Intervention de Arié Alimi

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 11h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Arié Alimi, avocat :

La désescalade est la seule voie possible. Or ce n'est pas ce que prévoit le schéma national du maintien de l'ordre. Certains de ses éléments sont d'ailleurs contradictoires. On veut ainsi légaliser l'encagement, qui est justement l'une des premières sources de conflictualité : quand vous enfermez, comme dans une nasse, des gens qui essaient simplement de s'exprimer en manifestant, que vous leur envoyez des gaz et que vous leur tirez dessus avec des LBD, il va de soi que cela provoque des affrontements. De fait, c'est l'un des premiers facteurs déclenchant des confrontations entre les forces de l'ordre et les manifestants. Vous ne pouvez donc pas à la fois légaliser l'encagement, qui constitue une atteinte forte et profonde au droit de manifester, et dire que vous souhaitez une meilleure communication – sans dire d'ailleurs en quoi celle-ci peut consister.

De très nombreux pays européens ont élaboré des protocoles de désescalade. La France a toujours refusé d'y participer. J'aimerais comprendre pourquoi, alors que c'est une voie qui permet la pacification des relations entre les forces de l'ordre et les manifestants. Cela ne masque-t-il pas en réalité une idéologie, une politique qui consistent à affirmer un certain autoritarisme ? En effet, si la logique de la désescalade, qui fonctionne pourtant dans un certain nombre d'autres pays européens, était mise en œuvre, on n'aurait plus la possibilité d'asseoir la force de la loi, comme appelle à le faire mon confrère Laurent-Franck Liénard.

Les sommations, dit-on, vont être modifiées. En réalité, seuls les propos utilisés dans ce cadre sont modernisés ; rien ne change quant au dialogue engagé avec les manifestants. À cet égard, il faut bien comprendre que les manifestations ont changé. Avant, il y avait des manifestations officielles, d'ailleurs légitimées par le pouvoir, pilotées par les organisations syndicales, avec un service d'ordre qui permettait d'éviter les débordements. Avec la décrédibilisation des corps intermédiaires – notamment celle des syndicats – et la crise sociale, cette forme d'organisation interne aux manifestations est de moins en moins possible. Or cette structuration est justement ce qui permet le dialogue entre les forces de l'ordre, la préfecture et les organisateurs. On est dans un nouveau schéma national du maintien de l'ordre justement parce que les corps intermédiaires ont été décrédibilisés.

Il faut trouver une toute nouvelle méthode pour instaurer le dialogue, notamment en repérant les personnes avec qui il est possible de discuter. Ne devrait-on pas dialoguer bien en amont avec toutes les composantes de la manifestation ? Au lieu de cela, la préfecture prononce l'interdiction de manifester la veille, voire le jour même, pour empêcher les référés-liberté. C'est devenu une pratique commune. Ainsi, en novembre 2019, la manifestation prévue place d'Italie pour l'anniversaire des Gilets jaunes avait été autorisée. Le préfet de police l'a interdite alors qu'elle avait déjà commencé, et a imposé immédiatement une nasse, ce qui a entraîné les débordements que nous avons vus à la télévision, mais aussi les violences et graves atteintes physiques dont certains manifestants ont été victimes.

Concrètement, il faut donc choisir entre la désescalade et une répression qui risque de nous entraîner définitivement vers la conflictualité et l'accroissement de la violence. On ne saurait se contenter de dire que force doit revenir à la loi. Au contraire, il faut engager un dialogue permanent, trouver de nouvelles méthodes de dialogue entre l'État et les manifestants.

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