Le nouveau schéma national du maintien de l'ordre (SNMO) a été élaboré et mis en œuvre à la suite de travaux effectués dans un climat particulièrement lourd et délétère, qui reposait sur le dénigrement systématique des forces de l'ordre. Celles-ci ont été accusées de tous les maux, allant d'une police ultraviolente à une police raciste – j'en passe, je n'irai pas plus loin.
Cet épisode a été particulièrement mal vécu par les policiers, car depuis plusieurs années ils sont sur tous les fronts – que ce soit en matière de lutte contre le terrorisme, de gestion des différentes opérations menées par les Gilets jaunes, et maintenant de contrôle des règles imposées par la loi d'urgence sanitaire liée à la pandémie du covid-19.
Ils sont sur tous les fronts, mais dans quelles conditions ? C'est bien là le paradoxe. On leur reproche d'user d'une force trop importante alors qu'au travers de chacun des événements qu'ils ont eu à gérer, et même des opérations du quotidien, les policiers constatent inéluctablement la montée du niveau de violence auquel ils sont confrontés et la multiplication des attaques à l'encontre de tous ceux et celles qui incarnent l'autorité de l'État.
Le moral des effectifs est d'ailleurs d'autant plus affecté par la réponse judiciaire face à ces agressions récurrentes et toujours plus féroces, car cette réponse est très loin d'être à la hauteur de l'attente des policiers et n'est en aucune manière susceptible d'inverser la tendance.
C'est donc dans ce contexte que nous avons pris acte du contenu du nouveau SNMO. Ce dernier a modifié un certain nombre de règles – notamment les sommations utilisées dans le cadre de la gestion du maintien de l'ordre – et a également réduit les moyens en armement à la disposition des effectifs utilisés dans cette gestion. Je parle bien évidemment de la disparition des grenades lacrymogènes instantanées F4 (GLI-F4), déjà actée en début d'année 2020, mais aussi du remplacement de la grenade à main de désencerclement (GMD) par une grenade moins puissante. Certes, le lanceur de balles de défense (LBD) a été conservé, mais encadré, ce qui complique son utilisation.
Toutes ces mesures ont été la conséquence d'une réelle défiance à l'endroit de tous ceux qui ont été en première ligne et qui ont souvent payé dans leur chair leur engagement pour défendre le bon fonctionnement de nos institutions, et tout simplement, la République.
En tout état de cause, nous ne pouvons que constater que nous sommes confrontés en permanence, sur les opérations de maintien de l'ordre lourdes, à des groupuscules toujours plus violents, toujours mieux équipés et parfaitement entraînés à la guérilla urbaine. Pour autant, ce sont les forces de l'ordre qui ont été pointées du doigt comme trop virulentes. C'est pour le moins curieux, d'autant que, durant la gestion de tous ces épisodes extrêmement difficiles, nous n'avons déploré aucun décès chez les manifestants et assez peu de blessés graves – d'ailleurs, beaucoup moins que chez les forces de sécurité intérieure elles-mêmes.
Comprenez donc que les policiers en général aient le moral en berne, quand ils constatent avec quel mépris ils ont été traités et traînés dans la boue.
Si cet épisode « anti-flics » – si vous me permettez l'expression – semble s'être un peu atténué, ce n'est que parce que le niveau de violence subi par notre institution a atteint des degrés invraisemblables et paroxystiques ces dernières semaines. Je vous rappellerai simplement l'affaire des deux policiers sauvagement agressés dans le Val-d'Oise, à Herblay, et les différents policiers fauchés par des véhicules – dont celui tué au Mans, en août, mais également la victime à Lille en septembre.
Je ne poursuivrai pas cette liste, qui devient une litanie, mais nous nous devons, devant la représentation nationale, de lancer un cri d'alarme face à ce manque de soutien à l'endroit de notre institution qui reste pourtant le dernier rempart républicain face à la barbarie et l'anarchie.
La réponse pénale devrait être implacable et sans le moindre état d'âme à l'égard de ces voyous et meurtriers, mais nous en sommes bien loin.
Nous aimerions également beaucoup que les images, très souvent sorties de leur contexte, qui sont diffusées sur les réseaux sociaux et dans les médias puissent être contrecarrées et recontextualisées par d'autres images à disposition des pouvoirs publics pour démontrer le fréquent bien-fondé des interventions décriées, mais également pour défendre l'honneur et l'image d'une institution qui en a bien besoin.
Enfin, je rappellerai devant cette assemblée – si besoin en était – que la police nationale, qui a été tant décriée, est pourtant l'administration la plus contrôlée qui soit, que ce soit par sa hiérarchie, l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), les préfets, les procureurs de la République, le Défenseur des droits, les parlementaires – et la liste n'est pas exhaustive.
Vous avez, je l'espère, parfaitement compris notre profonde lassitude face à la manière dont nous sommes traités dans notre pays alors que notre institution et les forces de sécurité intérieure n'ont jamais été autant indispensables pour permettre une vie démocratique apaisée, dans un monde où la loi du plus fort semble progressivement faire son chemin.