Le LBD 40 n'est pas un outil de maintien de l'ordre puisque c'est une arme individuelle. Or, le maintien de l'ordre doit être pensé, conçu, pratiqué comme une opération collective. Quand on s'interroge pour savoir s'il faut être formé à l'usage du LBD 40, s'il faut qu'il soit filmé, encadré par un binôme, un référent qui va décider quand il est pertinent, on est dans l'erreur. Le LBD 40 est une arme individuelle qui est conçue pour éviter à la police d'utiliser ses armes à feu. Chaque fois qu'un policier est amené à utiliser, y compris en légitime défense, son arme à feu, le recours à un LBD 40 est préférable parce qu'il est moins dangereux. Cela ne signifie pas qu'il ne l'est pas, mais il l'est moins pour l'intégrité physique de la personne visée. Dès lors que vous comprenez que le LBD 40 n'est utile que pour éviter d'avoir à sortir son arme à feu, vous comprenez qu'il n'a pas lieu d'être dans le maintien de l'ordre. Le LBD 40 ne sera utile qu'en situation d'émeute, face à des gens qui sont eux-mêmes armés.
Si on n'a pas d'outils pour remplacer le LBD 40, on en trouve… On trouve des outils collectifs : des barrières, par exemple. Je ne suis pas nécessairement contre l'usage des grenades en tant que telles : c'est un outil collectif. Le canon à eau en est aussi un, il repousse le manifestant et recrée cette distanciation qui est nécessaire à une opération de maintien de l'ordre. Il s'agit d'une gestion de foule, non d'un combat. Le LBD 40 est donc absolument à proscrire dans les opérations de maintien de l'ordre. Il ne peut être utilisé qu'après, en cas de situation d'émeute, et donc face à une foule violente, elle-même armée, et en tant qu'arme intermédiaire pour éviter d'avoir à sortir les armes à feu. Quand l'on vous dit « je n'ai pas d'autre outil que le LBD 40 », vous pouvez répondre : « Mais vous ne sortez pas votre pistolet ou votre fusil dans le cadre du maintien de l'ordre, pourquoi sortez-vous un LBD 40 ? » Le maintien de l'ordre étant une opération collective, les outils, techniques, formations et organisations des policiers ne doivent donc pas être les mêmes.
Votre commission d'enquête peut agir et essayer d'influer sur deux points.
D'abord, il est inacceptable que des forces de l'ordre ne soient pas en tenue et en uniforme lors d'une opération de maintien de l'ordre. On se plaint du manque d'effectifs, mais la moitié est en civil, donc invisible. Si elles sont en uniforme, on sait tout de suite où sont les forces de l'ordre. Ce sont des forces d'interposition et elles n'ont pas à se cacher. Elles sont dans leur rôle et elles sont légitimes dans leur opération.
Ensuite, seuls des outils collectifs doivent être utilisés. Cela vaut pour le LBD 40 comme pour la caméra-piéton. Il faut rester cohérent, puisque l'opération de maintien de l'ordre est une opération politique et qui doit consister pour la police à utiliser des techniques collectives.