Intervention de Catherine Teitgen-Colly

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 18h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Catherine Teitgen-Colly, membre de la commission nationale consultative des droits de l'homme :

Nous travaillons sur les relations entre forces de l'ordre et population. Notre interrogation n'est pas entièrement nouvelle, puisque nous avons déjà rendu deux avis en ce domaine, l'un en 2016, sur les pratiques des contrôles d'identité, l'autre, le 23 février 2017, sur la loi relative à la sécurité publique. Nous indiquions dans ce dernier, au paragraphe 7, que « Devront tôt ou tard être posées les difficiles questions des missions de la police, de son rapport au public, des conditions statutaires et matérielles de ses fonctionnaires […]. Elles devront l'être selon des modalités permettant l'émergence d'un débat public, qui seul sera à même de créer les conditions d'une réforme reposant sur des bases suffisamment partagées ». Nous vous remercions donc de nous avoir invités à participer à un élément du débat public sur ce sujet.

Depuis ces rapports, des événements dramatiques se sont produits, qui conduisent à s'interroger sur la confiance des citoyens dans les forces de l'ordre.

Nous n'avons pas encore pris position : notre avis devrait être rendu au mois de janvier, mais nous avons procédé à un certain nombre d'auditions. Entamées au printemps dernier, elles ont été interrompues par le confinement. Nous avons commencé par entendre des sociologues ayant travaillé sur les rapports entre la police et la population. En septembre et octobre, nous avons organisé des auditions quasi hebdomadaires de représentants de forces de l'ordre, de syndicats, d'autorités morales, d'associations d'usagers, de corps d'inspection de la police et ce sera, dans les jours qui viennent, le tour de la gendarmerie. Par conséquent, l'avis de la CNCDH n'a encore été ni rédigé ni approuvé. Notre expression doit rester prudente pour ne pas présenter comme l'opinion de la commission ce que nous retirons des auditions organisées jusqu'à maintenant.

Nous avons d'abord constaté le haut niveau de défiance de la population à l'égard des forces de l'ordre, sentiment désormais bien connu. Il s'agit donc de rétablir la confiance. Il ressort des auditions que ce rétablissement nécessite de rappeler les missions des forces de l'ordre. L'article 12 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, qui pose les principes fondamentaux de notre démocratie, dispose : « La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l'avantage de tous. » Relevons que la police est mentionnée à propos de la garantie des droits de l'Homme et du citoyen. La mission de la police est donc bien d'assurer, comme le disait Waldeck-Rousseau, la garantie de ces droits.

Il importe de rappeler que la police est au service de la population. Toutefois, les exigences de sécurité qui ne cessent de se renforcer conduisent à perdre de vue la priorité des missions de la police : garantir les droits de l'Homme et du citoyen. De ce fait, on voit apparaître une défiance à l'encontre de la manière d'assurer le maintien de l'ordre.

Notre objectif est moins de dénoncer les violences policières que de nous interroger sur la manière de rétablir la confiance entre les forces de l'ordre et la population. Recréer un dialogue entre la population et les forces de l'ordre passe par l'information. Il ressort de diverses auditions un manque total d'information, des citoyens comme des services de police eux-mêmes, sur la manière d'exercer cette mission. Or le citoyen a un droit de regard sur le fonctionnement de la police. Il doit obtenir l'information dont il a besoin. Nos auditions montrent une exigence de transparence, la nécessité de lutter contre l'opacité et d'éviter ce que certains appellent le déni des violences policières, qui doivent être reconnues et non « euphémisées ». Parler de bavure policière signifie que, de temps à autre, un policier commettrait un acte moins respectueux de la déontologie ou, plus grave, du code pénal. Il convient donc d'abord de dire ce que sont ces violences, d'en prendre acte, de les mesurer, d'en identifier les auteurs, de situer le problème dans la chaîne hiérarchique.

Il convient également de prendre acte de la perception de la violence policière par l'opinion publique. Celle-ci n'est peut-être pas identique dans toutes les strates de la population, car une partie de la population est directement concernée par les violences et des contrôles d'identité discriminatoires, qui s'apparentent à des contrôles au faciès. Certes, ils sont réprimés par les juridictions mais tout le monde ne va pas devant une juridiction…

Il faut aussi prendre acte du malaise policier. Lors ces auditions, ils ont exprimé un fort malaise lié non seulement aux conditions matérielles du travail ou à l'insuffisance du matériel, mais aussi à l'organisation de la hiérarchie.

Après avoir posé le cadre général, je laisserai à parole à Simon Foreman, qui est avec moi rapporteur de l'avis que devons rendre en janvier. Notre premier souci est de mesurer l'ampleur de ces violences et les sanctions prononcées à l'encontre des auteurs de comportements répréhensibles, mais nous n'avons pas d'indicateurs des dommages causés, pas plus que sur les dysfonctionnements quotidiens de la police de tous les jours et de l'accueil dans les commissariats.

Les premières auditions ont mis en lumière l'exigence d'une application réelle de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »

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