Nous n'avons pas été consultés sur le nouveau schéma national de maintien de l'ordre.
Contrairement à la LDH, SOS racisme n'envoie pas d'observateurs dans les manifestations. Cela étant, nous sommes bien évidemment en faveur d'un statut particulier. À défaut, ces observateurs risquent d'entrer dans des situations très conflictuelles avec les policiers ou les gendarmes, qui vont se considérer comme remis en cause par leurs observations. Un tel statut permettrait d'apporter un regard extérieur sur le déroulement des manifestations et d'éviter les tensions inutiles. Il est normal que des citoyens puissent regarder, sans gêner, la manière dont le maintien de l'ordre s'applique. Les observateurs de la Ligue des droits de l'Homme ne me semblent pas des témoins malhonnêtes qui rapporteraient n'importe quoi ; ces associations font un travail extrêmement sérieux, avec lequel les forces de l'ordre ne seront sans doute pas d'accord, mais qui n'en offre pas moins un point de vue exigeant sur la question des droits de l'Homme.
Je n'ai pas d'avis au sujet des unités non spécialisées. Il s'agit d'une question distincte de celle du racisme au sein de la police, plutôt liée aux manifestations des Gilets jaunes, et qui intéresse la déontologie et les techniques d'intervention. J'y suis sensible en tant que citoyen, mais elle n'entre pas spécifiquement dans l'objet de l'association SOS Racisme.
J'ai déjà dit quelques mots des organes de contrôle. Tant qu'ils n'éviteront pas l'écueil du corporatisme – l'IGPN et l'IGGN ne peuvent s'en affranchir – l'effectivité des sanctions en cas de comportements racistes envers des collègues ou des personnes mises en garde à vue ou contrôlées ne progressera pas. Il y a manifestement un problème à ce sujet : Charlie Hebdo a demandé au ministère de l'Intérieur le nombre de sanctions pour des faits de racisme au cours des dernières années. Le service d'information du ministère avait été surpris par cette question : il n'avait pas les chiffres. Finalement, il a fait état de douze sanctions en deux ans ; c'est dire si leur ineffectivité est manifeste. Nous-mêmes avons des témoignages de membres des forces de l'ordre qui ne saisiront ni leur hiérarchie ni l'IGPN, tout simplement par crainte que cela ne leur retombe dessus.
Qui plus est, tout ne relève pas de faits pénalement qualifiables : des ambiances, des mauvaises relations ou des comportements « borderline » ne justifient pas une saisine de l'autorité de contrôle. C'est tout l'intérêt des enquêtes de ressenti : au-delà des cas individuels qui ne relèvent pas d'une qualification pénale, il est possible d'améliorer la situation par des constats partagés, par des actions de formation, par le dialogue. Tout ne se règle pas par la sanction – sinon, cela se saurait…
Il faut prévoir des organes de contrôle spécifiques sur ces sujets, composés en grande partie ou en totalité de personnalités extérieures aux forces de l'ordre – magistrats, personnes qualifiées, associations – et traiter ces problèmes de façon plus structurelle, par la formation, l'organisation des forces de l'ordre, et les choix d'affectation : il n'est pas très intelligent d'envoyer les personnes les moins expérimentées dans les endroits les plus durs, qui sont souvent les plus éloignés de leur quotidien et de leurs références culturelles. Les plus jeunes dans le métier, qui n'ont pas l'autorité née de l'expérience, auront tôt fait de confondre autorité et humiliation, et de se laisser entraîner dans une logique dysfonctionnelle. Et quand bien même chacun est responsable de ses actes, l'État ne peut pas plonger ses propres agents dans des situations qui les condamnent à adopter de telles logiques. L'État doit également assumer sa responsabilité dans la façon dont il organise et affecte ses ressources humaines, dont il les considère, dont il les rémunère, dont il les forme, dans les techniques d'intervention qu'il encourage et le niveau de répression qu'il estime légitime pour assurer la sécurité publique au quotidien.