Intervention de Jérôme Foucaud

Réunion du jeudi 26 novembre 2020 à 14h30
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Jérôme Foucaud, directeur de l'ordre public et de la circulation (DOPC) à la préfecture de police :

J'ai souvenir de manifestations, notamment d'agriculteurs, particulièrement violentes, mais plusieurs choses ont changé. D'abord, la raison de la violence, qui n'est plus toujours liée au désespoir. Ces dernières années, on a vu apparaître des gens se joignant aux manifestations dans le seul espoir de les faire dégénérer et se montrant parmi les plus violents. Ensuite, cette violence s'exprime parfois de façon exacerbée, ce qui peut aller, même si ce n'est pas tout à fait nouveau, jusqu'à des jets de cocktails Molotov sur les fonctionnaires. Enfin, et surtout, il y a le rôle de la communication. Les réseaux sociaux ont libéré la parole : on peut y dire n'importe quoi. Dans cette masse de propos extrêmement violents et haineux, il est utopique de penser que la justice pourrait poursuivre leurs auteurs – un Gilet jaune qui veut éventrer le Président de la République, des groupes radicalisés qui appellent à venir déborder une manifestation de soignants. Toutes ces choses nouvelles, qui n'existaient pas il y a vingt ans, nous ont forcés à nous adapter, même s'il reste du chemin à faire, parce que l'imagination est sans limite.

Pour lutter efficacement contre la violence des groupes organisés, il faut disposer d'une évaluation de la menace et d'informations. La tâche est difficile s'agissant des néo-manifestants et elle est encore compliquée par la vitesse de la communication – les téléphones portables n'existaient pas il y a vingt ans. Notre stratégie repose sur l'information fournie par la direction du renseignement ainsi que par différents services, dont la précision conditionne notre anticipation.

Par ailleurs, intervenir avant les manifestations nécessite qu'un délit ait été commis – les interpellations préventives n'existent pas dans notre pays. Savoir que certains individus identifiés, par exemple comme faisant partie de l'ultragauche, vont y participer, ne justifie pas de les interpeller.

S'agissant des modes d'action, la spécialisation de certaines de nos unités dans le maintien de l'ordre public se justifie précisément, comme nous nous en sommes rendu compte au cours de l'épisode des Gilets jaunes, par la nécessité de travailler sur ces manifestants d'un nouveau genre. Il faut pouvoir faire preuve de résilience, ce que l'on ne peut pas demander à un fonctionnaire lambda, de même que l'on ne peut pas demander à un policier de base de faire un travail d'intervention comme celui du RAID (Recherche, assistance, intervention, dissuasion) ou du GIGN (Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale). Un CRS a l'habitude d'être confronté aux insultes ou aux jets de projectiles : c'est parce qu'il est difficile de travailler dans de telles conditions que le maintien de l'ordre est un métier.

Ces deux dernières années, nous avons été confrontés à un phénomène très spontané, très rapide et très violent, qui nous a dépassés. Nous avons réagi comme nous avons pu, en utilisant l'ensemble de nos forces. Le retour à une période plus normale nous impose d'affirmer avec plus de force encore que ce sont des policiers spécialisés qui doivent répondre à cette violence et à cette menace.

Enfin, la difficulté, dans le maintien de l'ordre, c'est d'arriver, dans une configuration où des exactions sont commises, à intercepter les délinquants et à les amener devant un magistrat dans de bonnes conditions, c'est-à-dire en étant en mesure de caractériser la commission du délit. Ce n'est pas toujours facile lorsque, face à une foule hostile, il faut choisir entre interpeller un individu qui vient de commettre une exaction et maintenir le dispositif de maintien de l'ordre. Ce sujet est d'ailleurs abordé par le SNMO et un groupe de travail sur le travail judiciaire post-maintien de l'ordre a été constitué.

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