Intervention de Laurent-Franck Liénard

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 11h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Laurent-Franck Liénard, avocat :

Évidemment, mais je vous rassure : chaque fois que des violences sont commises par des policiers dans le cadre d'une manifestation, ils sont identifiés, car ils sont facilement identifiables. Certes, il arrive qu'un individu soit blessé sans qu'on sache ni par qui ni par quoi, mais ce n'est pas pour autant qu'on essaye de cacher la vérité. Chaque tir de LBD donne lieu à la rédaction d'une fiche. Il est faux de prétendre que les juges sont bloqués.

Mon confrère Arié Alimi a dit que l'enquête sur la mort de Cédric Chouviat avait été rendue possible par la diffusion de vidéos. Or Cédric Chouviat est décédé à la suite d'une opération de police, ce qui entraîne évidemment le déclenchement d'une enquête par le parquet : c'est fait deux heures après. Il n'est pas sérieux de prétendre que sans la diffusion d'une vidéo il n'y aurait pas eu d'enquête et que l'on n'aurait jamais entendu parler de la mort de Cédric Chouviat. Je suis désolé de le dire, mais c'est totalement faux. Une enquête a été menée, et il se trouve que, de part et d'autre, des vidéos ont été produites. En effet, Cédric Chouviat avait filmé, mais les fonctionnaires de police aussi. Le parquet a produit les images de M. Chouviat, et ma cliente, de son côté, avait remis les siennes à l'IGPN, car elle avait filmé avec son téléphone portable l'intégralité de ses interactions avec Cédric Chouviat. Il faut donc arrêter de dire que l'on essaye de cacher les choses. Au contraire, les policiers veulent avoir des images de ce qu'ils font, parce qu'ils n'ont rien à craindre.

S'agissant de la neutralité de l'IGPN, je puis vous dire, pour y aller chaque semaine, que ses agents ne sont pas tendres du tout avec les policiers. Dans l'affaire Chouviat, l'un des fonctionnaires mis en cause a été entendu pendant huit heures – et il ne s'agissait que d'un seul acte d'instruction. Les enquêteurs vont donc au bout des choses.

Je puis aussi vous dire, car j'en suis le témoin – de même que maître Alimi, d'ailleurs, que des juges mettent en examen des policiers, les poursuivent, les placent sous contrôle judiciaire, prononcent à leur encontre des interdictions d'exercer, de porter des armes ou de se rendre dans tel ou tel endroit. Il est faux de prétendre que nous sommes dans un système d'impunité. Si tel était le cas, mon cabinet serait vide ; or il est plein de policiers et de gendarmes poursuivis devant la justice. Ce que je dis fait rire maître Alimi. Sans doute est-ce parce qu'il sait très bien que nous sommes opposés dans de nombreuses procédures judiciaires. Quoi qu'il en soit, il faut donc arrêter de dire qu'il n'y a pas de poursuites : c'est faux, il y en a tous les jours.

L'IGPN travaille autant qu'elle le peut, mais ses enquêteurs ne sont pas assez nombreux. Il n'en demeure pas moins que ce sont de vrais enquêteurs de police judiciaire, qui font extrêmement bien leur travail, à charge et à décharge. Lisez leurs rapports d'enquête, que l'on appelle rapports de synthèse de l'IGPN : vous verrez qu'ils ne sont pas tendres du tout avec les policiers et qu'ils décrivent précisément les faits et le cadre légal. Ces rapports sont envoyés à l'autorité qui engage les poursuites, c'est-à-dire le parquet – car l'IGPN n'est pas une autorité de poursuite : elle enquête, et elle le fait très bien.

Si l'on voulait confier ses missions à une autre structure, il faudrait que celle-ci ait des pouvoirs de police judiciaire. Elle devrait également disposer d'enquêteurs armés et équipés de gilets pare-balles, car les agents de l'IGPN sont parfois confrontés à des réactions violentes de la part de personnes qu'ils interpellent, par exemple quand ils débarquent à six heures du matin chez un « ripou ». Il faudrait, par ailleurs, que les dispositions du code de procédure pénale et du code pénal s'appliquent à ces agents. Seul un service de police ou de gendarmerie respecte tous ces critères.

De plus, si vous chargez des policiers d'enquêter sur les violences commises par des gendarmes, ou l'inverse, vous tomberez dans le même écueil que maintenant : ce sont des membres des forces de l'ordre, enquêtant sur d'autres membres des forces de l'ordre. Or ils sont les seuls à pouvoir le faire. Un enquêteur, c'est un enquêteur. Certes, madame la rapporteure, on pourrait envisager, dans le cadre d'une commission d'enquête, que vous commenciez à enquêter sur les violences policières,…

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