Intervention de David Dufresne

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 16h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

David Dufresne, journaliste :

Il est, en effet, quelque peu embarrassant d'évoquer ici, dans une commission d'enquête présidée par monsieur Fauvergue, des violences policières en sachant que la proposition de loi présentée par le même monsieur Fauvergue sera examinée en séance publique mardi prochain, en particulier son fameux article 24. Tout le monde a bien compris que l'objectif est d'éteindre l'incendie allumé par la mise en évidence de pratiques policières inadmissibles. On nous dit qu'il ne sera pas question de floutage, que seule la teneur des textes accompagnant les vidéos pourra être mise en cause, mais le flou le plus total entoure ces mesures. On sait qu'il s'agit de gages donnés aux syndicats de police, dont certains considèrent, d'ailleurs, que la proposition de loi n'irait pas assez loin.

Monsieur Taché a soulevé le problème des syndicats de police. Jusque dans les années 1990, le partage était assez équilibré entre les syndicats de police de droite et de gauche. Aujourd'hui, suivant l'évolution de la société, ou l'anticipant, beaucoup de syndicats se sont droitisés, voire droitisés à l'extrême et n'ont plus qu'une vision répressive de la police. On en vient d'ailleurs à se demander, en lisant les tracts, les tweets ou certains communiqués, si les syndicats n'auraient pas pris le pouvoir sur le politique, en particulier place Beauvau. Que faut-il penser de l'intervention de monsieur Darmanin expliquant aux journalistes de BFM, le 2 novembre, au moment où l'examen de cette proposition de loi débute, qu'il a promis aux policiers que leur image ne serait plus identifiable ? La police, qui est un service public, ne se transforme-t-elle pas en lobby pour faire pression sur les parlementaires ? Faut-il légiférer dans ces conditions ?

Nous sommes extrêmement inquiets parce qu'il est porté atteinte, d'une manière évidente, à la liberté d'informer, non seulement des professionnels mais de l'ensemble de nos concitoyens. Sans y croire, nous avons bien compris le sens du discours rassurant des défenseurs de ce texte, car nos concitoyens qui se sont mis à filmer, à documenter et à diffuser sont, en effet, les vraies cibles. Le nerf de la guerre, qui est au cœur de l'article 24 de la fameuse proposition de loi, est la diffusion, non la captation. Le ministère de l'Intérieur avait, en effet, rappelé, dans une circulaire de 2008, que les policiers n'ont pas plus de droits que les autres et ne peuvent s'opposer à ce qu'on les filme. Le vrai problème est posé par la diffusion.

Il aurait fallu faire le contraire de ce que vous proposez : organiser un véritable débat pour partager les connaissances. Cela fait vingt ou trente ans que l'on nous explique – et encore dans ce texte – que nous n'avons rien à craindre des caméras de surveillance ni des drones. Mais les policiers, eux, auraient des raisons de craindre d'être filmés ! Cette affaire est très mal ficelée, mais peut-être monsieur Fauvergue pourra-t-il nous en donner les raisons. Monsieur Taché, vous étiez d'accord avec l'esprit initial de ce texte qui était de renforcer les moyens des polices municipales, voire des sociétés privées. Or d'autres dispositions ont été ajoutées, notamment pour ce qui est des drones, sans parler de cet article 24, absolument fascinant dans la mesure où il est contraire à la Constitution et aux textes européens relatifs à la liberté d'informer.

Vous pouvez être certains que la bataille fera rage jusqu'à vendredi prochain car, au travers de cette proposition de loi, vous portez atteinte à la liberté d'informer, qui ne se situe pas au-dessus des autres, mais dont découlent toutes les autres.

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