Intervention de Hubert Weigel

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 10h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Hubert Weigel :

Pour ce qui est des Gilets jaunes, c'étaient effectivement de « braves gens », pour utiliser une expression policière. Mais vous l'avez vu à travers les comptes rendus journalistiques : se sont mêlés à eux des personnes qui, tout en portant des gilets jaunes pour certaines, n'avaient pas du tout le comportement de braves gens. Les procédures judiciaires qui ont été réalisées ont pu démontrer qu'il s'agissait parfois de voyous patentés.

En ce qui concerne la modernisation des sommations, je crois qu'au sein de l'institution policière tout le monde s'accorde sur la nécessité de le faire. Il s'agit d'expliquer clairement, avec un vocabulaire actuel, ce qui va se passer, afin que nos concitoyens qui participent à une manifestation qui dégénère puissent savoir quel comportement adopter avant qu'il n'y ait une « charge » – comme nous le disons dans notre vocabulaire professionnel – pour faire évacuer un secteur.

Pour ce qui est de la réflexion européenne GODIAC, il est malheureux que la France n'y ait pas participé. Nous disposons cependant des échos de nos officiers et de nos policiers ou gendarmes qui sont affectés dans les différentes ambassades. Et entre policiers européens nous pouvons avoir directement des échanges sur ces pratiques. Les Allemands ont ainsi une pratique sur laquelle eux-mêmes s'interrogent. Au sein d'une manifestation, ils disposent de policiers spécialement équipés, avec la mention de « médiateur » dans le dos, pour indiquer qu'ils sont là pour prendre contact avec les manifestants, apaiser les périodes de tensions et expliquer les mouvements qui vont être réalisés par les forces de l'ordre. Cependant, avec le changement de comportement et de mentalité des manifestants, même les Allemands se sont aperçus que ces « médiateurs » pouvaient être pris à partie et malmenés. Il faut donc les protéger, et cela entraîne à nouveau cette confusion dans l'esprit des manifestants entre la charge et la négociation.

Cela dit, il existe depuis fort longtemps en province les brigades d'information de la voie publique (BIVP), qui sont rattachées au chef de circonscription ou au directeur départemental de la sécurité publique. Dans une manifestation, ces brigades d'information de la voie publique ont pour vocation de rechercher le renseignement immédiat, pour connaître les intentions des manifestants. En effet, depuis plusieurs mois ou plusieurs années – et ça a été particulièrement le cas avec les Gilets jaunes –, nous n'avons plus de correspondant avec qui nous pouvons négocier dans les manifestations. Au début de ma carrière, les manifestations étaient un vrai plaisir, avec la Confédération générale du travail (CGT) notamment, puisque nous avions un correspondant. Nous négociions les itinéraires, nous négociions aussi parfois de fausses charges… C'était l'illustration d'une bonne entente et d'une bonne gestion de l'ordre public dans le respect des règles de la République.

Les choses ont évolué, les mentalités également, et il faut inventer de nouveaux systèmes, et surtout montrer à nos concitoyens que les forces de l'ordre – policiers ou gendarmes – sont d'abord là pour protéger les citoyens et leur liberté de manifester. C'est essentiel et c'est ce qui est fait au quotidien, et même souvent au détriment de l'intégrité physique, puisque à l'occasion des manifestations des Gilets jaunes ce sont environ 2 500 policiers et gendarmes qui ont été blessés, souvent gravement. Et presque autant de manifestants auraient été blessés. Nous sommes donc dans une situation où il est indispensable de rappeler à nos concitoyens que les forces de l'ordre de la République sont chargées d'assurer et de permettre l'exercice d'une liberté. Encore faut-il que cette liberté ne s'accompagne pas de débordements qui atteignent la liberté des autres citoyens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.