Intervention de David Dufresne

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 16h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

David Dufresne, journaliste :

Formidable ! Sauf que de telles dénonciations doivent passer par voie de presse parce que l'IGPN ne fait pas son travail. Cela ne l'empêche pas, parfois, de faire grief aux intéressés – par l'intermédiaire du préfet, à Paris – de ne pas avoir dénoncé de tels faits assez vite. Ce système est complètement fou !

Vous récusez, et M. Gendrot semble plutôt d'accord avec vous, le fait qu'il existerait un racisme systémique. Pour ma part, je pense qu'il existe. Vous avez employé le mot qui convient précisément : l'omerta, qui suppose précisément un système. A minima, il en existe un, humain et fondé sur la peur, au sein de la police. Écoutez ce que disent ces nouveaux lanceurs d'alerte qui, depuis le début de l'année, révèlent des choses de l'intérieur !

Bien entendu, parler de la police en général n'a pas de sens ; c'est un raccourci. Elle est le théâtre de multiples discussions et tiraillements. Les syndicats majoritaires que vous avez auditionnés ont, grosso modo, une parole à peu près identique, celle de leur corps et de ses intérêts bien compris. Mais il y en a d'autres, ultra-minoritaires, comme la CGT Police nationale, Vigi ou Sud Intérieur, qui ne reprennent absolument pas le discours ambiant. Or ces derniers représentent tout de même une partie de la police.

Votre commission a tout intérêt à s'ouvrir à autre chose qu'aux discours convenus que l'on nous répète comme des mantras à longueur de temps sur les chaînes de télévision. Il y a un véritable malaise au sein de la police. Croyez-vous franchement que je ne dispose pas d'informateurs en son sein ? Bien sûr que si, car il faut que cela sorte. C'est une véritable cocotte-minute !

Pour en revenir au maintien de l'ordre, le problème est apparu au grand jour avec les Gilets jaunes, mais il est bien évidemment antérieur : cela fait trente ou quarante ans qu'il est assuré dans les quartiers d'une façon absolument indigne d'un pays démocratique.

Monsieur Fauvergue, vous avez dit à propos de la CSI 93 : dissoute ou pas dissoute, peu importe. Eh bien, non, pas peu importe, car si sa dissolution avait été annoncée, Mediapart a révélé il y a quelques jours qu'en réalité elle ne l'avait pas été ! C'est ça, l'omerta, c'est ça, le problème ! Pour suivre les dossiers, je trouve qu'il y a un manque de sérieux au sein de la police. Elle est tétanisée, et cela peut se comprendre, parce qu'elle se trouve tout à coup sous le feu de critiques de l'intérieur et de l'extérieur ; des vidéos et des images circulent, que certains aimeraient ne plus voir ou en tout cas pouvoir contrôler.

Dans le maintien de l'ordre, deux thermomètres permettent, selon moi, de mesurer les violences policières : l'IGPN – mais celui-là est largement cassé, et je peux vous fournir les documents qui me permettent de le dire – et la presse et l'opinion publique. Pendant dix-huit mois de mouvement de Gilets jaunes, j'ai comptabilisé 127 signalements attestés de presse, c'est-à-dire de journalistes ou de vidéastes arrêtés, de cartes mémoire effacées, de téléphones matraqués, d'objectifs visés. Ce matin, Me Laurent-Franck Liénard vous a pourtant affirmé que les policiers ne visent jamais les caméras.

Des campagnes sont systématiquement menées contre les journalistes, accusés d'être militants et anti-flics. Madame la Rapporteure a eu la gentillesse d'interroger un syndicat de police que vous avez auditionné sur une liste de journalistes soi-disant anti-flics figurant sur son compte Twitter, et faisant très clairement de nous des cibles. Dans cette liste figurait mon ami Taha Bouhafs, objet pas plus tard qu'hier soir d'un tweet du ministre de l'Intérieur : est-ce que vous vous rendez compte ?

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