Intervention de Cédric Mas

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 9h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Cédric Mas, président de l'Institut Action résilience :

Les moyens dont ils disposent sont absolument insuffisants. Il y a un enjeu décisif pour le maintien de l'ordre, et plus globalement pour l'image de la police, qui ne fait que se dégrader en raison de cette perte de confiance. Cette perte de confiance découle de l'abandon de la posture d'impartialité et d'interposition de la police, notamment dans le cadre du maintien de l'ordre, qui vient notamment du déséquilibre total entre le délai des procédures judiciaires lorsqu'il y a des problèmes de comportement de policiers, par rapport au délai des procédures judiciaires lorsqu'il y a des problèmes relatifs au comportement du reste de la population. Quand on voit les images et le nombre des poursuites qui ont été diligentées et menées à leur terme à l'encontre de policiers dont le comportement est absolument inacceptable, poursuites qui sont pourtant indispensables pour restaurer l'image de la police, il apparaît nécessaire d'instaurer une procédure différente de celle qui existe aujourd'hui. En effet, celle-ci ne devrait pas reposer sur des organes endogames comme les inspections générales, ou dépourvu de moyens de poursuite et de judiciarisation comme le Défenseur des droits. Il y a là une très importante réflexion à mener.

Il s'agit d'un enjeu global, auquel les policiers vont peut-être dans un premier temps être collectivement opposés, mais qui conduirait à une amélioration de leur image. Force doit rester à la loi, et non force doit rester dans tous les cas aux personnes chargées de faire respecter la loi. Ce n'est pas la même chose. La loi, ce n'est pas le policier qui l'édicte, ce n'est pas le policier qui la personnifie. Il est seulement là en tant que fonctionnaire pour la faire appliquer. Et il peut être imparfait, comme tout être humain. Je souligne aussi qu'une autre procédure pour mieux contrôler et briser ce sentiment d'impunité que la population prête aux policiers – et qui d'ailleurs ne correspond pas à la réalité – doit prendre en compte la spécificité du maintien de l'ordre. Lorsque des opérations de maintien de l'ordre ont lieu, le policier est en effet sous les ordres, il agit collectivement. Un cadre est donc défini et clair. Dans ce cas, son comportement ne doit pas être jugé de la même façon que lorsqu'il participe à des opérations de police, routières, financières, administratives, ou une interpellation individuelle.

Il existe une demande de la population, dont votre commission est l'expression. Il s'agit quand même de la deuxième commission d'enquête sur ce thème depuis 2015. Elle avait donné lieu à 22 propositions, qui n'ont quasiment pas été suivies d'effets. C'est assez dramatique de devoir, cinq ans, après se reposer les mêmes questions, d'obtenir quasiment les mêmes réponses et de n'avoir toujours pas de suites dans les textes, notamment s'agissant des dispositifs de désescalade, de professionnalisation, de formation. Il me semble très important d'instaurer une instance impartiale et qui permette de restaurer l'image de la police, en traitant les demandes et les plaintes des manifestants contre des agissements de policiers individuels qui seraient sortis du cadre. Une fois qu'elles seront traitées dans une instance dans les mêmes délais que les plaintes contre les manifestants, l'impartialité sera naturellement rétablie. Cette impartialité est nécessaire pour une opération de maintien de l'ordre efficace.

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