Intervention de Rémy Heitz

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 17h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Rémy Heitz, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris :

Elle est absolument indispensable. Dès lors que les manifestations ont vocation à se répéter – plusieurs week-ends de suite, dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes –, il est indispensable de pouvoir sanctionner les faits et délits commis, d'autant qu'il s'agit souvent de délits graves, de violences et de dégradations de biens publics. J'insiste sur l'attention que nous portons à la proportionnalité. Comme je l'ai précisé, les comparutions immédiates n'ont représenté que 16 % des 4 133 gardes à vue. Pour le reste, il y a eu beaucoup de rappels à la loi. Nous avons fait la distinction entre les personnes de bonne foi – que nous avons laissées manifester dès lors que la manifestation était possible –, celles qui venaient avec l'idée de se protéger des gaz lacrymogènes, équipées de masques ou de lunettes de piscine – que nous avons laissées repartir sans poursuite devant la juridiction de jugement, parfois après un simple rappel à la loi –, et celles qui venaient avec l'intention d'en découdre, équipées de masques à cartouche pour affronter les forces de l'ordre – que nous avons déférées devant le tribunal et, pour celles qui avaient commis des faits graves de violence ou de dégradation, condamnées.

Sanctionner ce type de faits est absolument normal, dans un État de droit : c'est assurer la garantie de pouvoir manifester. Nous défendons le droit pour chacun de manifester paisiblement, dans les règles de la République. En l'occurrence, le spectacle donné par les casseurs, des groupes très marginaux, était inadmissible et appelait une réponse.

Je maintiens que la réponse judiciaire est proportionnée. Les critiques ont porté sur certains placements en garde à vue. Or ces derniers ne sont pas décidés par le procureur de la République, mais par l'OPJ. Les réponses du tribunal, elles, n'ont pas donné lieu à des critiques particulières – et pour cause, chacun a pu voir qu'elles étaient adaptées. Elles consistaient avant tout à éviter la récidive, avec des prononcés d'interdiction de paraître. Alors que ce mouvement a duré longtemps, rares sont les personnes que nous avons vues plusieurs fois. L'avertissement judiciaire solennellement délivré par une juridiction ou par le procureur de la République dans le cadre d'un rappel à la loi a suffi. Il y a eu très peu de violations de l'interdiction de paraître.

Je maintiens donc que la judiciarisation est indispensable, sous peine de menacer la liberté de manifester et de nourrir un sentiment d'impunité très néfaste pour le fonctionnement démocratique.

Je maintiens aussi que tous les actes de violence policière qui nous ont été signalés ont fait l'objet d'investigations et, souvent, à notre initiative. Quand nous avons vu certaines scènes filmées, nous avons ouvert des enquêtes avant de recevoir la plainte des victimes. Certaines enquêtes ont même été ouvertes sans plainte. Nous avons pris les devants dans nombre d'affaires, en saisissant l'IGPN.

Je défends le rôle de la justice dans cette matière. Encore une fois, c'est une garantie du droit de manifester.

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