Intervention de Claude Fourcaulx

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 17h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Claude Fourcaulx, secrétaire général adjoint de l'Union des officiers – Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) :

L'union des officiers – UNSA que je représente remercie la commission d'avoir été invitée afin de pouvoir donner son avis, chose qui n'est pas fréquente pour notre organisation, à notre plus grand regret.

C'est pourquoi nous nous réjouissons de pouvoir faire entendre notre voix au sein de l'Assemblée nationale, devant les représentants de la Nation.

Je souhaiterais tout d'abord saluer la mobilisation totale et le professionnalisme des forces de l'ordre républicaines de notre pays, confrontées à une violence sans précédent ces dernières années.

Ne l'oublions pas, elles sont, comme d'autres acteurs, garantes de la démocratie et de la République. Nous ne le répéterons jamais assez.

L'ordre public est une mission fondamentale de la police nationale et de la gendarmerie nationale depuis 1921, soit il y a près d'un siècle, et la volonté de Georges Clemenceau, alors président du Conseil, de spécialiser une partie des forces de l'ordre dans le maintien de l'ordre public.

Nos institutions, police et gendarmerie, n'ont eu de cesse de s'adapter et d'évoluer en fonction des changements politiques et sociaux, qui ont rendu toujours plus complexe l'exercice de cette mission.

À la suite d'une décennie écoulée particulièrement éprouvante pour les forces de l'ordre sur l'ensemble du territoire, nous constatons que rares sont les manifestations d'ampleur et médiatisées qui ne dégénèrent pas en un affrontement avec les forces de l'ordre, en dégradations de biens publics et privés, ou encore en pillages.

La violence illégitime organisée par une minorité de manifestants et de professionnels de la subversion est devenue une habitude. Elle s'est substituée en partie – je dis bien « en partie » – au dialogue que les forces de sécurité ont toujours eu et continueront à avoir avec les représentants des manifestants ou, plus globalement, avec les manifestants eux-mêmes.

À cette violence illégitime s'oppose une violence légitime, détenue par les forces de l'ordre, encadrée et proportionnelle à la menace en cas de besoin.

Le problème pour les forces de l'ordre est bien celui-ci : la détention de la violence légitime, sa définition, sa justification et son utilisation éventuelle.

Le SNMO du 17 septembre 2020 précise et encadre le travail des policiers et des gendarmes en matière de maintien de l'ordre. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Nous déplorons, comme d'autres organisations syndicales, de ne pas avoir été associés aux travaux d'élaboration de cette stratégie – état de fait qui caractérise un dialogue social en perdition au sein de la police nationale ces dernières années.

Le SNMO apporte un certain nombre de modifications et d'améliorations constructives. Il sera certainement la première pierre sur laquelle d'autres viendront s'assembler afin d'élaborer au fur et à mesure un outil performant et respectueux de la liberté d'expression à laquelle nous sommes toutes et tous attachés ici.

Cependant, nous ne pouvons que déplorer, sur un autre pan – qui n'a rien à voir avec le SNMO –, le pan judiciaire, le peu d'avancées concernant le traitement des violences de rue connexes aux manifestations contre les représentants des forces de l'ordre. Il semble apparemment normal pour notre société que des policiers soient blessés voire grièvement blessés, sans pour autant que la fonction qu'ils représentent soit sacralisée et qu'ils bénéficient en quelque sorte d'une ultra-protection pénale.

Que risque un manifestant, un casseur, un professionnel de la subversion en s'attaquant à un policier ? Il n'y a pas d'infraction spécifique. Le code pénal prévoit trois ans de prison et 45 000 euros d'amende, ou cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende lorsque les violences ont entraîné un arrêt de travail de plus de huit jours. Dans la réalité, en moyenne, c'est à cinq mois de prison que les agresseurs sont condamnés !

Nous rappellerons tout de même quelques chiffres : plus de 2 500 policiers et gendarmes blessés durant l'épisode du mouvement des Gilets jaunes, et quasi le même nombre dans les rangs des manifestants. Sur l'année 2018-2019, 73 000 manifestations ont été recensées en France, avec un taux de 0,05 incident et blessé sur l'ensemble.

Le 27 mars 2019, devant la commission des lois du Sénat présidée par Philippe Bas, les organisations syndicales Union des officiers – UNSA et UNSA Police étaient auditionnées sur les moyens déployés pour faire face aux actes de violence et de vandalisme commis à Paris le 16 mars de cette même année.

Nous avons proposé des pistes de progrès, comme l'amélioration de la coordination et du commandement opérationnel des forces de police et de gendarmerie, le développement de la mobilité des forces de maintien de l'ordre, ou encore l'organisation de contrôles préventifs en amont des manifestations à caractère sensible.

Nous sommes satisfaits que nos axes de réflexion aient été pris en compte et développés lors de la conception du SNMO, même si de nombreux points restent à améliorer.

Politiquement, quel ordre public et quelle police voulons-nous ? Voulons-nous une police comme la police allemande et sa manière d'intervenir, ou plutôt de ne pas intervenir – comme lors de l'inauguration de la Banque centrale européenne (BCE) à Francfort le 18 mars 2015 ? Sommes-nous prêts, en France, à voir des commissariats et des voitures de police brûler sans réagir de manière forte ? Il faut se rappeler, même si cela n'a pas été retransmis sur les chaînes françaises, que en 2015 deux commissariats de Francfort et plus de quinze voitures de la police allemande ont été incendiés.

Les techniques de désescalade de la police allemande sont-elles transposables en France ? Je ne le pense pas. Nous ne le pensons pas. Contre des manifestations violentes, de casseurs, cela ne fonctionne pas.

Nous ne voulons pas d'une police nationale qui présente aussi ses excuses, comme la police allemande, parce qu'elle n'aurait pas été à la hauteur, faute de moyens et d'ordres de rétablissement de l'ordre public.

Pour cela, notre police a besoin, toujours plus, de formation – qualitativement comme quantitativement. Pour cela, notre police a besoin de matériel moderne. Pour cela, notre police a besoin d'un commandement opérationnel de terrain, le directeur de service d'ordre ayant la confiance complète du responsable de l'ordre public. Pour cela, des moyens colossaux doivent être mis à la disposition de la police nationale afin de rattraper trois décennies de diète imposée à nos unités constituées de maintien de l'ordre.

Nous ne voulons pas que les manifestants violents et les casseurs aient plus de droits que les policiers qui sont, parmi d'autres acteurs, comme je l'ai dit plus haut, les garants, aussi, de la démocratie et de la République française.

Je terminerai par une citation de Georges Clemenceau qui illustre bien à mon sens les défis qu'il nous reste à relever en matière de réorganisation globale de notre police nationale et républicaine, afin que le lien entre la police et la Nation soit une réalité un jour prochain : « Il faut savoir ce que l'on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire. Quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. »

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