Intervention de Léo Moreau

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 17h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Léo Moreau, chargé de mission au sein du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI) :

Il est certain que le travail de renseignement est effectué. En tout cas, les fonctionnaires du renseignement territorial s'efforcent de le faire à chaque fois.

Pour autant, comme le disait Pierre Dac, « la prévision est un art difficile, surtout quand elle concerne l'avenir » . Ce n'est pas non plus une science exacte. On anticipe parfois correctement, et les forces sont alors bien dimensionnées. Parfois, les choses sont plus compliquées.

Nous sommes confrontés aussi à la difficulté de séparer le bon grain de l'ivraie dans les manifestations, et de distinguer les manifestants venus s'exprimer pacifiquement, qui ont tout à fait le droit le faire, des black blocs qui profitent de l'affluence pour se mêler aux manifestants lambda rendant ainsi leur identification et leur interpellation plus difficiles.

Le lien de confiance dont vous parlez est important, mais il concerne évidemment le citoyen pacifique de bonne foi, non celui qui vient pour casser ou pour s'en prendre aux forces de l'ordre.

Fort heureusement, le lien de confiance entre la police et la population ne se limite pas uniquement à la problématique du maintien de l'ordre. C'est toute l'ambiguïté de la double casquette de la police. Nous avons à la fois un rôle de protection et d'exercice de la coercition. Il est forcément plus valorisant pour un équipage de police-secours, dans son rapport à la population, de sauver de la noyade quelqu'un qui est tombé dans un fleuve que d'intervenir en maintien de l'ordre sur un attroupement. Pour autant, il faut bien que quelqu'un le fasse.

Il existe plusieurs pistes pour améliorer ce lien entre la police et la population.

Parmi d'autres idées, notre syndicat est favorable à la création d'une réserve opérationnelle au sein de la police nationale, à l'image de ce qui existe dans la gendarmerie, afin de resserrer ce lien entre les citoyens et la police. Cette réserve permettrait aux citoyens de participer à nos missions, de les découvrir et ainsi de mieux les comprendre.

Nous ne sommes pas opposés par ailleurs à l'identification des fonctionnaires – que cela passe par un numéro affiché dans le dos, ou autrement. Nous n'avons rien à nous reprocher, nous sommes une police républicaine. Le principe ne pose pas de problème.

En revanche, s'il est bon que les fonctionnaires soient identifiables, il ne faut pas qu'ils soient vulnérables.

On constate une inquiétude sur ce point chez nos collègues. Nous le voyons malheureusement tous les jours dans l'actualité, des collègues se font prendre à partie, parfois suivre jusqu'à leur domicile, voire agresser y compris hors du service.

Il faut trouver un équilibre pour que les collègues soient certes identifiables – il ne s'agit pas de dire que personne ne doit rendre de comptes –, mais sans être plus facilement pris à partie par les personnalités extrêmement violentes et hostiles à la police que nous voyons lors des manifestations. C'était aussi la préoccupation du ministre de l'Intérieur lorsqu'il parlait du floutage des images.

Enfin, nous ne rencontrons pas de difficulté avec les journalistes qui viennent en manifestation pour faire leur travail d'information et rendre compte de l'événement pour un média identifié. Cependant, il ne suffit pas de mettre un casque « presse » et de prendre un iPhone pour être journaliste et se croire dès lors au-dessus de la loi. Nous avons rencontré des difficultés opérationnelles avec des personnes qui se plaçaient entre nous et les personnes violentes, pour filmer, ce qui n'était pas pratique à gérer pour les effectifs engagés. Ce n'est pas ce que nous appellerions du journalisme au sens où nous le concevons.

Nous ne sommes évidemment pas hostiles à la liberté de la presse, mais il y a, là encore, un équilibre à trouver.

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