Intervention de David Dufresne

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 16h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

David Dufresne, journaliste :

Je vais vous répondre au sujet de l'IGPN, mais j'espère avoir le plaisir de vous parler, tout à l'heure, des points 2.2.1, 2.2.2 et 2.2.4 du nouveau schéma national du maintien de l'ordre, qui concernent les journalistes et sont très éloquents.

J'ai étudié avec Pascale Pascariello, journaliste à Mediapart, près de soixante-dix dossiers d'enquêtes menées par l'IGPN, liés au mouvement des Gilets jaunes. Nous nous sommes intéressés aux raisons pour lesquelles le parquet avait décidé de classer sans suite nombres de procédures transmises par l'IGPN. L'identification laborieuse des policiers auteurs de violences ou de tirs arrive quasiment en deuxième position. Les preuves sont souvent exploitées tardivement, au risque de disparaître. Il n'est pas rare que les vidéosurveillances soient trop tardivement réquisitionnées, les armes non expertisées, les enregistrements radio de la police non saisis. Enfin, le recours disproportionné à la force est souvent légitimé à l'aide de cette phrase si commode : « l'infraction est insuffisamment caractérisée ». À mon sens, l'IGPN sert de lessiveuse aux violences policières illégitimes.

J'ai souvent entendu dire, au cours de vos débats, que l'IGPN était très sérieuse. Elle l'est, en effet ! Elle emploie d'ailleurs les meilleurs enquêteurs et n'hésite pas à pousser les investigations très loin dans certaines affaires internes à l'administration, comme l'utilisation de véhicules de police à des fins personnelles. M. Gendrot aborde ce sujet dans son ouvrage. En revanche, dès qu'il s'agit de violences policières, il y a un angle mort. Le sociologue Cédric Moreau de Bellaing, que vous avez auditionné et qui est plutôt modéré, évoque, lui aussi, ce sujet dans son livre.

Brigitte Jullien, directrice de l'IGPN, que vous avez également entendue, écrit dans l'éditorial du rapport de l'IGPN sorti en juin 2020, que l'ambition première de l'IGPN est de « valoriser l'institution et ses agents ». Eh bien, ce ne devrait pas être cela ! Son ambition première devrait plutôt être de devenir une police des polices.

Le sujet a été abordé par des sociologues et nous ferions bien de nous inspirer des exemples anglo-saxons, notamment en Angleterre, où l'équivalent de notre IGPN est placé sous l'autorité du ministère de la Justice et non sous celle du ministère de l'Intérieur. Bien évidemment, des policiers siègent dans les commissions pour partager leur expertise, leurs connaissances, leur vécu, mais des représentants des familles des victimes y ont également leur place, tout comme des juristes, des avocats. L'Angleterre, à la suite des affaires de racisme qui ont éclaté au sein de sa police dans les années 1980-1990, a organisé un débat national – il me semble que vous vous demandez aussi, de votre côté, comment améliorer le lien entre la police et la population. Dès lors que la police est contrôlée, le niveau de confiance en elle s'élève. L'actuelle IGPN, police des polices au service de la police, ne fonctionne pas. Au-delà des violences policières, la population a découvert que l'IGPN poussait très peu ses enquêtes au bout.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.