Tout à fait. M. le président, Mesdames et Messieurs les députés, je suis d'abord très heureux de pouvoir parler devant vous et exposer le travail que je mène en tant qu'ancien policier et en tant qu'acteur associatif engagé depuis 30 ans. J'ai 61 ans. J'ai passé 36 ans au sein de la police nationale et 30 dans le monde associatif. Comme l'a indiqué M. le président Fauvergue, je suis maire d'une petite commune de 125 habitants dans le département de l'Aude. J'ai également été nommé par le préfet de l'Aude directeur du service national universel (SNU), qui est un peu mis entre parenthèses actuellement compte tenu de la crise sanitaire. J'ai commencé ma carrière dans la police en 1981, comme gardien de la paix CRS et sportif de haut niveau – j'étais membre de l'équipe de France de lutte. Entre 1982 et 1984, j'ai été affecté au service de la protection des personnalités. À ce titre, j'ai assuré la sécurité de Joseph Franceschi, alors secrétaire d'État à la sécurité publique, auprès du ministre de l'Intérieur, Gaston Defferre. En 1985, j'ai eu l'immense bonheur d'être sélectionné parmi les 70 policiers de la première unité du RAID lors de sa création et de son implantation à Bièvres. Comme vous le savez tous, cette unité est spécialisée dans le règlement des problématiques de terrorisme et de prises d'otages entre autres. Je suis resté au sein du RAID jusqu'en 1997, à un moment où j'ai changé d'optique et où j'ai été mis à disposition par le ministre de l'Intérieur de l'époque, M. Jean-Louis Debré, pour travailler sur les quartiers de Corbeil-Essonnes. Pendant huit ans, j'ai ainsi été affecté comme chargé de mission à la politique de la ville auprès de Serge Dassault, qui était maire de Corbeil-Essonnes.
Si j'ai quitté le RAID à ce moment, c'est tout simplement parce que je m'interrogeais beaucoup sur les problématiques de relations entre jeunes et police. C'était la période – vous vous en souvenez sûrement – des émeutes de quartiers qui avaient éclaté un peu partout en France, de Vaulx-en-Velin aux quartiers de la périphérie parisienne et des grandes banlieues. J'ai donc décidé de contribuer à la lutte contre ces problèmes d'émeutes en travaillant au contact des jeunes. C'est aussi à cette époque que j'ai créé l'association Raid Aventure Organisation, qui existe maintenant depuis plus de 20 ans. Je ressentais alors la nécessité de remettre en place du lien entre la police, la population et les jeunes. Je pense que c'est essentiel. Même si elle n'a pas encore complètement été exploitée, il s'agit à mon sens d'une vraie solution et mon expérience m'a conforté dans cette idée. Cette association mobilise plus de 250 policiers bénévoles, qui travaillent donc à mes côtés. Ils sont issus de brigades anti-criminalité (BAC), de compagnies républicaines de sécurité ou encore de compagnies d'intervention, soit tout le spectre des services de police. L'objectif de l'association était et est toujours de déconstruire les stéréotypes qui peuvent exister sur la police en général, sur la violence prétendument policière ou encore sur les méthodes de la police. Ce sont des thématiques très présentes dans l'actualité depuis quelque temps, même si elles sont prégnantes en fait depuis de nombreuses années.
Nous faisons donc en sorte de créer du lien social au travers des actions que nous menons. Parmi celles-ci, je peux en citer deux qui rencontrent un vif succès puisqu'elles ont été reconnues par les différents gouvernements qui se sont succédé, ce qui me permet de préciser que notre action est apolitique. Nous travaillons avec des villes de toutes tendances politiques qui font peut-être partie des circonscriptions de certains des députés présents à cette audition. Je pense par exemple à Sarcelles ou à Saint-Ouen. Nous sommes actifs sur tous ces secteurs. Nous avons créé deux dispositifs. Il s'agit premièrement de Prox'Aventure, qui est déployé actuellement dans une centaine de villes en France et qui mobilise depuis plusieurs années plus de 45 000 enfants et jeunes (âgés entre 8 et 25 ans). Il consiste à organiser des journées à thèmes au sein même des quartiers avec des membres de l'association, avec des policiers municipaux, avec des élus (c'est important pour nous) ou encore avec des associations référentes (que nous connaissons et qui sont recommandables). Je peux vous assurer que le succès que nous remportons est important et que nous sommes un peu dépassés par les demandes formulées soit par les préfets, soit par les maires. Nous sommes énormément sollicités pour apporter des réponses à toutes les problématiques de violences urbaines, qui peuvent être liées à des sujets de maintien de l'ordre, que ce soit par rapport à des situations de violences urbaines ou de manifestations. Ce travail nous permet d'expliquer aux enfants les missions de la police (avec par exemple les gestes techniques de policiers d'intervention) et les conditions dans lesquelles se déroulent les interpellations. Nous expliquons aussi pourquoi il faut répondre favorablement lorsqu'un policier vous contrôle ou vous interpelle. Au travers de ces actions, nous apportons à mon sens une véritable réponse dans le but de retisser du lien social entre la police et la population (et plus particulièrement la jeunesse).
Le second dispositif concerne des séjours que nous organisons sur un site de Dreux, en Eure-et-Loir. Nous y accueillons tout au long de l'année des enfants pour des semaines à thème qui permettent de travailler sur des aspects purement sportifs tout en créant du lien avec ces jeunes. Nous avons des temps de rencontre et de discussion pour évoquer toutes les problématiques que rencontrent ces jeunes, et je peux vous assurer qu'elles sont nombreuses. Elles peuvent porter sur des questions de religion – qui peuvent être assez prégnantes dans ces quartiers – mais aussi de sujets de violences et d'interpellations dans le cadre des rapports entre la police et la population. Pour nous, c'est un moyen de créer une forme de désescalade à travers ces actions. J'insiste sur le fait que ce travail est vraiment plébiscité par les élus. Nous avons par exemple été repérés par le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) et par l'Agence nationale de cohésion des territoires, ce qui est pour nous une vraie reconnaissance. Il est intéressant de voir que les institutions – et notamment les délégués des préfets, qui ont un rôle important sur les problématiques des quartiers –, les associations et les élus ont la volonté de faire société ensemble et d'avancer sur ces problématiques de relations entre police et jeunes, et population de façon plus générale. C'est un travail assidu que nous menons depuis un certain temps et qui a été intensifié depuis six ans. Notre objectif est de pouvoir le développer encore. À ce titre, j'ai eu la chance hier d'avoir une écoute attentive de la part de représentants de la formation au sein de la police nationale. Il nous semblerait intéressant de pouvoir aller dans les écoles de police et d'impliquer – dans le cadre de stages – des jeunes policiers dans notre structure pour leur permettre de venir à la rencontre de jeunes des quartiers. En effet, cette connaissance des quartiers semble précieuse pour les nouveaux policiers. Nous souhaiterions en outre pouvoir intervenir de façon massive dans les collèges et les lycées. Nous allons faire en sorte de développer ce type d'actions avec l'aide des partenaires institutionnels qui nous soutiennent, à l'instar de la Région Île-de-France. L'idée est là aussi d'aller à la rencontre des élèves et de pouvoir parler de ces problématiques de relations entre les jeunes et la police.
C'est un cadre général que nous sommes en train de poser, et j'ose espérer que nous aurons une réponse favorable de la part du ministère de l'Intérieur. Au-delà de la réforme du maintien de l'ordre et des pratiques qui y sont associées, je pense que nous devons travailler sur tout un environnement si nous souhaitons trouver des solutions à toutes les problématiques de violences, qui ont encore émaillé l'actualité des derniers jours. Je suis convaincu de l'importance du travail d'associations comme la nôtre. Nous ne sommes pas les seuls à œuvrer dans ce domaine, même si nous sommes peut-être les leaders – sans faire de forfanterie – en ce qui concerne le rapprochement entre les jeunes et la police. Je pense que le travail de fond que nous menons permettra, sur la durée, d'améliorer la situation, même si je sais qu'en politique ce sont bien souvent des réponses immédiates qui sont recherchées. Nous ne pouvons pas tout attendre de la police nationale, pas plus que des polices municipales. Je suis persuadé que c'est ensemble que nous réussirons à résoudre ces problèmes de violence pour aller vers plus de cohésion sociale. Voilà en résumé le travail que nous essayons de mener depuis de nombreuses années avec le soutien des institutions, des villes et élus de tous bords politiques, et de l'État. Je suis à votre disposition pour répondre à des questions si vous le souhaitez.