Intervention de Pascale Regnault-Dubois

Réunion du jeudi 26 novembre 2020 à 14h30
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Pascale Regnault-Dubois, directrice centrale des compagnies républicaines de sécurité (DCCRS) :

Je souhaite vous présenter rapidement la maison CRS que je dirige depuis le 1er août dernier. À mes côtés, se trouve le contrôleur général Thierry Guion de Meritens, sous-directeur des opérations à la direction centrale.

Les compagnies républicaines de sécurité constituent la réserve générale de la police nationale à disposition permanente des autorités gouvernementales. Leur raison d'être originelle, la préservation des institutions républicaines sur l'ensemble du territoire, constitue un ancrage historique, mais au fil de plus de soixante-quinze années d'existence, les compagnies républicaines de sécurité ont su faire évoluer leurs capacités opérationnelles au rythme des besoins de sécurité de notre société.

Si le maintien de l'ordre reste le domaine de prédilection de la maison CRS, d'autres missions spécialisées ont été développées : la police de la route, le secours en montagne, la sécurisation des lieux de villégiature, la protection des hautes personnalités et différents dispositifs de prévention de la délinquance au bénéfice des publics scolaires. Au fil des années, le spectre des missions de la maison CRS s'est enrichi et diversifié : sécurisation, lutte contre la délinquance aux côtés de la sécurité publique, missions de contrôle des phénomènes migratoires aux côtés de la direction centrale de la police aux frontières. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et les tueries de masse, la maison CRS est également une des forces primo-intervenantes du schéma national d'intervention.

Le maintien de l'ordre, cœur de métier des CRS, est assuré par soixante unités du service général, soit environ 8 200 fonctionnaires, hommes et femmes. Leur organisation, leur capacité à être projetées en tout temps et en tout lieu, leur autonomie logistique permettent à ces unités de répondre efficacement à tous les enjeux, au profit des services territoriaux.

Afin de préserver l'ordre public, la direction centrale des compagnies républicaines de sécurité s'est organisée pour garantir le maintien optimal en condition opérationnelle de toutes ces unités, notamment par un dispositif de formation particulièrement exigeant : formation individuelle mais, également, surtout pour le maintien de l'ordre, formation collective. La formation permet, en effet, aux effectifs de s'adapter sans délai aux nouvelles menaces auxquelles ils sont confrontés.

Tous les fonctionnaires affectés à la DCCRS, qu'ils sortent de l'école ou y soient mutés, bénéficient d'une formation de base leur permettant d'assimiler la doctrine d'intervention et d'acquérir les actes réflexes individuels et collectifs indispensables à l'exercice de leur mission. Cette formation, d'une durée de trois semaines, est également dispensée aux officiers nouvellement affectés.

Dans la continuité de cette première formation, la formation continue au maintien de l'ordre s'organise autour de dispositifs nationaux, dans trois de nos centres de formation, à Lyon, Rennes et Dijon, et par la mise en œuvre d'entraînements spécifiques. Chaque unité de service général doit effectuer trois périodes de recyclage par an et seize journées d'entraînement, pour une valeur cible de vingt-cinq jours de formation par an. Ces périodes d'entraînement permettent de réaliser les objectifs de formation collective et individuelle, notamment les habilitations et la validation de l'emploi à l'armement.

En complément de ces formations au sein des unités et dans les centres, des périodes de recentrage opérationnel des compagnies sont organisées dans chaque unité afin qu'elles soient « recyclées » sur l'ensemble des missions de maintien et de rétablissement de l'ordre par une équipe spécialisée de formateurs.

Enfin, chaque année, les soixante unités de service général font l'objet d'une évaluation notée, portant sur un exercice d'ampleur regroupant tout le spectre d'intervention des opérations de maintien de l'ordre. Cette évaluation permet d'adapter la formation de l'unité, en prenant en compte ses forces mais aussi, éventuellement, les points à améliorer.

Ces moments de formation, importants pour la vie des unités, sont aussi un temps de rappel des règles déontologiques et juridiques.

La formation, évolutive, est d'autant plus importante que les modalités de contestation ont profondément changé au cours des dernières années. Des groupes très violents infiltrent les cortèges dans le seul but de s'en prendre aux forces de l'ordre. Les jets d'engins incendiaires et de projectiles dangereux deviennent un procédé courant de la contestation et d'affrontement sur la voie publique. Les groupes de délinquants profitent des manifestations pour dégrader des biens, piller des commerces ou, parfois, tout simplement se défouler en commettant un maximum d'exactions.

Face à ces violences, il a fallu adapter nos équipements et nos tactiques pour gagner en mobilité, l'objectif étant de permettre à nos concitoyens d'exercer leur liberté de manifester, et de protéger les manifestants en écartant ceux qui veulent être violents.

Un autre objectif me tient particulièrement à cœur : la sécurité des hommes et des femmes des compagnies, qui est un impératif tout autant que leur efficacité. L'engagement exceptionnel des compagnies républicaines de sécurité pour maintenir l'ordre public a un coût humain puisque nous déplorons chaque année plusieurs centaines de blessés lors de manifestations : 353 en 2018, 413 en 2019, auxquels il faut ajouter les très nombreux « contusionnés », c'est-à-dire les collègues qui poursuivent leur mission malgré leurs blessures légères – plus de 1 500 en 2019.

La nécessaire professionnalisation du maintien de l'ordre a été rappelée dans le schéma national du maintien de l'ordre (SNMO) mis en œuvre depuis septembre dernier. Nous avons été associés à l'élaboration de cette doctrine, ce qui va nous inciter à poursuivre notre réflexion pour plus de mobilité et de réactivité, afin de préserver la liberté de manifester de nos concitoyens.

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