Intervention de Dominique Sopo

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 17h30
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Dominique Sopo, président de SOS racisme :

J'en ai quelques-unes… Le rapport de la commission Macpherson avait préconisé l'intégration de personnels issus d'autres corps que celui des forces de l'ordre, notamment pour accomplir des tâches administratives, afin de casser la logique corporatiste inhérente à ces métiers à risque. Une analyse sur le long terme serait certes nécessaire, car le corporatisme peut se reconstituer, mais l'idée de faire tourner dans les commissariats des personnels qui ne viendraient pas du ministère de l'Intérieur aurait le mérite d'y introduire un regard extérieur et de sortir de ces logiques de l'entre-soi.

Ensuite, un renforcement assez radical s'impose pour la formation, plutôt délaissée pendant de nombreuses années, – même si la situation commence à changer un peu. Il conviendrait également de s'interroger sur l'encadrement, où un problème spécifique se pose, davantage dans la police que dans la gendarmerie ou dans d'autres corps de l'armée. Je vous renvoie au livre de Valentin Gendrot, que vous venez d'auditionner : manifestement, quelque chose ne va pas. Ajoutons que si l'État veut des personnels motivés, compétents, capables de faire preuve d'une certaine hauteur malgré la difficulté de la tâche, encore faut-il qu'il leur verse des salaires en proportion des tâches et du danger lié à ces métiers : sans aller jusqu'à parler de clochardisation, force est de constater qu'un problème de rémunération se pose au sein des forces de l'ordre. Nul doute que s'il était réglé, la profession connaîtrait moins de tensions et attirerait des profils aux comportements plus conformes à la déontologie.

Par ailleurs, une réforme des corps d'inspection me semble nécessaire. J'estime que l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) ne sont pas à même de traiter des questions de racisme au sein de la police et de la gendarmerie, pour une raison très simple : si elles se montrent très dures – au demeurant, elles ne font que leur métier – à l'encontre de flics ripoux ou des manquements de tous ordres, cette dureté n'est plus de mise dès lors qu'il s'agit d'un problème de relation entre les forces de l'ordre et la population et laisse immédiatement place à une forme d'abstention, une logique de dédouanement. C'est également ce qui se produit face à des phénomènes de racisme entre collègues. Il faudrait un corps d'inspection ad hoc qui traiterait systématiquement de ces sujets, pendant que l'IGPN et l'IGGN s'occuperaient des problèmes strictement « interno-internes ». C'est une question d'efficacité ; en tout état de cause, on aurait besoin d'autres corps d'inspection, à tout le moins mixtes, ou même qui n'incluraient aucun membre des forces de l'ordre, ou seulement de manière très minoritaire. C'est ce qui se fait dans certains pays d'Europe du Nord, où cela ne soulève pas de problème particulier.

Pendant des années, ce phénomène a fait l'objet d'une forte dénégation, constamment entretenue par le pouvoir politique, et ce bien avant 2017. Un gros travail de pédagogie s'impose pour faire comprendre qu'il existe bel et bien : on pourrait, par exemple, réaliser des enquêtes de ressenti au sein de la police, et faire entendre une parole réelle, qui puisse rapporter des témoignages sans être systématiquement délégitimée. Ces enquêtes de ressenti pourraient faire l'objet de discussions et favoriser une prise de conscience collective : non, certains comportements ou systèmes de représentation ne peuvent pas perdurer, il n'est pas normal, lorsque l'on est fonctionnaire, d'entretenir avec certains de ses collègues un rapport dégradé en raison de leurs origines.

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