques jours. C'est ce qui a déplacé le mouvement de protestation, notamment en centre-ville dans les grandes villes de province. Puis est arrivé un moment où les préfectures ont interdit systématiquement les manifestations. Dès lors que l'on interdit aux gens d'exercer leur droit de manifester, ils bravent l'interdiction. Dans certains cas particuliers, tel l'anniversaire des Gilets jaunes, place d'Italie, la manifestation autorisée avait été organisée en lien avec la préfecture. J'étais sur place. Une demi-heure avant la manifestation, ses organisateurs ont appris qu'un arrêté d'interdiction venait d'être pris. La place d'Italie était bondée. Selon moi, ce fut là une décision très inconséquente car elle a placé tout le monde dans une situation impossible.
Face à la stratégie d'affrontement de certains groupes de manifestants contre les policiers, à Rouen, nous avons adopté des dispositifs différents. Lorsque les policiers avaient des cordons de fixation, empêchant la circulation fluide du cortège de manifestants, nous connaissions des heurts dès onze heures ou onze heures et demie du matin. En revanche, lorsque des dispositifs plus souples et plus larges ont été déployés, afin de protéger uniquement les lieux sensibles, et que le maximum de liberté de circulation a été laissé aux manifestants, nous n'étions confrontés à des heurts qu'en toute fin de manifestation, vers dix-sept heures ou dix-huit heures. Les manifestants, pour une très large majorité, viennent pour manifester et non pour affronter les forces de l'ordre. Ils ne s'arrêtent pas. Si des provocations interviennent, le cortège continue de défiler, et ceux qui étaient venus pour affronter les forces de l'ordre sont obligés d'y rester, pour être protégés. Plus on met de distance, moins on connaît de points de fixation, tout en interdisant aux personnes venues pour affronter les forces de l'ordre de le faire. Au mois de février, à Rouen, les policiers ont ainsi été positionnés très à distance, ce qui a permis d'éviter énormément d'affrontements et d'abaisser le niveau de tension en manifestation.